Paris : 10 fontaines-sculptures à Paris, 10 oeuvres d'art contemporain en eau

 

Les Fontaines contemporaines, fruits de commandes publiques, inspirent les artistes auxquels font appel l’Etat ou les communes. Leurs œuvres animent la ville, distillent des doses de poésie, murmure, lumière. Les plasticiens proposent une réponse esthétique à un contexte urbain. La singularité de ces fontaines-sculptures créées in sitù, s’inscrit dans la symbolique des installations détachées de leur vocation usuelle, celle d’alimenter la population en eau. Adaptées au cadre qu’elles viennent orner, ces oeuvres originales, essentiellement ornementales, marquent l’ancrage des fontaines dans leur vocation désormais d’agrément accessible à tous. Elles témoignent d’un goût, d’une époque, expression d’une créativité. Spectacle sensoriel, l’eau anime les sculptures, glisse sur les courbes, jaillit festive, leur confère un dynamisme, ou bien le calme, l’énergie ou la paresse. La surface recomposée tour à tour vitre et miroir, transparence et opacité, emprunte la forme mouvante, changeante, insaisissable. La présence de l’eau dans les lieux publics raconte la vie intime de la cité, l’évolution de la société et la modification du rapport au monde. Les fontaines-sculptures imaginées par les artistes esthétisent l’espace urbain, invitent à la rêverie et requalifient le territoire sensible de la ville.





Cour d’Orléans - Palais Royal - Paris 1
Métro Palais Royal lignes 1, 7

Les Sphérades de Pol Bury, fontaines cinétique lovées au cœur du Palais Royal font entendre le murmure des flots auquel se mêle le cliquetis du métal et les craquements du mécanisme horloger. Les deux oeuves commandées en 1981 par Jack Lang alors ministre de François Mitterrand ont été installées dans la Cour d’Orléans en 1985 entre la Cour d’Honneur où se trouvent les colonnes de Buren et le jardin, entre le Conseil Constitutionnel et le Ministère de la Culture. Rénovées en 2015, les Sphérades n’ont cependant pas retrouvé toute leur mobilité. L’eau glisse sur les courbes miroitantes des boules en acier inoxydable. Colonnades et jardin se reflètent dans l’éclat froid de l’acier, images mouvantes, poésie hypnotique. En travaillant l’élément liquide, Pol Bury a choisi d’invoquer la précision des humeurs dynamiques qui laissent une place à l’inattendu. 




Place Stravinsky - Paris 4
Métro Rambuteau, ligne 11

A la croisée des arts, la fontaine Stravinsky ou fontaine des Automates fait le lien entre la modernité du Centre Pompidou et les arches gothiques de l’Eglise Saint Merri. Œuvre in situ, elle associe à son esthétique singulière aux éléments architecturaux du lieu et souligne le dynamisme propre à ce quartier de Paris. Elle offre un contraste saisissant entre le plan d’eau de 580m2 et l’espace minéral de la place. Spectacle musical et chamarré, théâtre nautique, cet ensemble exubérant de sculptures batifole dans l’eau. Il réenchante la réalité quotidienne par le biais d’une appropriation poétique du concret. La fontaine-sculpture imaginée comme une invitation à l’insouciance et à la joie par le couple mythique du Nouveau Réalisme, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, a été inaugurée en mars 1983. Pierre Boulez, fondateur et directeur de l’IRCAM - Institut de Recherche et de Coordination Acoustique Musique - dont les cinq niveaux souterrains se trouvent sous la place Stravinsky est à l’origine du projet de cette commande publique de la Ville de Paris en partenariat avec le Ministère de la Culture et le Centre Pompidou. Hommage au compositeur russe qui a donné son nom au parvis, la fontaine-sculpture reprend des éléments figuratifs de son œuvre tout en évoquant le rythme et la musicalité. Effet acoustique de l’élément liquide, recherche cinétique sonore, Jean Tinguely la décrit comme « jouée et éclaboussée par l'eau [...] tentation de rendre visible la musique ».





