Paris : Cadran solaire signé Salvador Dali, heure approximative et grand cérémoniel - Vème



Un cadran solaire signé Salvador Dali aussi discret que son auteur était flamboyant se cache scellé dans un renfoncement de la rue Saint Jacques. Sur le flanc de l’immeuble du numéro 27, au niveau du 31, ce visage féminin en forme de coquille Saint-Jacques modelé dans le béton a été offert en 1966 à la Ville de Paris par celui qu’André Breton, grand manitou des surréalistes, surnommait méchamment Avida Dollars. L’oeuvre a été créée par Dali en l’honneur d’amis qui tenaient la boutique située juste en dessous. Depuis, le magasin a changé de mains à de nombreuses reprises mais cet instrument de mesure du temps est resté. Souvenir poétique, fugace apparition.








A Paris, il existe environ 120 cadrans solaires répertoriés. La météo de la Ville Lumière aurait tendance à les rendre peu efficaces. Néanmoins, ces réalisations originales ne manquent pas de charme. Situées en hauteur, elles attirent peu l’attention mais le piéton parisien aguerri saura les repérer.

Le cadran solaire réalisé par Salvador Dali est inauguré en grandes pompes le 15 novembre 1966 au cours d’une cérémonie excentrique qualifiée par l’artiste à tendances mégalo prononcées de « premier événement du XXIème siècle ». A cette occasion, juché dans la nacelle d’un monte-charge, Dali dévoile lui-même sa création sous les flonflons de la fanfare de l’Ecole des Beaux-Arts. En plein automne parisien, la grisaille est vaincue par un projecteur braqué sur l’oeuvre afin qu’elle puisse indiquer l’heure au moins lors des festivités.

Depuis le cadran solaire vertical déclinant a bien du mal à accomplir son destin. Le pignon de rue sur lequel il est scellé, bien qu’orienté au sud, est légèrement incliné vers l’ouest. L’ombre du style ne tomberait donc pas exactement là où elle devrait. L’heure affichée, lorsque le soleil daigne faire son apparition, est donc plus qu’approximative.







Avec ce visage de femme rappelant la coquille Saint-Jacques, Dali évoque avec malice le pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle et ses obsessions mystiques personnelles. Ancienne piste gauloise puis axe majeur de la ville gallo-romaine, le tracé de la rue Saint-Jacques correspond à la partie Sud du cardo de l'ancienne Lutèce. Axe nord-sud gallo-romain sous le nom de Via Superior, elle devient au Moyen Âge la principale artère reliant Paris à Étampes et Orléans. Cette voie est alors empruntée par pèlerins qui se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle mais son nom résulte de la présence d’une ancienne chapelle Saint-Jacques, donnée au XIIIe siècle aux Dominicains, surnommés par la suite Jacobins.

Cadran solaire de Salvador Dali
Pignon 27 / 31 rue Saint-Jacques - Paris 5

Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Compostelle Poche Pour les Nuls - Olivier Cébe et Philippe Lemonnier - Editions Pour les Nuls



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.