Paris : Puits artésiens parisiens - Passy, La Chapelle, Butte-aux-Cailles, les 3 dernières fontaines d'eau de source



Les puits artésiens de Paris ne sont plus que trois en activité de nos jours. Ces fontaines d’Albien, pourvoyeuses d’eau de source d’une rare pureté, font le bonheur des riverains qui se pressent pour remplir des récipients gratuitement. Protégé par les couches fossiles de la pollution de surface, le précieux liquide s’il est légèrement ferrugineux et naturellement riche en fluor demeure peu minéralisé. Il ne présente ni calcaire ni ajout chloré et très peu de magnésium. Les puits artésiens, du nom de la province d’Artois où sont entrepris les premiers forages du genre au XIIème siècle, permettent aux populations d’accéder à une eau de grande qualité. A partir des années 1830, le progrès technique rend possible des forages particulièrement profonds. Paris, comme toutes les grandes villes modernes de cette époque, est alors confronté au défi de l’eau potable. Cinq puits artésiens vont voir le jour entre 1841 et 1929. Trois équipés de fontaines publiques sont parvenus jusqu’à nous, grâce à la rénovation des anciens forages, dirigée par Eau de Paris à partir de 1994, à Passy square Lamartine, à La Chapelle square de la Madone et à la Butte-aux-Cailles place Paul Verlaine.


1860 Fontaine du puits artésien de Grenelle
place de Breteuil
1864 Le puits de Grenelle
photographie d'Edouard Baldus 

























En 1832, une épidémie de choléra fait des ravages à Paris.  La Ville envisage de prendre des mesures hygiéniques pour alimenter ses habitants en eau potable non contaminée. Les progrès techniques récents permettent alors d’envisager le forage de 5 puits artésiens sur une idée de François Arago. L’entreprise est d’envergure. Il s’agit de sonder le sol, traverser les couches de l’éocène et du Crétacé supérieur jusqu’aux argiles imperméables du Gault qui retiennent l’eau enfermée dans la couche sableuse de l’Albien. Cette nappe aquifère, nappe phréatique fossile vieille de plus de 25 000 ans, est située entre 550 et 750 mètres de profondeur et donc préservée des pollutions bactériennes ou chimique. Elle couvre toute la région Ile de France, l’intégralité du bassin parisien. Son volume est estimé à plus de 700 milliards de mètres cubes. De nos jours, l’utilisation de cette précieuse réserve est contrôlée par la Ville de Paris via la régie autonome Eau de Paris. Elle est inscrite dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau. 

Premier du genre, le forage du puits de Grenelle dure de 1833 à 1841. Le point de sortie exact se trouve place George-Mulot, du nom de l’ingénieur à l’origine du projet. L’eau est atteinte à 548 mètres de profondeur en 1841. Dans les puits classiques, le liquide ne s’élève pas tandis que dans les puits artésiens, l’eau jaillit à une hauteur variable selon le principe des vases communicants.  Dans le cas du puits de Grenelle, l’eau atteint une hauteur de 33 mètres et un débit de 160m3 par heure. Une tour métallique monumentale, haute de 42 mètres, est édifiée en 1858 sur la place de Breteuil.  Mais elle tombe peu à peu en désuétude. Baisse du débit, problèmes de pression et de qualité l'eau liés à l'ensablement, la tourelle est rasée en 1903. Il n’en reste rien de nos jours. En 1904, elle est remplacée par un monument à Louis Pasteur tandis qu'une fontaine place Georges-Mulot marque désormais le lieu exact de la sortie du puits.










Fort du succès du puits de Grenelle, le deuxième puits artésien est foré à Passy dont les eaux célèbres pour leurs vertus thérapeutiques dès le XVIIème siècle. Le baron Haussmann, préfet de la Seine dès 1853, valide le projet. En 1855, à l'initiative de l'ingénieur Adolphe Alphand, en charge des parcs et jardin de la Ville, Kind un entrepreneur anglais lance les travaux. L’eau est tout d’abord destinée à alimenter les rivières et lacs du bois de Boulogne. 

Les difficultés techniques perturbent le forage et les incidents se succèdent. La nappe de l'Albien est atteinte à 586 mètres de profondeur en 1861. Le débit se stabilise à environ 5 000 mètres cubes par jour. A l’instar de celui de Grenelle, le puits de Passy doit être surmonté d’une tour en fonte chapeautée d’un phare mais cet édifice se révèle inutile. Le site situé à une altitude suffisante, l’eau émerge sans jaillir de la roche dans un grand bassin. A la disposition du public, la fontaine actuelle, sorte de cube de calcaire a été réalisée par l’architecte Dupuis à la fin des années 1950. L’eau est remontée par un émulseur à air comprimé.










