Cinéma : Nice girls don't stay for breakfast, de Bruce Weber - Avec Robert Mitchum, Dr John, Benicio Del Toro



Photographe de mode et documentariste, Bruce Weber dresse un portrait nuancé d’une icône hollywoodienne, un homme complexe difficile à résumer, le mythique Robert Mitchum (1917-1997). Symbole de l’âge d’or du cinéma américain, l’interprète de La nuit du chasseur, La rivière sans retour, La griffe du passé, au total plus de 130 films, s’impose dans ce documentaire nostalgique comme l’incarnation une époque révolue. Figure d’une certaine masculinité, image de mauvais garçon monolithique, l’acteur mais aussi chanteur se révèle et dévoile la silhouette du grand artiste et du poète sensible, fou de musique. Dans cette capsule temporelle cinéphile, Bruce Weber s’attache à cerner la personnalité d’un être insaisissable, déroutant.





L’idée de documentaire germe dans l’esprit de Bruce Weber au début des années 1990. Mais ce dernier a du mal à convaincre Robert Mitchum. Il parvient néanmoins à lui arracher son accord en 1991. Et le réalisateur de suivre le quotidien de l’acteur, ses rencontres avec des amis, au restaurant, dans des chambres d’hôtel, les sessions d’enregistrement d’un album de jazz aux studios de Capital Records. Au décès de Mitchum en 1997, Weber met son projet de côté. Vingt ans plus tard, il décide de revenir sur les revenir sur les séquences tournées et reprend la caméra pour compléter l’hommage de nombreux témoignages.

Bruce Weber emprunte son titre, Nice girls don’t stay for breakfast, à la chanson de Julie London laquelle a partagé l’affiche avec Mitchum dans L’aventurier du Rio Grande, et présente son documentaire à la 75ème Mostra de Venise.  Noir et blanc élégant, pas de révélations fracassantes, le film se veut pudique comme l’homme. Les détails biographiques sont disséminés à petite dose. Bruce Weber ne s’appesantit pas sur l’enfance malheureuse, ni les frasques de jeunesse. 

Se livrant par bribes, Robert Mitchum vieillissant est, sous l’objectif de Weber, le dandy imperturbable, le playboy nonchalant mais surtout un homme lucide qui conjugue ironie et bienveillance sur fond d’humour à froid et de répliques savoureuses. Quand on lui faisait un compliment, il avait d’ailleurs pour habitude de répondre : « Allez, je parie que vous dites ça à toutes les filles ! »




Bruce Weber fait intervenir des témoins de grand style. Il y a les héritiers, Johnny Depp, Benicio Del Toro, Danny Trejo, les dépositaires d’une image de la masculinité. On les sent fascinés par cette figure tutélaire, la complexité du personnage, le charisme de l’homme. Les contemporains Marianne Faithfull, Clint Eastwood ajoutent des anecdotes mordantes tandis que les membres de sa famille, tels que sa petite-fille Carrie Mitchum, parlent de l’homme intime.

L’image de cowboy de Robert Mitchum, macho d’un autre temps, emblème d’une virilité vieille école se confronte à un personnage plus nuancé. Histoires de tournages, de bagarres dans les bars, de femmes, si le charmeur bourru, l’irrésistible séducteur cabotine volontiers, il assume son numéro usé avec panache.  « Je suis comme une vieille pute, je n’ai pas besoin de me préparer. Je me pointe et je m’y mets ». Nostalgique et savoureux.

Nice girls don’t stay for breakfast, de Bruce Weber
Avec Robert Mitchum, Dr. John, Benicio Del Toro, Clint Eastwood, Marianne Faithfull, Bo Derek, Johnny Depp
Sortie 27 février 2019 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.