Sur la scène du théâtre Le République, Nora Hamzawi est de retour avec un nouveau spectacle à l’humour décapant. Grosses lunettes chignon coiffé-décoiffé, la silhouette est la même, la faconde véloce aussi mais son personnage de trentenaire parisienne embourbée dans son quotidien a évolué. Elle a coché les cases, en couple, un enfant mais elle n’a cependant toujours pas trouvé la stabilité et vit mal son passage à l’âge adulte. Mauvaise foi, remise en question, déplacement des névroses, cette féministe par nature déculpabilise les femmes en pratiquant une autodérision décomplexée et salutaire. Nora Hamzawi suit les méandres de sa pensée, ausculte doutes et contradictions car elle croit aux vertus cathartiques de la parole. Affres de la maternité, usure du couple trop bien installé, quête absurde de conformité à la norme, peur panique de la routine, les péripéties de cette grande angoissée s’ancrent, sans fausse pudeur, dans un réel pas très rutilant, le sien, le nôtre, la vie, la vraie. Et en douce, l’air de rien, elle nous apprend comment nous détacher des injonctions absurdes à l’épanouissement et aux formes de féminité surréalistes.
Chroniqueuse au Grand Journal, puis à France Inter et aujourd’hui au Quotidien de Yann Barthès et dans les pages de Grazia, auteur d’un livre 30 ans, 10 ans de thérapie, Nora Hamzawi porte un regard aiguisé sur notre époque de laquelle elle livre une expérience universelle. Au passage elle diagnostique les ratés des rapports entre hommes et femmes et dénonce le sexisme rampant de la société. Dans ce nouvel opus, l’humoriste expose sa vision très personnelle de la féminité mais aussi de la grossesse et de la maternité. Si le texte est très écrit, cette personnalité attachante n’hésite pas à jouer avec le public, répartie vive et lucidité piquante. Le spectacle rythmé alterne les niveaux de lecture, subtil dosage d’acidité et de tendresse. La sincérité du propos est évidente lorsque sur scène, elle incarne la pire version d’elle-même.
Les fringues, la coolitude, l’épanouissement personnel et sexuel, Nora Hamzawi autopsie les processus de la pression sociale, celle que nous inflige les amis, la presse, les réseaux sociaux. Nous sommes sommés d’être épanouis. Et lorsqu’on est en couple, bien jouir est un impératif. Mais combien de fois par semaine, par mois? La représentation de la sexualité ne correspond exactement à la réalité…
En prise avec son temps, elle décrypte la dimension masochiste des nouvelles manies chronophages et dépréciatives des accros aux smartphones, c’est à dire tout le monde. Instagram, par exemple. Cette application sur laquelle on passe un temps fou à scruter la vie mise en scène de parfaits inconnus, où l’on se met à envier / jalouser des existences imaginaires. Ça n’a pas de sens d’aller mater des gens en maillot sur des plages à l’autre bout du monde alors qu’on est dans le métro pour aller bosser en plein hiver. On le sait. On s’en veut. Elle culpabilise. Nous aussi.
Difficile de ne pas s’identifier à son personnage tant il est aisé de se reconnaître dans ses travers, ses névroses. Belle présence sur scène, véritable interprète, Nora Hamzawi fait voler en éclats les stéréotypes et raconte l’époque avec générosité. C’est drôle, intelligent, un peu perché, carrément hilarant et pas du tout politiquement correct.
Nora Hamzawi, nouveau spectacle
Jusqu'au 30 mars 2019
Horaires : Jeudi et vendredi à 19h45 - Samedi à 18h
Le République
23 place de la République - Paris 3
Tél : 01 47 70 97 96
Nora Hamzawi
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire