Spectacle : Une bonne soirée - Kyan Khojandi - Théâtre de L'Européen - Jusqu'au 29 juin 2019



Ce soir-là, Kyan Khojandi a décidé de se rendre en boîte de nuit afin de se rassurer sur sa vie pépère de trentenaire et se convaincre qu’il est toujours dans le coup. Très vite, il ne se sent pas à sa place parmi tous ces petits jeunes de vingt ans. Hors-sol. C’est le coup de vieux et la prise de conscience. Il rentre chez lui se faire une verveine et se souvient. Vieillir c’est perdre ses proches mais c’est aussi chérir cette mémoire. Il évoque son père iranien qui a fui le régime des Ayatollahs dans les années 1980 pour s’installer à Reims où Kyan est né. Les chagrins d’enfance passent. Les études de droit sont abandonnées afin de poursuivre des rêves de comédie malgré les réticences du père. L’arrivée à Paris et la première collocation sont hilarantes. Et puis il y a le théâtre, la découverte de la scène. Et la vie de tous les jours, les amours, les potes, la première fois dans un club gay mythique… Kyan Khojandi raconte cette soirée ordinaire apparemment ratée qui se révèle, en réalité, épopée inoubliable de l’existence.

Deuxième seul-en-scène de Kyan Khojandi co-écrit avec son complice de toujours, Bruno Muschio alias Navo rencontré sur des scènes ouvertes, Une bonne soirée déborde d’idées et d’invention de mise en scène. Le duo rendu célèbre par la mini-série Bref, pastille humoristique produit par Canal + et diffusée en 2011 et 2012, signe un spectacle générationnel, très référencé, tissé sur le fil d’un humour bienveillant qui fait la part belle à l’émotion. Truculent, cru, poétique, au rythme du rapid speech, ce débit rapide marque de fabrique de Bref, Kyan Khojandi laisse libre-cours à une loufoquerie débridée structurée par un impressionnant sens de la narration à tiroirs. Les deux auteurs maîtrisent l’art délicat de raconter les histoires non linéaires, navigant avec aisance entre les différentes temporalités d’un récit diffracté et retombant toujours sur leurs pieds grâce à un sens évident de la chute.

Alors que la bande son et les multiples trouvailles de mise en scène immergent le spectateur dans l’histoire, le comédien emprunte avec bonheur les chemins de traverse de la mémoire. Porté par un comique de répétition savoureux, il passe sa vie en revue dans un exercice de style digressif où souvenirs et ellipses se mêlent dans une construction gigogne. La structure narrative du spectacle toute en bifurcations impromptues glisse sur les rails du flash-back, de saynètes en anecdotes habilement enchâssées les unes dans les autres. Les séquences ainsi assemblées dans une écriture très cinématographique composent une trame plus vaste. 




Kyan Khojandi revient sur sa vie depuis l’enfance, la famille, son père, dont il évoquait le décès dans Pulsions, son spectacle précédent, la fin du deuil, sa mère, ses amis, ses amours, les choix déterminants. Avec sensibilité, il explore la question de la filiation, de la transmission, s’interroge sur la somme des expériences qui nous composent. Poétique, crue parfois, sensible et généreux, cette grande aventure ordinaire célèbre le quotidien de Monsieur tout le monde avec brio. 

Une bonne soirée - Kyan Khojandi
Co-écrit avec Navo (Bruno Muschio)
Du jeudi au samedi à 21h30
Jusqu’au 29 juin 2019

L’Européen 
5 rue Biot - Paris 17
Tél : 01 44 51 93 26



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.