Expo : Zao Wou-Ki, l'espace est silence - Musée d'Art moderne de la Ville de Paris - Jusqu'au 6 janvier 2019



Première rétrospective en France depuis l’exposition de 2003 au Jeu de Paume, Zao Wou-Ki, l’espace est silence au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris célèbre en quarante œuvres monumentales la splendeur d’une expérience esthétique unique, la quête d’un artiste en perpétuel dialogue avec ses contemporains. Remontant aux sources de l’inspiration où l’art oriental de la calligraphie croise les influences des avant-gardes d’après-guerre parisiennes s’échappant vers l’expressionnisme abstrait américain, cet évènement consacré au travail de Zao Wou-Ki (1920-2013) replace le peintre au centre de la scène artistique mondiale. Les toiles méditatives, autobiographiques, hommages, racontent des histoires de rencontres esthétiques, avec Claude Monet par exemple, de drames personnels, le décès d’une épouse, mais aussi d’amitié, celles avec le poète Henri Michaux et le compositeur Edgar Varèse. Par le biais d’une réflexion sur les grands formats, cette invitation à la contemplation invoque puissamment l’émotion du souffle coloré, le dynamisme du mouvement, le pinceau emporté par le geste jusqu’à la dilution du signe dans l’abstraction.












Le titre de l’exposition emprunté à Henri Michaux est extrait de l’un des Poèmes-lectures. "..l'espace est silence, silence comme le frai abondant tombant lentement dans une eau calme, ce silence est noir, en effet il n'y a plus rien, les amants se sont soustraits à eux-mêmes en arrivant bonheur profond...". Ce texte a été inspiré par une lithographie de Zao Wou-Ki, une oeuvre figurative antérieure aux toiles abstraites présentées au MAM. L’ensemble de toiles de 1956 à 2006, florilège de très grands formats, permet d’aborder de manière différente la complexité globale d’une oeuvre en ouvrant une vision d’ensemble introspective. 

Héritier d’une famille de riches lettrés, Zao Wou-Ki a suivi une formation artistique exigeante. Sa première période de 1935 à 1949 se recentre autour d’un corpus figuratif, portraits, paysages, natures mortes. Fasciné par Picasso, Cézanne, Matisse, il quitte la Chine en 1948 pour s’installer à Paris où il s’inscrit aux Beaux-Arts. A Montparnasse, il fréquente l’avant-garde parisienne mais ne cache pas déjà une forte attirance pour la vitalité de l’école américaine qui s’oriente vers l’expressionnisme abstrait. Dans son travail, l’idée de figuration peu à peu se dilue. 











En 1951, lors d’un voyage à Berne en Suisse, Zao Wou-Ki est confronté à l’oeuvre de Paul Klee. Fasciné, il s’engage totalement et prend le parti de l’abstraction. Son oeuvre, Traversée des apparences, peinte en 1956, marque un tournant majeur dans cette forme nouvelle d’expression, étape décisive avant un premier séjour aux Etats-Unis. A partir des années 1960, son abstraction se fait lyrique. Soutenu par André Malraux, il est naturalisé français en 1964. 

En quête d’espaces toujours plus vastes, Zao Wou-Ki interroge les enjeux des grands formats.  Ses oeuvres abstraites, qu’il désigne sous le terme de « natures » plutôt que paysages puisent dans le souffle même de la vie la dynamique des couleurs, l’évolution des formes. Reflet d’une intériorité mystique, elles interpellent les forces du mystère et de l’évocation spirituelle.

Ces œuvres organiques illustrent un rapport au monde particulier. L’art de Zao Wou-Ki au croisement des chemins, des civilisations, entre Asie et Occident, dépasse les différences culturelles, les oppositions esthétiques, fait lien. L’ouverture du peintre aux autres formes d’expression artistique notamment la poésie et la musique renforce la portée universelle de sa création dépouillée des codes. 











Dans les jaillissements de couleur, les brouillards de matière, l’écume des projections, se retrouvent les éléments originels de la création du monde. La terre, l’eau, le ciel, le feu, Zao Wou-Ki convoque les puissances telluriques des continents, la violence chtonienne du volcan, l’éther aérien du mouvement. La délicatesse du trait est le prolongement du pinceau qui expérimente. 

Le cheminement intime s’incarne dans le tumulte de la couleur, la vibration d’une sensibilité teintée d’incertitude, la fugacité des impressions, la constance de l’expressivité. L’artiste explore les infinis possibilité des transparences, les glacis, la matière à laquelle il creuse des reliefs texturés.










Au MAM sont présentés pour la première fois au public, à l’occasion de cette exposition, un ensemble d’encres de Chine en grand format, réalisé en 2006. Retour aux sources de la calligraphie, la maîtrise du geste y incarne le mouvement jusqu’à la limite de l’emportement. Zao Wou-Ki prolonge ici l’idée d’un nouveau langage non figuratif en perpétuel évolution.

Zao Wou-Ki, L'espace est silence
Jusqu’au 6 janvier 2019

Musée d'Art moderne de la Ville de Paris
Entrée provisoire pendant travaux, côté Seine
12-14  avenue de New York - Paris 16
Tél : 01 53 67 40 00
Horaires : du mardi au dimanche de 10 h à 18 h - Nocturne le jeudi jusqu'à 22h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.