Cinéma : Never Grow Old, de Ivan Kavanagh - Avec Emile Hirsch, John Cusack, Déborah François



Durant la seconde moitié du XIXème siècle, la ruée vers l’or pousse Américains et immigrés récents sur les routes de la Californie. Les pionniers espèrent une vie meilleure et surtout faire fortune rapidement. La petite ville de Garlow, bourgade sinistre peuplée d’Européens tout juste débarqués, s’est développée sous l’autorité d’une congrégation religieuse menée par le très puritain pasteur Pike. Le quotidien y est rude, la morale sévère. Charpentier et croque-mort, Patrick Tate, irlandais d’origine, est marié à Audrey, une Française. Avec leurs modestes moyens, ils élèvent leurs deux enfants comme ils peuvent. Patrick rêve d’acquérir des terrains, de construire une grande maison pour sa famille. Il rêve aussi de respectabilité et de reconnaissance. Lorsque Dutch Albert et ses deux acolytes le Muet et le Sicilien débarquent à Garlow, les trois malfrats perçoivent le potentiel du bled. Ils rachètent le saloon qu’ils fournissent abondamment en alcool, font venir des prostituées, organisent des jeux d’argent et dézinguent ceux qui s’opposent à eux. Très vite, ils font régner la terreur. Tandis que les cadavres s’accumulent, les affaires de l’honnête Patrick prospèrent sous le coup de ce soudain déferlement de violence. Sa femme enceinte de leur troisième enfant veut quitter la ville devenue trop dangereuse.







Western crépusculaire, Never Grow Old ne respecte pas les codes du genre. Débarrassé des images d’Epinal, pas de grands espaces saturés de soleil, pas d’attaque de diligence ni de cavalerie, pas d’indiens, le réalisateur irlandais Ivan Kavanagh insiste sur le propos social en chroniquant un quotidien de survie. Atmosphère poisseuse, suspense pesant, le cinéaste porte un regard lucide sur un épisode de l’histoire américaine, présenté la plupart du temps sous l’angle héroïque. 

Tournée au Connemara par un réalisateur irlandais avec un casting international, la légende glorieuse de la ruée vers l’or redevient une histoire de boue, de sang et de désespérance. Impitoyable de Clint Eastwood, John McCabe de Robert Altman, les références se multiplient. Never Grow Old dispense une vision désabusée aussi sombre que sanglante, explore avec intelligence le côté obscur du Nouveau Monde, la brutalité d’une terre de promesses non tenues.

Entre la bigoterie d’un pasteur tyrannique et la débauche de hors-la-loi catalyseurs du pire, la ville de Garlow, cloaque misérable, vacille rapidement. Les valeurs morales, familiales, religieuses que les Etats-Unis professent toujours de nos jours prennent du plomb dans l’aile alors que les êtres ne semblent motivés que par la cupidité, la violence et les frustrations. Par ce biais réaliste, Ivan Kavanagh soulève les questions de l’immigration, du déracinement, de l’intégration, de l’autarcie des communautés, autant de thèmes qui résonnent particulièrement avec l’actualité.




Classicisme formel, découpage efficace, le récit développé avec précision suit un rythme inhabituellement lent pour un western qui se révèle très oppressant. La distribution donne tout son sel au film. Déborah François, comédienne belge découverte chez les frères Dardenne et Emile Hirsch, dont la performance avait marqué en 2007 le film Into the Wild de Sean Penn, sont impeccables en pionniers déchirés entre deux idéaux. Dans une interprétation hallucinée remarquables, John Cusack, méconnaissable, prête ses traits à un Dutch Albert impitoyable et inquiétant.

Never Grow Old, de Ivan Kavanagh
Avec John Cusack, Emile Hirsch, Antonia Campbell-Hughes, Déborah François
Sortie le 7 août 2019



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.