Les étrangers sont nuls - Pierre Desproges : « Si tous les étrangers étaient méconnaissables, on ne pourrait même plus faire de guerre, faute de pouvoir reconnaître l’ennemi. » Recueil de textes paru en 1992, cette anthologie de chroniques publiées en 1981 dans l’hebdomadaire satiriste Charlie Hebdo est l’oeuvre du très regretté Pierre Desproges. Passant au crible de son terrible mauvais esprit une trentaine de nationalités, peu sont épargnés. Dans ce savoureux opus, le grand provocateur prend à rebrousse-poil les discours d’ostracisme afin de désamorcer toutes les formes de xénophobie et de racisme. Par le prisme du second degré, mise à distance salvatrice, il ne craint ni sujets brûlants, ni questions sensibles. Les cas épineux sont son dada. Il les traite à grand renfort de calembours et autres contrepèteries. Sous sa plume libertaire, les incongruités se mêlent aux exagérations, taquinent la cocasserie. En inversant les réalités, Desproges, volontiers rosse, souvent fantaisiste, se fait pourfendeur du politiquement correct. Dans une veine de pure dérision, sur le fil d’un pacte humoristique passé avec le lecteur, il se désespère de l’absurdité des conflits qui gangrènent le monde, de la vanité de la condition humaine.
Elégance et fausse désinvolture, la pensée desprogienne s’incarne à travers la virtuosité du verbe qui exprime la volupté des mots, la passion de la langue. Les aphorismes aussi délicieux que redoutables déploient une causticité, un cynisme jouissif. Le pamphlétaire intrépide pratique l’humour au vitriol. Les digressions satiriques de cet être désenchanté ont des charmes aussi riants que grinçants.
Pierre Desproges dépasse les frontières du bon et du mauvais goût, dit, écrit les pires horreurs pour les dénoncer, faire valoir leur absurdité, leur non-sens, exposer au grand jour l’intrinsèque imbécillité des discriminations. Sous des abords loufoques ou poétiques, la réflexion ne peut nier sa profondeur et une pertinence qui perdure plus de trente ans après la disparition de l’auteur. Grinçant, essentiel, réjouissant.
« Observons un Grec ancien : il est enveloppé dans un drap, il tient un parchemin et il apporte au monde la civilisation : les colonnes, les olives, le “i” sont grecs. Observons un Grec moderne : sur ses jeans est marqué : “Levi’s”. C’est nul. »
« Les Espagnols sont appelés ainsi parce qu'ils ont le teint olivâtre, contrairement aux Italiens qui ont le teint mariusâtre. Les Espagnols sont un peuple fier et ombrageux avec un tout petit cul pour éviter les coups de corne. »
« Aujourd'hui, il y a deux sortes d'Irlandais, les Irlandais du Sud, qui sont à l'ouest de l'Angleterre, et les Irlandais du Nord, qui sont en dessous de tout. »
« Pour se nourrir, les Japonais mangent du riz sans blanquette. »
« Il existe des Eskimos qui attaquent les ours blancs torse nu, au canif. C'est héroïque. »
« Je ne suis pas pour la femme-objet, au contraire j'aime bien quand c'est moi qui ne bouge pas. »
« Les Italiens sont appelés ainsi parce qu'ils gesticulent en mangeant des nouilles.»
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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