Place Jussieu - Paris 5
Métro Jussieu, lignes 7, 10

La Bouche de la Vérité, une fontaine-sculpture imaginée par l’artiste Guy Lartigue a été inaugurée en 1994 place Jussieu à l’entrée principale du campus universitaire. Au centre d’un large bassin circulaire, un disque en granit clair est percé d’un trou. L’eau est censée le traverser d’une gerbe jaillissant à la base du bloc. Il semble que le débit soit actuellement un peu faible pour mener à bien le projet. La démarche de Guy Lartigue s’inscrit dans un désir de dynamiser l’espace. Il joue sur les propriétés des matériaux, lumière du métal, chaleur du cuivre, réflexion de l'inox, matité du granit afin de composer avec l’architecture.





Square Henri-Cadiou - 69 bd Arago - Paris 13
Métro Saint Jacques, ligne 6

Réalisée d'après un modèle original de César Domela (1900-1992) en duralium naturel et duralium électrolysé datant de 1963, cette reproduction en acier inoxydable a pris place au coeur du jardin en 1990. La sculpture, à contempler sous de nombreux angles, évoque dans ses sinuosités géométriques, le ruban Möbius et son serpentement infini. Eclats aquatiques et métalliques se mêlent dans un ballet de lumière ciselée, enchevêtrement de lignes courbes rythmé par la matière. Elégantes arabesques qui rivalisent avec la vivacité des jets d'eau. 





Place Augusta Holmes, rue Paul Klee - Paris 13
Métro Quai de la Gare, ligne 6

Fontaine monumentale et installation d’art contemporain imprégnée d’art industriel, « La danse de la fontaine émergente » est la dernière œuvre importante imaginée par Chen Zhen, plasticien franco-chinois, avant sa disparition. Une création impressionnante, révélatrice de sa philosophie, hymne à un monde multiculturel. Inaugurée le 12 février 2008, « La danse de la fontaine émergente » est une œuvre singulière d’une grande complexité technique combinant le travail du verre et du métal, l’ingénierie caractéristique de l’eau et la vision éclairée d’un artiste de grand talent. Entre la réalisation et la conception, elle nécessite plus de sept ans de travail. En 1999, la Commission des Affaires Culturelles de la Ville de Paris passe commande auprès de Chen Zhen dans le cadre du plan d’aménagement de Seine Rive Gauche. L’artiste décède en 2000 alors que l’installation n’est qu’à l’état d‘esquisses, suspendant le projet. La mairie de Paris relance l’idée en 2001. Xu Min épouse et collaboratrice de Chen Zhen finalise les plans de son mari, lui rendant ainsi un dernier hommage posthume.





Square des Saint-Simoniens - 151 rue de Ménilmontant - Paris 20
Métro Saint Fargeau, ligne 3bis

Fasciné par la calligraphie, Marnix Raedecker, issu d’une famille d’artistes, a longuement étudié la langue et la civilisation chinoise avant de s’inscrire aux Beaux-Arts en 1975. Son œuvre porte l'empreinte de sa passion pour l’Asie. Elle laisse transparaître l'influence de certains dogmes de beauté et d'harmonie,  principes fondamentaux de l'art en Extrême-Orient. Son travail mêle l’eau et la lumière, cherche à transmuter les formes solides en formes liquides. Les jets libres de la Fontaine des Anonymes, purs mouvements, jaillissent joyeusement jusqu’au sommet de la fontaine, bouillonnent à sa base et s’apaisent enfin en rejoignant le bassin rectangulaire. Le cercle symbolise la dynamique de l’infini dont les lignes sont soulignées par l’eau vive dans la fantaisie mesurée du yin et du yang, subtil équilibre entre la vie et la mort, le féminin et le masculin.





Square Marcel Mouloudji - 74 avenue Jean Jaurès - Paris 19
Métro Laumière, ligne 5

La fontaine monumentale œuvre de Davos Hanich entourée d’un bassin siège au centre du square Mouloudji. Formé auprès de Fernand Léger, dont il fut l’élève et l’assistant, Davos Hanich (1922-1987) s’est illustré en tant que sculpteur et peintre. Le square a été aménagé en 1986, à l'occasion de la réhabilitation du bassin de la Villette, îlot verdoyant arboré en retrait du canal. Marcel Mouloudji, enfant de Belleville était comédien et l’un des interprètes des chansons de Boris Vian. Le paysagiste Jean Camand a paré l’écrin de béton moderne d’érables, de platanes, de massifs de roses et de laurier-thym. Le jardin valorisé par la chaleur végétale est apprécié pour sa quiétude accueillante dans tout le quartier. La fontaine de Davos Hanich y chante aux beaux jours, rondeur de lune et angles aigus de flèches sidérales.





