Paris : 10 passages champêtres au coeur de la ville, enclaves verdoyantes inattendues

 

Îlots de verdure improbables au cœur de la Capitale, les dix passages champêtres parisiens présentés aujourd’hui se distinguent par leurs charmes hors du temps. Ces territoires de résistance à l’urbanisation, allées, villas, cités, micro-quartiers ponctuent, hors des sentiers battus, la Butte aux Cailles, le Marais, le quartier Montsouris, celui de Charonne et même des lieux plus surprenant comme la place Clichy. Maisons faubouriennes envahies de glycine, pavillons couverts de lierre, jardinets et arbres impromptus revendiquent une quiétude heureuse. Ces havres de paix hors du tumulte, décrochages entre deux immeubles de rapport, oasis de fraîcheur bucoliques, ont conservé leur caractère de joli village. Il y a les enclaves inattendues végétalisées par des riverains à la main vertes, et puis des quartiers résidentiels, petits villages vestiges des cités jardins, rénovés, réhabilités grâce à l’intervention des résidents. Ils ont souvent en commun des initiatives citoyennes, associations de quartier engagées pour la préservation d’une forme de patrimoine loin des édifices somptuaires de la ville muséifiée. Leur poésie invite à la promenade à condition de respecter leur tranquillité. Dix passages champêtres au cœur de Paris.





Accès 30 rue de Turbigo - 221 rue Saint-Martin - Paris 3
Fermé le week-end
Métro Réaumur Sébastopol, lignes 3, 4 

Le passage de l'Ancre, exquise voie privée à ciel ouvert se dissimule en plein coeur du Marais derrière une discrète porte cochère du quartier Saint-Avoye. A l'abri des regards, cette venelle piétonne est un raccourci méconnu qui prolonge la rue Chapon au milieu des immeubles jusqu'à la rue de Turbigo. Chemin de traverse, il est l'un des plus vieux passages de Paris. Sa présence est attestée sur les plans de la ville dès le XVIIème siècle. Bordée de boutiques multicolores, cette étroite allée trottine allègrement côté cour, sentier urbain abondamment fleuri. Les riverains entretiennent avec amour fleurs et arbustes en pots qui confèrent au lieu une atmosphère champêtre. Chronique du temps passé, les enseignes pittoresques disputent en charme aux vitrines à l'ancienne des ateliers artisanaux.





Accès 27 rue Mazarine / 30 rue Dauphine - Paris 6
Métro Odéon lignes 4, 10

Le passage Dauphine à Saint-Germain-des-Prés a des airs de jolie province. Cheminant entre les immeubles de la rue Dauphine à la rue Mazarine, dans le prolongement de la rue Christine, la venelle pavée de frais affiche un lustre coloré, rose de la brique, vert des plantations, un olivier, un figuier, des buis taillés à la française. Ouvert en 1825 sur les vestiges d'une ancienne maison de jeux - établissements nombreux dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés au XVIIIème siècle - dont le jardin s'étendait jusqu'à la rue Mazarine, le passage doit son nom à la rue Dauphine sa voisine. Percée en 1607 à travers les anciens jardins du couvent des Augustins, celle-ci a été tracée dans le prolongement de la grande place royale voulue par Henri IV, la place Dauphine baptisée en l'honneur du dauphin, futur Louis XIII. Soigneusement restaurée au début des années 1970 sous l'égide du Ministère des affaires culturelles par M. Berry, architecte du propriétaire des immeubles du passage, alors la Société Civile Immobilière Centre et Paris sous le contrôle de l'architecte des bâtiments de France M. Dupont, cette cour intérieure déploie aujourd'hui des charmes proprets. Un ravissant salon de thé, L'Heure Gourmande, jouxte l'officine parisienne d'un ferronnier d'art et le showroom pimpant d'un marchand de cuisine et de luminaires LED ultra-modernes.





