Ecrivain, Henri Mohen a connu un gros succès de librairie il y a une vingtaine d’années. Depuis mis à part quelques scénarios sans intérêt et trois romans médiocres éreintés par la critique, il n’a pas su se renouveler. En pleine crise de la cinquantaine, il tient sa famille et plus particulièrement ses quatre enfants pour responsables de ses échecs, de son inspiration envolée et sa libido chancelante. Cécile, sa femme, se rassérène à coups de petits verres de blanc agrémentés d’anti-dépresseurs. Henri fait la guerre à ces gamins, guéguerre mesquine afin de les pousser à quitter la belle maison familiale. Raphaël l’aîné qui passe ses journées à fumer des joints s’est entiché d’une stripteaseuse. Pauline, la fille de la fratrie, file le parfait amour avec un militaire décérébré. Gaspard le cadet ne pense qu’au surf tandis que le benjamin, Noé s’est fait militant écologique et passe ses week-ends à faucher les champs d’OGM. Un soir, lors d’un orage dantesque, Henri découvre un énorme molosse abandonné dans son jardin. Au grand dam de sa famille qui déteste l’encombrante bestiole, il décide de le garder et lui donne pour nom : Stupide. Les excès de ce chien mal élevé vont bouleverser la routine trop bien ancrée.
Mon chien Stupide est l’adaptation cinématographique de l’oeuvre de John Fante, roman tardif et culte paru deux ans après son décès. Yvan Attal modernise le livre lui donnant une dimension plus universelle et transpose l’histoire de nos jours sur la Côte basque. Cette comédie au vitriol sur l’usure du couple, critique mordante de la vie de famille, de la paternité, progresse sur le fil entre humour noir et mélancolie, cynisme et émotions.
Si la mise en scène assume un classicisme efficace, le ton juste et l’écriture savoureuse tiennent avec brio cette histoire d’un écrivain qui ne supporte plus sa famille, qui a le sentiment que ces enfants lui volent sa vie. La drôlerie des sentiments honteux se mêle à l’autodérision. Mauvaise foi, regard désabusé, misanthropie teintée de tendresse, Yvan Attal réalise un film caustique aussi personnel que touchant. Les dialogues ciselés très réussis offrent des moments réjouissants entre Henri et Cécile, échanges acides qui révèlent avec lucidité les fragilités des personnages.
A l’instar de ses deux premiers films Ma femme est une actrice (2001) et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants (2003), Yvan Attal a choisi d’utiliser dans le scénario et de détourner des éléments autobiographiques. Vie privée et fausses pistes deviennent matière de la fiction. Dans Mon chien Stupide, il fait à nouveau jouer sa compagne à la ville, Charlotte Gainsbourg et l’aîné de leurs enfants, Ben Attal qui interprète Raphaël.
Les personnages écrits avec nuances, sont aussi attachants qu’horripilants. Charlotte Gainsbourg en épouse dépressive et amère qui ne ménage pas son mari est délicieuse. Yvan Attal dans le rôle du romancier en panne d’inspiration dans son travail comme dans sa vie pousse loin le curseur de l’autodérision. Cigare au bec, au volant de sa Porsche vintage, il campe un macho lessivé, aigri qui s’identifie à son chien et décide de l’appeler Stupide. Les quatre enfants du couple sont très convaincants en têtes-à-claques envahissantes.
Politiquement incorrect, ce film possède un charme indéniable et un humour distancié jubilatoire.
Mon chien Stupide
De Yvan Attal
Avec Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg, Eric Ruff, Pascale Arbillot, Sébastien Thiéry, Ben Attal, Adèle Wismes, Pablo Venzal
Sortie le 30 octobre 2019
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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