Théâtre : Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce - De et avec Edouard Baer - Théâtre Antoine



Il arrive de l’extérieur, manteau encore sur le dos, traverse l’orchestre du théâtre Antoine et monte sur scène. Ce comédien jouait dans le théâtre d’à côté et soudain, manque d’assurance, vague d’angoisse, regard agressif d’un spectateur, il a été pris de panique.  En fuite, il a trouvé refuge ici. Il est accueilli sur le plateau par le régisseur d’une pièce intitulé Dernier bar avant la fin du monde. C’est dans le décor de cet autre spectacle que le cabotin mélancolique, charmeur truculent, amuseur doué et artiste sensible se rêve autre. Il convoque ses idoles, écrivains, musiciens, acteurs, Boris Vian, Georges Brassens, Thomas Bernhardt, Casanova, Charles Bukowski, Romain Gary, Jean Rochefort, Jean-Louis Trintignant, Jean-Pierre Marielle. Il interroge le sens de la vie et les paradoxes du métier de comédien, questionne le libre-arbitre et ses propres choix, évoque des souvenirs d’enfance.

Dandy flamboyant, fantaisiste irrésistible, Edouard Baer a relevé le défi lancé par le théâtre Antoine de créer un spectacle en quelques semaines. De cette audacieuse carte blanche est né un seul-en-scène évolutif au gré des humeurs du comédien. L’accroche, cocasse mise en situation, n’est qu’un prétexte savoureux de théâtre dans le théâtre où tout n’est qu’illusion et jeux de miroir. Edouard Baer, dont le sens de l’improvisation brille particulièrement ici, se livre à travers ses goûts. Il ouvre les portes de son imaginaire personnel, de son univers littéraire. Il cite en amoureux des belles lettres le discours d’entrée de Jean Moulin au Panthéon par André Malraux, Albert Camus, Charles Bukowski, Thomas Bernhardt, Napoléon, Romain Gary… Ses liens de filiation naturelle lorgnent du côté de Proust et Modiano.




Grâce déliée des mots, Edouard Baer sait faire vibrer l’émotion juste. Le comédien joue d’un phrasé incomparable, d’une voix reconnaissable. S’il est faussement désinvolte, la loufoquerie est réelle. L’arrogance jouée fait place à l’autodérision, l’humour truculent se mâtine d’une touche d’absurde, le burlesque s’approfondit de notes graves. Edouard Baer trouve dans les mots une forme de galvanisation et de résistance. 

Exercice de doute, de remise en question, le monologue glisse sur le fil de l’inspiration, rêveries familières et états d’âme, saute du coq à l’âne, d’envolées lyriques en digressions folâtres. Il s’agit de se laisser emporter par le charme de ce vagabondage, sans trop se poser de question tout au plaisir des divagations de cet homme frappé par la grâce. Délicieux personnage.

Les élucubrations d'un homme soudain frappé par la grâce
Mise en scène Edouard Baer avec la collaboration d’Isabelle Nanty
Avec Edouard Baer et Christophe Meynet

Jusqu’au mercredi 3 Juillet 2019
Du mardi au samedi, à 20h30 - du 18 juin au 3 juillet, à 21h

Théâtre Antoine
14 boulevard de Strasbourg - Paris 10
Réservations : 01 42 08 77 71



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.