Le forage du troisième puits au nord et du quatrième puits au sud sont autorisés par le préfet Haussmann par arrêté préfectoral le 19 juin 1863. Il s’agit dans le quartier de La Chapelle du puits de la place Hébert, non loin de l’actuelle fontaine du square de la Madone. Le forage débute en 1863 ne s’achève qu’en 1891, onze années de travaux marquées par les difficultés techniques, particulièrement la structure géologique du lieu. L’eau est atteinte à une profondeur de 719 mètres. Si le dosage minéral est semblable aux puits précédents, la température de l’eau atteint les 30°C. La sortie se trouve alors square Paul Robin. 

La source alimente la piscine municipale Hébert réalisée par l’architecte Kuffer en 1895, piscine toujours en activité, rénovée en 1990 par Catherine et Patrice Novarina. Lorsque la Mairie de Paris s’intéresse à nouveau, en 1994, aux anciens puits artésiens, le forage d’origine vétuste est devenu inexploitable. Réalisé en 2000, le nouveau puits artésien qui irrigue la fontaine du square de la Madone puise son eau à une profondeur de 740 mètres. 



1900 Puits artésien de la Butte aux Cailles par Eugène Atget 







Validé par le baron Haussmann en 1863, même arrêté que celui de la place Hébert, le puits artésien de la Butte-aux-Cailles, au Sud de Paris, doit fournir en eau potable ce nouveau quartier parisien et permettre d’augmenter le débit de la Bièvre, un affluent de la Seine qui traverse alors Paris et dont le flux est devenu du fait de sa surexploitation des plus timides. Il est question de réaliser une galerie de liaison entre le puits et la rivière proche. Les travaux ne sont lancés qu’en 1866 avant d’être perturbés par des troubles politiques, la guerre contre la Prusse en 1870 et le siège de Paris puis en 1871 l’insurrection de la Commune.  

Alors que sont atteintes les argiles coulantes du Gault, juste au-dessus de la nappe aquifère, un désaccord entre l'entrepreneur et l'administration, le manque d'argent interrompent le forage qui était pourtant sur le point d’aboutir. L’interruption dure près de vingt ans. Les travaux ne reprennent qu’en 1892, sous la direction de l'ingénieur Paulin Arrault. L’eau atteinte à une profondeur de 582 mètre, jaillit en 1904, nappe profonde atteinte à 582 mètres. Le débit se stabilisa à 67 litres par seconde, 5 800 mètres cubes par jour. Mais le puits semble alors bien superfétatoire. Depuis 1874, l’aqueduc de la Vanne dessert le réservoir de Montsouris et assure la large distribution d'eau courante dans le Sud de Paris. Et il n’est plus question de renflouer la Bièvre en cour d’enfouissement. En 1924, un établissement balnéaire est créé place Paul Verlaine. Le puits artésien dispense ses eaux généreusement au profit de la piscine de la Butte aux Cailles toujours en activité. 

En 1994, la Ville de Paris confie à Eau de Paris la rénovation des différents puits artésiens. Une nouvelle fontaine est inaugurée place Paul Verlaine en 1999. Lorsque le forage originel montre des signes de vétusté, un second à 610 mètres de profondeur est réalisé en 2000. La fontaine très moderne qui se trouve désormais sur la place dispense gratuitement ses eaux très prisées du public.

Le cinquième puits, le puits Blomet dans le XVème arrondissement, aura pour fonction première d’alimenter la nouvelle piscine Blomet. Les travaux sont entrepris en 1928 par la société Brochot 1928 et s’achèvent en 1929 lorsque l’eau est atteinte à une profondeur de 587 mètres. L’alimentation par le puits artésien sera abandonnée lors de la rénovation de la piscine en 1960. D’autres puits, fruits d’initiatives privées verront le jour, tels que celui de la raffinerie Say creusé en 1869 ou celui de la Maison de la Radio en 1956 avant d’être oubliés. Aujourd'hui, seuls demeurent les trois puits géré par Eau de Paris et liés aux fontaines publiques de Passy, La Chapelle et la Butte-aux-Cailles.

Puits artésiens à Paris, fontaines d’eau de source à Paris

- Puits de Passy
Square Lamartine
Entre avenue Victor Hugo et avenue Henri Martin - Paris 16
Métro Rue de la Pompe

- Puits Hébert
Square de la Madone 
30 rue Marc Seguin - Paris 18
Métro Max Dormoy

- Puits de la Butte-aux-Cailles
Place Paul Verlaine - Paris 13
Métro Place d’Italie



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Parigramme
Le guide du promeneur 18è arrondissement - Danielle Chadych et Dominique Leborgne - Parigramme