Paris : Hommage à Saint-John Perse, une oeuvre signée Patrice Alexandre - Jardin des Plantes - Vème



Hommage à Saint-John Perse, l’une des rares oeuvres d’art contemporain présente au Jardin des Plantes, célèbre l’idée de processus créatif littéraire. En 1985, le sculpteur Patrice Alexandre reçoit commande de la part du ministère de la Culture. Il s’agit d’honorer la mémoire de Saint-John Perse, pseudonyme d’Alexis Léger (1887-1975), poète, écrivain et diplomate français, prix Nobel de littérature en 1960. Il imagine trois plaques de bronze patiné, gravées de trois versions différentes du poème Nocturne, une oeuvre aux accents testamentaires datant de 1973, qui convoquent par la reproduction monumentale de l’écriture manuscrites de l’auteur, le cheminement cognitif de la création. Ratures, annotations, brouillons jusqu’au texte final tapuscrit se déploient sur 2,7 mètres de haut et 1,26 mètres de large. Cette pièce appartenant aux collections du Centre national des arts plastiques a été exécutée en 1989 dans les ateliers de la fonderie d’art milanaise Mapelli. A première vue, la sculpture se compose de monolithes plantés dans le sol, tablettes gravées qui ne sont pas sans rappeler la pierre de Rosette. En regardant de plus près, le motif de la feuille d’arbre s’impose tandis qu’au verso de l’oeuvre se dévoile un curieux réseau de nervures.










Né en 1951, le sculpteur Patrice Alexandre travaille aujourd'hui entre la Champagne et Paris. Ses œuvres largement sont largement diffusées sur le territoire français grâce aux commandes publiques à Reims, Le Mans, Saint-Herblain ou encore Cayenne qui lui ont été confiées. Elève aux Beaux-arts de Paris de 1968 à 1973, il est pensionnaire à la Villa Médicis, l’académie de France à Rome, de 1981 à 1983. Son séjour italien débute sous les auspices du prix de la Biennale internationale d'art contemporain de Budapest, OFF-Biennale Budapest, récompense obtenue en 1981.

De 2001 à 2011, Patrice Alexandre mène un vaste travail de réflexion, de transposition et d’interprétation complété par des recherches universitaires à l’EHESS au sujet des monuments aux morts de la Première Guerre Mondiale. A travers des sculptures de terre, il interroge les réalisations empreintes d’académisme qui rendent hommage à la mémoire de la Grande Guerre alors qu’à la même époque la révolution moderniste modifie complétement le vocabulaire plastique.








Passeur d’art, Patrice Alexandre a enseigné à l’Ecole régionale des beaux-arts du Mans, à la Polytechnic Fine Art de Wolverhampton, à l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville. Depuis 2008, il est professeur aux Beaux-Arts de Paris.

Hommage à Saint-John Perse, Patrice Alexandre
Jardin des Plantes - Paris 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 5è arrondissement - Bertrand Dreyfus

Sites référents



Nocturne, de Saint-John Perse (1973)

Les voici mûrs, ces fruits d'un ombrageux destin. De notre songe issus, de notre sang nourris, et qui hantaient la pourpre de nos nuits, ils sont les fruits du long souci, ils sont les fruits du long désir, ils furent nos plus secrets complices et, souvent proches de l'aveu, nous tiraient à leurs fins hors de l'abîme de nos nuits ... Au feu du jour toute faveur ! Les voici mûrs et sous la pourpre, ces fruits d'un impérieux destin. Nous n'y trouvons point notre gré.

Soleil de l'être, trahison ! Où fut la fraude, où fut l'offense ? où fut la faute et fut la tare, et l'erreur quelle est-elle ? Reprendrons-nous le thème à sa naissance ? Revivrons-nous la fièvre et le tourment ?... Majesté de la rose, nous ne sommes point de tes fervents : à plus amer va notre sang, à plus sévère vont nos soins, nos routes sont peu sûres, et la nuit est profonde où s'arrachent nos dieux. Roses canines et ronces noires peuplent pour nous les rives du naufrage.

Les voici mûrissant, ces fruits d'une autre rive. "Soleil de l'être, couvre-moi !" —parole du transfuge. Et ceux qui l'auront vu passer diront : qui fut cet homme, et quelle, sa demeure ? Allait-il seul au feu du jour montrer la pourpre de ses nuits ?... Soleil de l'être, Prince et Maître ! Nos oeuvres sont éparses, nos tâches sans honneur et nos blés sans moisson : la lieuse de gerbes attend au bas du soir. —Les voici teints de notre sang, ces fruits d'un orageux destin.

À son pas de lieuse de gerbes s'en va la vie sans haine ni rançon.