Premier Centre d’art numérique à Paris, ouvert en 2018 par Culturespaces, l’Atelier des Lumières, après le succès de son premier opus consacré à Klimt, réitère l’expérience de l’exposition numérique en proposant une nouvelle immersion dans l’univers pictural du peintre néerlandais culte, Vincent Van Gogh (1853-1890). Une vingtaine de tableaux, tous réalisés dans les dix dernières années de la vie de l’artiste, des débuts au Pays-Bas jusqu’à la maturité, composent la matière vive d’un périple visuel et sonore. Scénographie grandiose, jeu d’échelle dansant, dispositif spectaculaire, l’objet artistique dématérialisé devient matrice englobante. Ce son et lumière, film de trente-cinq minutes qui propulse Van Gogh à l’ère numérique, a été imaginé par quatre artistes italiens, le concepteur Gianfranco Iannuzzi, le metteur en scène Renato Gatto, le vidéaste Massimiliano Siccardi et le compositeur Luca Longobardi. Alternative aux événements muséaux classiques, l’exposition immersive porte en elle une idée de complémentarité et n’affiche pas d’ambitions didactiques. Ce divertissement différent, passerelle, cherche à séduire des personnes qui ne fréquentent pas forcément les grandes institutions culturelles afin de leur donner le goût de découvrir des œuvres, passeur d’envie. La démarche conceptuelle s’adresse à notre âme d’enfant et consacre une expérience sensible, sensorielle. Elle propose un regard différent sur l’ensemble du travail de l’artiste. Et le plaisir esthétique est évident.
L’art dématérialisé sort de son cadre et devient fresque lumineuse. Se promenant à travers l’espace tapissé murs comme sols des projections, le visiteur s’immerge dans un motif, un paysage, un portrait. Sensation vertigineuse, trouble les sens. L’ancienne fonderie Plichon, datant de 1835, réinventée à l’aune de l’époque et de sa nouvelle vocation déploie un vaste espace haut de dix mètres et marqué par les éléments architecturaux d’origines, ses structures industrielles.
L’outil technologique qui transforme l’espace par ses effets numériques est à la hauteur du lieu. Pour métamorphoser le site, créer effets numériques et diffuser des nappes de musique, 140 vidéoprojecteurs lasers, 50 enceintes, éléments de la technologie AMIEX (Art and Music Immersive Experience), sont nécessaires. Au centre de l’espace, une citerne-silo sert de salle de projection plus classique où se trouvent les renseignements complets concernant chaque tableau, des commentaires et des informations sur les toiles et les musées qui les abritent.
Parmi les deux-mille oeuvres réalisées par Van Gogh durant les dix dernières années de sa vie, un corpus aujourd’hui dispersé à travers le monde, les plus emblématiques ont été sélectionnées afin de créer un parcours thématique et sensible. Au fil des différentes résidences de l’artiste, de Nuenen dans la région de Brabant, à Paris, Arles, Saint-Rémy de-Provence, jusqu’à Auvers-sur-Oise, le visiteur suit le destin d’un peintre qui ne fut jamais reconnu de son vivant, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands.
Tandis que la musique de Lully, Janis Joplin, Puccini, Miles Davis, Vivaldi, Nina Simone, Brahms, scande la promenade, le visiteur pénètre au cœur des œuvres. Il s’imprègne d’un processus créatif, de l’audace de la couleur, approche au plus près les détails de la matière, le coup de pinceau et les traits de couteau, l’expressivité de la touche. La grande richesse chromatique, la force des contrastes imposent leur évidence dès les premières images. Van Gogh célèbre la chaleur, la lumière du sud dans un hommage aux champs de blé de Jean-François Millet, au fil des tableaux Semeur au soleil levant (1888) à Arles ou plus tard La Méridienne (la sieste) 1890.
Le film s’ouvre alors sur les premières œuvres au Pays-Bas, où l’artiste s’intéresse au quotidien des mineurs, des paysans, des bûcherons ou encore des tisserands, une réalité humaine puissamment évoquées dans Les Mangeurs de pommes de terre (1885). La nature source d’inspiration, les natures mortes prennent le relais. La douceur des amandiers en fleurs, l’intensité du jaune de la série des Tournesols 1889, le bleu profond des bouquets d’Iris rappellent les influences japonaises de Van Gogh fasciné par la délicatesse des estampes, leurs thèmes et leurs compositions.
Le dialogue entre ombre et lumière, allers-retours entre le monde intérieur torturé et la nature épanouie, fait naître aussi bien le chaos que la poésie. A Paris, où il séjourne deux ans avec son frère Théo Van Gogh, Vincent fréquente Montmartre et le Moulin de la Galette. Les peintres de la Butte Toulouse-Lautrec, Paul Signac, Paul Gauguin, l’influence et il découvre les œuvres de Cézanne. En 1888, le peintre en quête de lumière et de couleurs choisit de rejoindre le Sud. Ce sera Arles, La maison jaune, la Chambre 1888, les terrasses de café… Il rêve de fonder une communauté d’artiste mais n’est finalement rejoint que par Gauguin. Episode de l’oreille coupée.
La série de portraits méridionaux, L’Arlésienne, Le Facteur Roulin, précède les marines exécutées aux Saintes-Maries-de-la-Mer. A Saint Rémy de Provence, les scènes nocturnes drapées dans l’intensité des bleus et des violets, l’eau reflétant le ciel, La nuit étoilée (1888), exercent une féérie particulière. Aux thématiques provençales les cyprès, les oliviers, les montagnes succèdent les autoportraits tourmentés. Atteint de crises violentes, Van Gogh est interné le 3 mai 1889. Il reste enfermé durant un an à l’asile de Saint Paul de Mausole. A Auvers-sur-Oise, le peintre peine à se remettre mais sur les conseils de son médecin travaille avec acharnement, l’église du village, le Portait du docteur Gachet, l’inquiétant Champ de blé aux corbeaux (1890), lieu même où il met fin à ses jours à l’âge de 37 ans, en se tirant une balle dans la poitrine.
Le film consacré à l’oeuvre de Van Gogh fait place à un très beau second programme de 15 minutes, réalisé par le Studio Danny Rose. Cette création originale, Japon rêvé, image du monde flottant, donne vie aux estampes japonaises, ukiyo-e qui fascinèrent les Européens à la fin du XIXème siècle. La grande vague de Kanagawa d’Hokusai s’affiche monumentale sur les murs de l’Atelier des Lumières. Geishas, samouraïs, cerisiers en fleurs, monde aquatique et lanternes flottantes s’entremêlent dans un film dynamique et onirique. Dans le Studio, où les artistes contemporains ont carte blanche, Thomas Vanz questionne la place de l’homme dans le cosmos à travers une une création numérique intense, vertigineuse.
Van Gogh, la Nuit étoilée
Japon rêvé, images du monde flottant
Jusqu’au 31 décembre 2019
Atelier des Lumières
38 rue Saint-Maur - Paris 11
Tél : 01 80 98 46 00
Horaires : Du lundi au jeudi de 10h à 18h. Nocturnes les vendredis et samedis jusqu'à 22h et les dimanches jusqu'à 19h
Tarifs : 14,50 euros (plein), 11,50 euros (réduit) et 9,50 euros (jeune)
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire