Lundi Librairie : Héloïse, ouille ! - Jean Teulé



Héloïse, ouille ! - Jean Teulé : En 1113, Pierre Abélard, philosophe et théologien dont la renommée s’étend dans toute la chrétienté, est mandé par le chanoine Fulbert pour devenir le précepteur de sa nièce Héloïse. La jeune femme, belle, lettrée, sensuelle et son célèbre professeur se prennent de passion aussi bien intellectuelle que physique. Lorsque Fulbert découvre le pot aux roses, Héloïse est enceinte. Abélard l’épouse aussitôt mais en secret et décide pour la protéger de son oncle de la cacher dans un couvent. Fulbert croit à une répudiation. En guise de représailles, il envoie trois sbires émasculer Abélard. Meurtri dans sa chair, ne pouvant plus enseigner à la suite de sa mutilation, ce dernier décide pour préserver son honneur d’entrer dans les ordres après avoir convaincu Héloïse de prendre elle-même le voile. Après des décennies sans contact, les lettres échangées à la fin de leur vie vont devenir un monument de la littérature amoureuse. 

Dans la veine de ses récits historiques et littéraires, Jean Teulé se saisit des amours malheureuses d’Héloïse d’Argenteuil et Pierre Abélard dont le couple symbolise depuis 900 ans le paroxysme des sentiments. Projet plutôt sage à ceci près, que le romancier propose une relecture érotique du mythe, évoquant les amants éternels dévorés par la passion dans les premiers temps de leur relation. Polissonneries d’iconoclaste, provocation qui titille la légende, le récit flirte allègrement avec la pornographie, cet érotisme des autres, assume pleinement la grivoiserie débridée, s’amuse de cette lubricité extravagante des amours du début.

Paillardise revendiquée, prouesses sexuelles, obscénité des ébats, d’une plume très crue, très verte, Jean Teulé fait voler en éclat l’image glacée d’une correspondance chaste et pieuse pour redonner tout son feu à cette histoire d’amour, leur chair aux mots. Les pires turpitudes sont passées au grill d’un humour féroce. La liberté de ton est totale. Le verbe haut, le style canaille mêlent argot médiéval et contemporain dans un texte sulfureux qui convoque la passion charnelle contrariée avant qu’elle ne devienne vertueuse pureté de l’esprit. La trivialité et la poésie se retrouvent dans un même brouet rabelaisien gourmand, jouisseur. 

Jean Teulé se permet toutes les transgressions d’autant plus que la reconstitution historique est portée par un travail de documentation remarquable. Dans une véritable démarche de médiéviste, le sens du détail anime les scènes d’une vitalité particulière faisant revivre une époque. Le romancier y ajoute avec délectation quelques ingrédients de la farce avec notamment des personnages secondaires irrésistibles 

Femme exceptionnelle, enfermée pour contenter l’ego de son époux, Héloïse devient grâce à son intelligence la première abbesse du Paraclet, premier ordre monastique ouvrant l’éducation aux femmes tandis qu’Abélard poursuit des travaux qui fondent un nouveau courant de pensée. Récit tour à tour désopilant et émouvant, Jean Teulé restitue à l’histoire d’Héloïse et Abélard son sens premier, une apologie de la liberté d’expression et de l’amour libre.

Héloïse, ouille ! - Jean Teulé - Editions Julliard - Edition de poche Pocket



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.