Cinéma : The Dead don't die, de Jim Jarmusch - Avec Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Chloë Sevigny



L’humanité toujours en quête d’énergie fossile a lancé des opérations de forage à la recherche de gaz de schiste sur les pôles. Ce qui a désaxé la planète. Les scientifiques s’inquiètent. A Centerville, 738 habitants, bourgade américaine à la frontière de la Pennsylvanie et l’Ohio, les phénomènes étranges se multiplient. Il fait grand jour à 23h, la nuit tombe en plein milieu de la journée. Les animaux adoptent des comportements insolites. C’est alors que les morts s’échappent de leurs tombes. Les revenants pas aimables obsédés par leurs passions d’antan, le café, le wifi, les bonbons, le Chardonnay, envahissent la ville pour dévorer les vivants. Cliff Robertson, chef de la police flegmatique et son adjoint Ronnie Peterson tout aussi placide, tentent de remédier à cette invasion.






Après les vampires dans Only lovers left alive en 2014, Jim Jarmusch poursuit son exploration du genre horrifique en se livrant à une farce écolo sur fond d’apocalypse zombie. Le réalisateur interroge l’avenir de l’humanité après une catastrophe environnementale et suggère d’en rire avant d’en pleurer tant le point de départ de cette fin du monde semble proche de notre réalité. The Dead don’t die, pamphlet tragi-comique délirant, nous tend un miroir déformant de notre société contemporaine mue uniquement par des crédos matérialistes et individualistes. 

Le film prend la forme d’une critique aussi déjantée qu’acerbe de l’Amérique de Trump, de ses idéaux fétides et de son culte de la surconsommation. En sous-texte de cette diatribe mordante, le réalisateur s’inquiète de la rupture de l’ordre social et répond par le paradoxe de l’humour à un trop plein de colère et de désespoir. 






Sur fond de blagues potaches, la satire s’affirme politique, sociale et écologique diffusant une vision lucide du monde tel qu’il va. Farce mélancolique voire vaguement dépressive, réquisitoire laconique, The Dead don’t die saisit l’air du temps lui imposant un décalage jubilatoire, patte distinctive du réalisateur. Jim Jarmusch a décidé une bonne fois pour toute de ne rien prendre au sérieux. La nonchalance, le détachement rigolard et le comique de situation au cœur du processus créatif nourrissent une galéjade improbable qui emprunte aux codes des séries Z, scènes gores bien sanglantes et clins d’œil appuyés. 

Porté par un mantra « Kill the head » qui est aussi le nom de la société de production de Jim Jarmusch, le film assume sa nature de pop culture. Les références se multiplient avec frénésie, Star Wars, Psycho, Kill Bill, Twin Peaks. La musique irrigue le récit et puis il y a aussi la présence à l’écran de nombreux musiciens, Iggy Pop, RZA, Tom Waits, Selena Gomez, Sturgill Simpson. A l’image, Jim Jarmusch s’amuse en citant les maîtres du genre George A. Romero en tête, mais aussi Tarantino, Hitchcock, Melville.




Film de troupe, le réalisateur a réuni ses acteurs fétiches, les rois du cool dans une distribution de haute volée. Ce casting grand luxe incarne une galerie d’anti-héros savoureux : Bill Murray et Adam Driver les policiers impassibles, Chloë Sevigny la fliquette flippée, Tilda Swinton la croque-mort samouraï, experte en décapitation au sabre, Steve Buscemi le fermier suprémaciste, Iggy Pop zombie vraiment très méchant, Tom Waits ermite des bois survivaliste…

Fable morale, gore et ludique, très référencée, cette parodie d’apocalypse annoncée sonne comme un avertissement face à la folie des hommes, leur propension à détruire leur environnement. Drôle, féroce et forcément un peu désespéré aussi.

The Dead don’t die, de Jim Jarmusch
Avec Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Chloë Sevigny, Rosie Perez, Danny Glover, Iggy Pop, Selena Gomez, Caleb Landry Jones, Steve Buscemi, Tom Waits, Sara Driver, RZA, Carole Kane
Sortie le 14 mai 2019
 


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.