A quatre numéros de son grand frère spécialiste des makis, le Blueberry dont je vous parlais ici, le Steam Bar a pris la suite de la Bocca della Verita dans la pittoresque rue du Sabot. Marie-Lorna et Florence Vaconsin, les deux sœurs qui régalent Saint-Germain-des-Prés grâce à leurs adresses gourmandes, nous emmènent dans un grand voyage gustatif à travers l’Asie. Sur le thème des dim sum, les petites bouchées à partager, entre Hong Kong et Tokyo, le Steam Bar revisite la cuisine vapeur asiatique réputée pour ses saveurs et sa légèreté. Monsieur Wong, le chef hongkongais, a quitté les cuisines du Shangri-La pour investir les fourneaux de cette nouvelle adresse pleine de promesses. Sous son influence, la carte de saison évolutive fait la part belle aux accords originaux. La street food et la gastronomie contemporaine se croisent sur le front de spécialités dépaysantes quand les influences internationales s’immiscent dans les recettes comme autant de clins d’œil. Un nouveau rendez-vous à ne pas rater !
Le Steam Bar est un restaurant d’atmosphère. Feutrée, rougeoyante, dès l’entrée, elle nous transporte ailleurs. Charme des lampions rouges, délicatesse des suspensions en verre, côté salle, bouteilles multicolores rétroéclairées côté comptoir, l’ingéniosité des jeux de lumière procure aux lieux pourtant intimistes deux ambiances bien distinctes. Le décor signé Gabriel Pistre mise sur une identité moderne où les matériaux bruts soulignent les matières nobles, panneaux de bambou, bois, briques crues, cuir.
Au croisement des traditions culinaires d’Asie, la carte imaginée par le chef Wong pourrait nécessiter un petit glossaire préalable. Les Wonton, terme générique pour les raviolis vapeur se déclinent en versions régionales. Les Siu mai sont des raviolis façon rochers le plus souvent de porc et de poulet de la province du Guangdong en Chine. Les Ha kao, également des raviolis chinois, désignent ceux aux crevettes, en forme de coquilles, tandis que les Gyoza en croissant, sont traditionnellement japonais. Les Bao, des petits pains vapeur farcis, autres spécialités de la maison, se présentent dans d’élégants paniers. La sélection Izakaya, les bars à tapas à la japonaise, ouvre la carte à des classiques twistés avec esprit.
Revisitant la cuisine vapeur asiatique, les compositions inspirées du chef Wong fusent enjouées sur des accords de notes fusion. Fraîcheur, inventivité, maîtrise des cuissons, il y a de la précision gastronomique dans ses propositions. L’originalité des associations hybrides nous plonge dans des mondes de saveurs inédites. La succession de petites portions invite au voyage des sens. Le chef est très attaché à la pleine expression des saveurs de chaque produit. Les assiettes s’affirment dans l’intensité des parfums, la délicatesse des harmonies, la subtilité des assaisonnements. Les jeux de textures aiguisent les appétits, le fondant d’un aubergine laquée, le moelleux d’une brioche aérienne, la juste fermeté d’une raviole. Cherry on the cake, les intitulés des plats ne boudent pas un certain humour référencé plutôt piquant.
Les restaurants des sœurs Vaconsin forment une grande famille accueillante. Dans les trois établissements, se retrouve la même convivialité. Au Steam Bar, tandis que Jade préside aux destinées du service, personnel prévenant et souriant, Andzelica, au comptoir, concocte une sélection de cocktails originaux. Ce sera pour moi, aussi frais que dynamisant un Tokyo Spring (gin Roki, liqueur de thé, yuzushu une liqueur à base de yuzu, gingembre, shiso, tonic) et pour mon acolyte une version asiatique d’un cocktail bien américain malgré son nom, le Mekong Mule (Mekong vodka, basilic thaï, concombre, poivre du sechuan, ginger wine frizzante). En accompagnement, délicieusement déroutants, des pétales de lotus en chips se trempent dans une succulente mixture de tofu frais, sauce soja, sésame, coriandre thaïe et gingembre.
Scamorza fumée, comté, stilton, truffe, champignons eryngii, (cèpe orientale ou Pleurote de panicaut), mati (je cherche encore ce dont il s’agit) le spectaculaire Bao répondant au ravissant nom de Princesse Pei Pei assure le show en noir et or. Il déploie des trésors de parfums où la truffe rafle la mise sur les fromages dans un raffinement cosmopolite qui rend hommage à l’autre restaurant des sœurs Vaconsin, le très italien Marcello dont je vous parlais ici.
Les Gyoza Kanako, magret de canard, poulet, carotte, gingembre, sauce hoisin, genmaicha (thé vert japonais mélangé à des grains de riz grillés), s’affirment impeccables dans de belles nuances fleuries qui équilibrent l’onctuosité des gras. L’Aubergine vapeur miso saté est un rêve fondant évanescent.
Petite tournée de cocktails pour se remettre de ces émotions. Le Bangkok shot, rhum, citronnelle, pamplemousse, piment, gingembre, Grand Marnier, yuzushu, sirop coco ananas, coriandre, est joyeux comme un soir d’été. Surprenant, le Taipei soul, whisky taiwanais Kavalan infusé au sésame noir, liqueur de poire, Elixir China, saura séduire par le raffinement de ses accords inattendus et les nuances presque imperceptibles de whisky.
Les Black pearls, Ha kao aux gambas, gingembre, basilic thaï, dont la pâte a été colorée à l’encre de seiche, bullent gaillardement dans un bouillon crémeux au sésame. Ca file droit dans les feux d’assaisonnement et la texture est des plus réjouissantes. Jouant la carte internationale, les Hong Kong Streets, des Siu mai porc, poulet, scamorza fumée, cacahuètes, échalotes croustillantes, sauge, voyagent loin. Les Little Hanoï, Siu mai au bœuf, cannelle, anis, coriandre thaïe, expriment la chaleur des épices, les nuances ardentes de parfums raffinés. Classique mais joliment troussé, le Rouleau de printemps vient clore la parade, poulet citronnelle, vermicelles de riz, coriandre.
Au Steam Bar, les desserts ne plaisantent pas avec la gourmandise. Ancien des Chouettes et du Buddha Bar Hotel, Pierre Raulet le chef pâtissier officie à la fois chez Marcello, au Blueberry et ici. Et le plus difficile sera de faire un choix parmi ses alléchantes propositions. Véritable bombinette, Miss Malaiko, génoise vapeur à napper de caramel passion, ferait fondre les cœurs les plus endurcis. La Queen’s pie, élégante tourte bergamote, thé vert, gelée de kumquat, donne aux agrumes leurs lettres de noblesse. Pas goûtée mais dévorée du regard au passage, La dame de Shanghai, religieuse marron, litchi, s’envole vers des palais chanceux. En guise de digestif, le saké maison parsemé de fleurs comestibles déploie toutes ses notes florales apaisantes. Le Steam Bar, on aime, on adore, on y retourne demain !
Blueberry Steam Bar
2 rue du Sabot - Paris 6
Tél : 01 45 48 96 65
Horaires : Du mardi au samedi de 12h à 14h30 et de 19h30 à 22h30 - Jusqu'à 23h vendredi et samedi - Brunch le dimanche de 12h à 15h
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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