Cinéma : Wine Calling, le vin se lève - Un documentaire réalisé par Bruno Sauvard



En Languedoc-Roussillon, plus grande région productrice de vin en France, Bruno Sauvard est allé à la rencontre des vignerons qui dès la fin des années 1990 ont dit non aux modes productivistes du business de la viticulture. Au Jajakistan, comme ces néo-vignerons appellent leur terroir, ils ont choisi d’arrêter de traiter les vignes en chimie pour créer des vins naturels. Leur démarche militante à contre-courant affirme le droit à la différence et s’élève contre une norme où l’usage abusif de la chimie, des pesticides s’est établi durablement. Le mouvement des vins nature s’inscrit dans une idée de retour à la terre à travers un puissant combat idéologique et des revendications engagées. Les nouveaux vignerons, porte-paroles de la contre-culture du vin depuis une dizaine d’année soutiennent une véritable révolution culturelle, celle d’une nouvelle utopie paysanne, d’une agriculture à échelle humaine. Désir d’authenticité, de sincérité, ils ont inventé le vin qu’ils avaient envie de boire et Bruno Sauvard dans un documentaire aussi pédagogique que militant leur rend hommage.






Wine Calling, le titre de ce joyeux manifeste en musique fait référence à London Calling, album des Clash qui revendiquaient le fait de faire de la musique différemment. Ici ce sont les vignerons qui veulent faire du vin différemment. Portées par une énergie, une effervescence militante, ces familles de néo-vignerons réinventent le rapport au vivant en suivant une nouvelle éthique. Souvent en reconversion professionnelle, ils ont choisi de quitter la ville pour la campagne. Si parfois ils sont qualifiés de rebelles bobo, l’exigence absolue de leur combat replace rapidement le débat. Leur choix de vie est un engagement de tous les jours. Avec cette nouvelle façon de produire et de consommer, la créativité et le respect des sols deviennent primordiaux. L'idée de changer le monde directement en lien avec la terre semble bien éloignée des préoccupations obsessionnelles de profit que portent en eux les vins conventionnels.





Le spectateur rencontre, dans leur combat contre le conformisme de la viticulture actuelle, ces vignerons, héros du quotidien que sont Laurence Manya Krief du domaine Yoyo, à Banyuls, Stéphane Morin du domaine Léonine à Saint-André des Albères, Jean-François Nicq du domaine Les Foulards Rouges à Montesquieu des Albères,  Michaël Georget du domaine Le Temps Retrouvé à Laroque des Albères, Loïc Roure et son associé Edouard Laffitte du Domaine du Possible, Alain Castex du domaine Les Vins du Cabanon à Banyuls et dans la Loire, Pascal Simonutti du domaine Le Pré Noir. 

Ces producteurs différents sont portés par le désir de faire des vins les plus naturels possible, sans intrant, sans recours aux engrais de synthèse et aux produits chimiques, sans acharnement du rendement ou d’outrances productivistes. Vins nus, bruts, aux robes légèrement troubles, leur goût est puissant. Le caractère affirmé de ces nectars évoque les paysages et la beauté des vignobles. Si le documentaire ne pose pas la question de la qualité gustative de ces productions, évite la mise en perspective avec les vins issus des filières ordinaires, il souligne toutefois les doutes salutaires des vignerons. 




Alors que point rapidement la question de la pérennité de ces exploitations loin d’être toute de suite viables, c’est l’empathie du réalisateur pour cette humanité joyeuse qui prend le dessus. La façon dont le documentaire a été réalisé, sans subvention, financé grâce à un budget participatif et le des campagnes de crowfunding en ligne, trouve un écho avec la démarche des vignerons. En immersion dans un quotidien, fait de joie et d’incertitudes, le réalisateur s’est muni de moyens de production très légers afin de pénétrer au cœur de la démarche. 

Si l’on pourra reprocher un manque de contrepoint, la belle philosophie du partage et la profonde empathie du réalisateur sous le charme des personnes et de la beauté des terroirs, ne pourront que nous séduire. Entraide, solidarité d’une nouvelle communauté, enthousiasme et bouillonnement des idées, ces résistants, galerie de personnages attachants, offrent le riche témoignage d’une avant-garde en marge d’un système. L'espoir de lendemains meilleurs.

Wine Calling, le vin se lève - Un documentaire réalisé par Bruno Sauvard
Avec Laurence Manya Krief, Olivier Cros et Sylvain Respaut
Sortie le 17 octobre 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.