Lundi Librairie : Zombies juke-box - Kim Jung-hyuk



Zombies juke-box - Kim Jung-hyuk : Orphelin, Ji-hoon a été élevé par son grand frère, amateur de rock. Depuis que celui-ci est mort prématurément emporté par un anévrisme, Ji-hoon mène une vie solitaire et mélancolique. Il parcourt les routes de Corée pour le compte d’une société de télécommunication. Son rôle est de vérifier la portée des antennes-relais, de déterminer les zones non couvertes. Comme il habite dans sa voiture, il a, seul luxe, fait installer dans le coffre un tourne-disque monté sur un ingénieux système de pistons qui lui permet d’écouter les vinyles de son frère disparu tout en roulant. Il se passionne pour les Stone Flower, un groupe à la trajectoire éphémère et au disque unique. Il fait alors connaissance de Bouboule 130, pseudo sur les réseaux d’un sympathique bibliothécaire qui partage ces lubies musicales. Ils ont découvert dans l’autobiographie du chanteur des Stone Flower l’existence d’un second album. Pour tenter de mettre la main dessus, ils décident d’approcher la traductrice de l’ouvrage, Hong Hye-jung, une vieille dame qui vit à Gorio, une curieuse communauté de retraités. Peuplée de personnages hauts en couleurs, très à l’aise avec la mort, la ville, surveillée de près par l’armée, semble hors de portée des antennes de communication, totalement hors signal. Et la nuit, d’étranges créatures rodent. 

Comme une bonne série B, Zombie juke-box a le goût savoureux des petits plaisirs coupables. Humour potache, tendance macabre, ce roman s’empare du thème à la mode des morts-vivants, séries, bande-dessinées, films pullulent, afin de développer une satire piquante de la Corée contemporaine. Kim Jung-hyuk joue avec l’idée classique du parallèle entre morts-vivants et société de consommation et tricote une fable loufoque de la déconnexion dans un monde hyper-connecté.

Le romancier imagine une ville hors zone, sans couverture réseau communauté autarcique un peu inquiétante où les mœurs sont pour le moins singulières. Hormis un petit trafic de cadavres, ou des meubles magiques comme ce buffet qui fait apparaître bagels et boissons chaudes comme par enchantement, les retraités s’adonnent à un jeu de bingo qui consiste à pronostiquer la mort de leurs voisins et de miser sur celle-ci. L’atmosphère est étrange et les petits vieux de village beaucoup plus durs à cuire qu’il n’y paraîtrait. La présence inquiétante de l’armée pose une question : les soldats sont-ils là pour empêcher les intrusions ou pour empêcher de sortir ?

Une sincère nostalgie pour « le bon vieux temps », les vinyles, la musique old school, l’analogique, semble animer notre jeune romancier. Si le regard sarcastique porté par Kim Jung-hyuk sur le monde moderne se fait volontiers acide, les rebondissements cocasses sont aussi divertissants que savoureux. Les éléments surnaturels distillés au fil du récit empruntent aussi bien au merveilleux qu’à l’horreur. L’auteur coche toutes les cases du genre et détourne les codes avec malice. Ses personnages en perpétuel décalage avec la réalité, campent de sympathiques archétypes, le héros solitaire qui retrouve une famille de cœur, la vieille dame espiègle qui cache un secret, la jeune femme en colère, le meilleur ami grassouillet aux dons exceptionnels. 

Conte libérateur cocasse, histoire de zombie divertissante, ce roman léger sera idéal sur la plage.

Zombie juke-box - Kim Jung-hyuk -Traduction So-Young Moon et Béatrice Guyon - Decrescenzo éditeurs - Edition de poche Carré Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.