Accès 148 rue du Faubourg Saint-Denis - 25 rue d'Alsace - Paris 10
Passage Privé
Métro Gare du Nord lignes 4, 5

Le passage Delanos, ancien raccourci entre les gares du Nord et de l'Est, aujourd'hui voie privée accessible uniquement après avoir passé un digicode, évoque le souvenir des vacheries à Paris. Disparues au début du XXème siècle, ces étables au cœur de la ville, fournissaient du lait cru et frais aux citadins. Côté rue du Faubourg Saint-Denis, la vaste porte cochère ouvrant sur le passage Delanos est surmontée d'une tête de vache qui indiquait autrefois la nature particulière de l'ensemble. Rénové avec goût, joliment entretenu et abondamment fleuri, ce chemin de traverse est une pépite parisienne qui se veut discrète. Le passage Delanos se déploie sur trois courettes en enfilade longues d’une centaine de mètres. Les deux premières datent des années 1830 tandis que la dernière est plus tardive. Construite sous le Second Empire, elle a été alignée perpendiculairement aux deux autres. L'architecture du rez-de-chaussée des premières cours, divisée en cellules, évoque encore les étables où se trouvaient les vaches. Chaque cour comprend quatre escaliers, quatre accès aux bâtiments. 





Accès 26 rue de Charonne - Paris 11
Métro Ledru-Rollin ligne 8

Le passage Lhomme est accessible en traversant un immeuble datant du XVIIIème siècle dont l’alignement a été revu au début du XXème. Dans le quartier Sainte-Marguerite, ce singulier îlot doit son nom au propriétaire du terrain sur lequel il a été tracé vers 1852. Long de 122 mètres, large de 3,3 mètres, les constructions peu élevées qui le bordent sont représentatives de l’architecture utilitaire des passages industriels du faubourg. Avant le percement de l’avenue Ledru Rollin, entre 1859 et 1931, un ensemble de ruelles étroites, dédale de courettes caractéristiques, permet de rejoindre la rue de Charonne depuis le Faubourg Saint-Antoine, fief des métiers du meubles. Le passage Lhomme typique de ce que fut le quartier donne l’illusion de s’être arrêté dans le temps. Voie privée ouverte toute la journée, il caracole verdoyant jusqu’au passage Josset et finit sa course avenue Ledru-Rollin.





Accès 45-49 rue du Moulinet et 154 rue de Tolbiac - Paris 13
Métro Tolbiac ligne 7

Lieu préservé d'un arrondissement tout en contrastes où prévaut le béton, la Butte aux Cailles avec son dédale de jolies ruelles, ses coquettes bicoques, séduit par ses allures de village heureux. Sur les contreforts de la Butte, le passage du Moulinet, ancienne impasse devenue passage lors du percement de la rue de Tolbiac en 1875, présente des caractéristiques intéressantes, associant maisons d'architecte récentes et pavillons de ville originels, revisités par les propriétaires successifs. Dans le quartier de Maison-Blanche, le passage du Moulinet doit son nom à la rue voisine baptisée en l'honneur d'un petit moulin qui se trouvait à l'angle de l'avenue d'Italie. La venelle au charme si typique trotte gaiement sur les pavés. Dans la continuité de l'insolite passage Vandrezanne, cette pittoresque ruelle piétonne, est bordée de petits immeubles et de maisonnettes qui se cachent derrière des jardinets. Paris miniature a des airs d'avenante province.





Accès 11 rue de la Butte aux Cailles / 8 rue Martin Bernard - Paris 13
Métro Corvisart ligne 6

Petites maisons, dédales de ruelles pavées peu fréquentées par les voitures, places piétonnes où se réunissent les Cailleux, heureux riverains, la Butte aux Cailles est un lieu pittoresque et charmant. Hors du temps, préservé de l'intense activité citadine si proche et si pourtant si lointaine, ce véritable village indépendant des grandes artères urbaines a su préserver l'atmosphère de convivialité d'un quartier historiquement populaire. Haut lieu du festival street art, les Lézarts de la Bièvre, le passage Boiton, du nom d'un ancien propriétaire de la parcelle, est une petite voie de la Butte aux Cailles bordée de maisons individuelles en cœur d'ilot et de petits immeubles. Cheminant sur 103 mètres de long, il débute au 11 rue de la Butte aux Cailles roulant en pente douce jusqu'au 8 rue Bernard-Martin. Une adorable pépite des plus dépaysantes.





