Théâtre : Une vie allemande, de Christopher Hampton - Avec Judith Magre - Mise en scène Thierry Harcourt - Théâtre de Poche Montparnasse

 

Brunhilde Pomsel a été de 1942 à 1945 l’une des secrétaires de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande du IIIème Reich. A cent-deux ans, entre confessions et confidences, elle confie son histoire. Qu’elle ait toute sa tête ou qu’elle glisse sur le fil d’une mémoire vacillante dû au grand âge, elle soutient n’avoir rien su du sort réservé aux Juifs dans les camps de la mort malgré sa proximité avec l’un des plus hauts dirigeants nazis. Née en 1911 dans une famille modeste, le père est tapissier, la mère au foyer, Brunhilde quitte l’école tôt et devient secrétaire à l’âge de seize ans. Elle se forme auprès de divers commerçants. La vieille dame dit l’insouciance avant l’horreur. Elle affirme qu’elle n’avait pas de conscience politique mais a néanmoins voté pour les nationalistes en 1932 avant d’adhérer au parti nazi en 1933, sous la pression de son patron. Devenue secrétaire à la radio allemande, Brunhilde est remarquée pour ses talents de sténodactylo. Elle est alors attachée au ministère de la Propagande, au secrétariat privé de Joseph Goebbels. Elle mène des tâches administratives pour un salaire conséquent. Elle dit ne rien savoir alors de la Solution finale. En 1945, à la chute du Reich, l’armée russe occupe Berlin. Brunhilde est arrêtée puis jugée pour son implication auprès du régime nazi par le NKVD, le commissariat aux affaires intérieures de l’URSS. Condamnée à cinq ans de prison, elle purge sa peine aux camps de Buchenwald et Sachsenhausen sans jamais admettre une quelconque culpabilité. A sa sortie, elle travaille pour différentes radios avant d’être engagée au sein de la chaîne de télévision ARD. Elle prend sa retraite en 1971. Dit-elle la vérité ?



En 2013, un collectif de journalistes viennois, composé de Christian Krönes, Olaf Müller, Roland Schrotthofer et Florian Weigensamer rencontrent Brunhilde Pomsel (1911-2017) dans la maison de retraite proche de Munich où elle vit. Elle a alors cent-deux ans mais paraît d’une grande lucidité. Secrétaire de l’un des quatre secrétaires particuliers de Joseph Goebbels alors Ministre de l’Education du peuple et de la Propagande du Reich, son récit prend la forme d’un autoportrait, celui d’une femme allemande devenue témoin de l’Histoire. Les souvenirs recueillis éclairent la vérité d’une vie. Réminiscences incomplètes, fulgurances ou mensonges, Brunhilde Pomsel remonte le temps au fil de la parole dans l’ambiguïté de ses arrangements personnels avec la réalité. Le documentaire « Eines Deutsches Leben » sort en salle en 2016. La pièce de Christopher Hampton écrite d’après les retranscriptions des entretiens est créée en 2019 au Bridge Theatre à Londres, dans une mise en scène de Jonathan Kent avec Maggie Smith. 

Au théâtre de Poche Montparnasse la mise en scène minimaliste signée Thierry Harcourt réserve l’espace au texte et à l’interprétation. Judith Magre qui incarne Brunhilde Pomsen est assise à une table couverte de livres et d’albums photos, des documents, soutiens de la mémoire. L’immense comédienne livre une performance remarquable de nuances, de sobriété, de finesse. Elle prête sa voix si particulière à cette parole dérangeante jusqu’au malaise, mêle ambiguïté et force. Brunhilde se confesse mais ne se repend pas. L’humour parfois allège le propos mais cette légèreté même paraît inconcevable tant l’horreur de la réalité frappe nos esprits contemporains. Le propos est dense, l’émotion contenue, le trouble intense.



Le monologue éclaire les subterfuges employés par Brunhilde Pomsel pour vivre avec ces souvenirs. Les anecdotes abondent mais la vieille dame semble faire l’impasse sur l’essentiel, oublis et approximations qu’elle attribue aux défaillances de sa mémoire. Elle refuse tout sentiment de culpabilité et soutient qu’elle ne cherche pas à soulager sa conscience. Pourtant, elle se trouve des justifications : naïveté, manque d’éducation, aveuglement volontaire, efficacité de la propagande, difficultés de la vie quotidienne. Le texte ne tranche pas sur l’équivoque du personnage. L’intime conviction appartient à chacun. 

Une vie allemande, de Christopher Hampton 
Mise en scène Thierry Harcourt
Avec Judith Magre
Du mardi au samedi 19h, dimanche 15h

Adaptation française Dominique Hollier
Assistante à la mise en scène Stéphanie Froeliger
Musique et univers sonore Tazio Caputo
Lumières François Loiseau


Théâtre de Poche Montparnasse 
75 boulevard du Montparnasse - Paris 6
Tél : 01 45 44 50 21



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.