Place des Fêtes - Paris 19
Métro Place des Fêtes, lignes 7bis, 11


« La Fontaine-Labyrinthe » de Marta Pan a été inaugurée en 1987 place des Fêtes, sur les hauteurs de Belleville. Aux alentours, le quartier hétérogène est marqué par une spectaculaire dichotomie architecturale entre le vaste environnement minéral de la place, large esplanade de béton entourée de tours qui dévorent le ciel et les petites rues pittoresques du Vieux Paris. En 1980, la Mairie encourage par un concours la création de nouvelles fontaines dans la capitale, créations destinées aux lieux déstructurés par l’urbanisme des années 60. Les œuvres d’art public introduites dans le tissu urbain cherchent à redonner une certaine forme de vie spirituelle. Alicia Penalba et Alberto Guzman participent à ce concours. Le projet de Marta Pan (1923-2008), sculptrice française d’origine hongroise - et accessoirement épouse de l’architecte André Wogenscky, collaborateur de Le Corbusier durant vingt ans, est choisi pour orner la place des Fêtes.  « La Fontaine Labyrinthe » représente de manière stylisée le flux des ruisseaux naturels, agora à taille réduite pavée de galets blancs, amphithéâtre miniature sur lequel ruisselle l’eau dans une ronde scintillante. Le courant d’eau inversé de bassin en bassin accroit visuellement la vitesse du débit.





81 rue Armand Carrel - Paris 19
Métro Jaurès, lignes 2, 5, 7bis

Fondé en 1957, le Conservatoire municipal Jacques Ibert, dispense des formations musicales, chorégraphiques et théâtrales. Il intègre les locaux au 81 rue Armand Carrel en 1987 et prend le nom du compositeur en 1988. Cette étonnante et majestueuse construction est le premier bâtiment réalisé en France par l’architecte Fernand Pouillon (1912-1986) à son retour de quinze années passées en Algérie où il s’était exilé ne pouvant plus exercer en France à la suite du scandale de malversation du Comptoir National du Logement. La silhouette singulière du Conservatoire est marquée par une façade latérale à pan coupé faisant l’angle entre les rues Armand Carrel et Bouret. Dans une niche creusée en hémisphère s’élève une imposante fontaine sorte de pastiche néoclassique. L’eau s’écoule depuis le sommet depuis trois colonnes doriques cannelées enchâssées, de diamètres croissants et ruisselle dans un bassin pour rejaillir par une bouche ornée dans un second bassin et déborde jusque dans un troisième.






Esplanade du Général de Gaulle - 92400 Courbevoie
Métro Esplanade de la Défense, ligne 1

Le Bassin Takis, oeuvre poétique énigmatique aux portes de la Défense, contraste par sa dimension ludique avec le sérieux glacé du quartier des affaires. Créée in sitù par l’artiste grec Vassilakis Panayotis Takis (1925-2019), cette installation a vu le jour en 1988. Au pied de la tour Athéna et de l’hôtel Melia, à l’extrémité Nord de l’Esplanade de la Défense, le bassin rectangulaire de 2500m2 déploie le foisonnement d’arborescences aquatiques nées de la main de l’homme. La surface miroitante de l’eau est intégrée à la perspective dans l’axe historique du quartier d’affaires. Ces nymphéas synthétiques, joncs artificiels convoquent les puissances cachées d’un singulier territoire minéral. Le geste artistique révèle et donne sens à un quartier si peu fait pour la nature. Jaillissant de l’eau, les 49 feux multicolores clignotants, Les Signaux, se démultiplient dans le reflet des tours qui grimpent jusqu’au ciel, parois de verre puissamment symboliques. Curieuses floraisons aux formes géométriques montées sur des tiges métalliques, ces sortes de phares intensifient la nuit l’émotion d’un spectacle hypnotique. Hauts de 3,5 à 9 mètres, ils forment un ballet doucement bercé par le vent visible de jour comme de nuit. 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.