Accès 41 rue du Château-des-Rentiers et 32 bis rue Nationale - Paris 13
Métro Olympiades ligne 14

Le passage Bourgoin, rescapé d'une époque lointaine, typique d'un tissu urbain disparu est le vestige du passé d’un arrondissement autrefois ouvrier. Au Sud-est du XIIIème, quartier bouleversé par les grands travaux débutés dans les années 60, résiste encore et toujours ce petit passage bucolique d'à peine 150 mètres de long. Bordé de pavillons, bicoques anciennes et maisons d'architecte modernes, le passage est envahi d'une végétation qui submerge la venelle par-dessus les murs. Bignonias, vignes, volubilis, rose déploient leurs volutes colorées dans l'abondance des parfums fleuris. Une partie des bâtisses alignée sur la voie affiche des façades chamarrées tandis que l'autre adossée au fond de la parcelle dégage des jardins sur la rue. Côté rive sud, les maisons construites en L ouvrent leurs courettes sur le passage rabattant leur aile en retour à l'alignement. Dans cette atmosphère de village, intime et pittoresque, le flâneur trouve le temps d'une parenthèse enchantée qui doit sa survie à la ténacité des riverains.





Accès 128 boulevard de Clichy et 1 rue Forest - 4 avenue de Clichy - Paris 18
Métro Place de Clichy, lignes 2, 13

Le passage Clichy actuel, dont l’inscription à la voirie parisienne sous ce nom date du 10 novembre 1873, a rassemblé sous un seul tracé l’ancienne impasse Saint-Pierre ou passage Saint-Pierre ainsi qu’une partie de l’impasse de Clichy. Longue de deux cents mètres, cette ruelle n’est que partiellement ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959, entre le boulevard de Clichy et le passage Lathuille où elle ne déploie guère d’attraits. Mais au pied de Montmartre, dans le quartier des Grandes Carrières, sur sa partie privée, elle chemine à travers les cours d’immeubles depuis une entrée discrète située au 4 avenue de Clichy, derrière une porte en fer forgé des plus anodines. Sur cette portion si singulière, le passage de Clichy fait revivre l’esprit du vieux Paris dans une atmosphère unique entretenue par les riverains.





Accès 40 rue du Capitaine Marchal et 21 rue de la Dhuis - Paris 20
Métro Pelleport ligne 3bis

Le quartier de Saint-Fargeau regorge de surprises. Le Passage Perreur prolongé, au-delà de la rue de la Dhuis, par la jolie Villa du même nom se terminant en impasse, doit son nom au propriétaire du terrain sur lequel il a été tracé.  A deux pas de la rue Montiboeufs qui longeait la carrière de gypse du père Roussel, béante lors de l’annexion de Charonne à Paris en 1860 puis comblée par les gravas des avenues de la République et de Gambetta, le passage Perreur se trouve juste au pied de la butte formée à cette époque où s’épanouit désormais le village de la Campagne à Paris.




Accès 47 bis rue de la Chine - 244 rue des Pyrénées - Paris 20
Métro Gambetta lignes 3, 3bis

A quelques encablures de la place Gambetta, quartier populaire très animé, existe l’un de ces nombreux secrets caractéristiques du XXème arrondissement préservé. Le passage des Soupirs dépayse par ses allures insolites d’îlot champêtre où les oiseaux et les chats sont rois. Venelle pavée bordée d’habitations, il porte un nom énigmatique aussi évocateurs que mystérieux, entre extase et désolation. Si le Pont des Soupirs à Venise évoque bien ceux des amants, le romantisme de cette allée verdoyante reste à démontrer. Le passage des Soupirs est indiqué dès 1812 à l’état de sentier sur le plan cadastral de la commune de Belleville, bien avant le rattachement haussmannien de 1860. Pavillons ouvriers datant du XIXème en pierre de meulière, maisons de ville en briques, petits immeubles années 60 et bâtisses modernes éco-conçues cohabitent avec harmonie. Un jardin communautaire fait la joie des plus jeunes et des riverains épris d’horticulture.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.