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Crédit Alain Mauron |
Paris, les années 1880. Georges Duroy, fils d'aubergistes normands, ancien hussard, désormais modeste employé de la Compagnie des chemins de fer du Nord, est dévoré par une ambition débordante. Le destin lui est favorable. Il croise Charles Forestier, ancien camarade de régiment devenu journaliste à La Vie française, journal spécialiste de la finance et des mondanités. Lors d'un dîner donné par son ami, Georges fait la connaissance lors d'un dîner de M. Walter, le directeur du journal, puissant homme d'affaires, financier enrichi grâce à des placements boursiers. Il lui commande un article mais Georges se trouve bien empêché de produire le papier. Charles l'aide à nouveau en le confiant aux bons soins de son épouse, Madeleine qui écrit dans l'ombre. Georges est embauché au sein de la rédaction. Rapidement, il met à profit son physique avenant. Celui que les dames surnomment désormais "Bel-Ami", séduit Clotilde de Marelle, amie de Forestier, qui l'introduit dans le monde. Bientôt Madeleine Forestier, désormais veuve de Charles, devient son pygmalion et accepte de l'épouser tout en entretenant une liaison avec le ministre des Affaires étrangères. Georges prend Mme Virginie Walter pour maîtresse. Grâce cette dernière, il devient chef de la rubrique Les Échos.
Dans "Bel-Ami", roman publié en 1885 sous forme de feuilleton dans les pages du quotidien Gil Blas, Guy de Maupassant retrace l'irrésistible ascension d'un odieux personnage, sensuel et dépravé, animé par une soif de gloire, de pouvoir et d'argent. Dans cette chronique naturaliste d'une troublante actualité, l'auteur croque avec acuité la société dominée par des arrivistes dont la réussite n'est dirigée que par l'ambition, l'absence de scrupules, les compromissions. Ce brûlot décrypte les nouvelles hiérarchies nourries d'inégalités sociales. Il dénonce la corruption des journaux, le pouvoir de l'argent, le triomphe du capitalisme, la collusion entre presse, finance et politique.
L'adaptation théâtrale proposée par la compagnie Les joues rouges et Claudie Russo-Pelosi s'inscrit dans une fidélité au texte originel infusé de modernité. L'accent est porté sur les beaux rôles féminins. À défaut d'être en mesure de faire valoir leur influence dans la lumière, les épouses délaissées prennent des amants et œuvrent dans l'ombre. Arriviste caméléon, Georges mise sur les apparences, les conventions, pour s'élever au-delà de sa condition originelle. Il se pare des oripeaux de l'aristocratie et se choisit un nouveau nom, une particule. Désormais baron Du Roy de Cantel, il s'appuie sur ses maîtresses, femmes d'influence, pour conquérir sa place dans le monde. Avec virtuosité, il s'adapte au jeu mondain au mépris de la vertu et de la loyauté. Figure détestable, arriviste radical dont les abords séduisants dissimulent le cynisme, il gravit les échelons par la ruse et la trahison.
La fluidité de la mise en scène traduit avec brio la rythmique du roman, souffle de l'ambition à l'oeuvre traduit avec nuances, intensité, précision. Des toiles tendues sur lesquelles défilent des images, des tableaux, quelques accessoires déplacés à vue sur des roulettes, font changer de lieu, d'ambiance, les rues parisiennes, ses cafés, les salons, les salles de rédaction.
Les comédiens, animés par un bel esprit de troupe, donnent chair et âme à ce récit avec intelligence. Aurélien Raynal - en alternance avec Valérian Geay - dans le rôle de Bel-Ami incarne avec prestance et énergie l'opportuniste qui manipule les mécanismes du pouvoir et les femmes afin de se frayer un chemin. Les figures féminines sont remarquables. Sara Belviso livre une Clotilde de Marelle tout en nuances, Clémence Roche donne vie à la brillante Madeleine Forestier, limité par un monde patriarcal, et fait un pas de côté avec la danseuse vengeresse Rachel. Hanna Rosenblum interprète une Mme Virginie Walter troublée, victime sacrificielle d'un ingrat. Sophie Condette est piquante les rôles de Laurine de Marelle et Suzanne Walter. Elles jouent en alternance avec Coline Girard-Carillo, Emma Laurent, Messaline Paillet et Julie Bordas. Adrien Grassard est précis, à la fois narrateur, M. Walter et poète Norbert de Varenne. Aymeric Haumont - en alternance avec Thomas Lefrançois - prête ses traits à Charles Forestier et au ministre Laroche-Mathieu, avec conviction. Un spectacle enthousiasmant. À ne pas manquer.
Bel ami, d'après Guy de Maupassant
Jusqu'au 27 juillet 2025
Du mardi au samedi 19h - Le dimanche 16h
Mise en scène et adaptation Claudie Russo-Pelosi
Avec Aurélien Raynal, Sara Belviso ou Coline Girard-Carillo, Aymeric Haumont ou Thomas Lefrançois, Clémence Roche ou Emma Laurent, Adrien Grassard, Hanna Rosenblum ou Julie Bordas, Sophie Condette ou Messaline Paillet
Lumières Dan Imbert
Costumes Marie-Coralie Sussan et Clare Robinson
Décor Fabrice Puissant
Ambiance sonore Claudie Russo-Pelosi
Arrangement musical Adrien Ribat et Pablo Clevenot
Animation visuelle Marguerite Teulet
Production Les Joues Rouges
Partenaires FNAC, Musée Jacquemart-André
Théâtre Rouge
Le Lucernaire
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