Expo : Ossip Zadkine, l'instinct de la matière - Musée Zadkine - Jusqu'au 10 février 2019



"Du dialogue avec la matière naît le geste de l’homme", affirmait Ossip Zadkine (1890-1967) figure majeure de l’Ecole de Paris. Renouvelant le regard porté sur son oeuvre, le Musée Zadkine explore à travers une exposition fascinante les rapports de l’artiste à la matière. Tout au long de sa vie, ce grand sculpteur a cherché à en capter le dynamisme, à exprimer la forme en gestation contenue dans le bloc originel. Sous cet éclairage inédit, les sculptures iconiques mais également une production graphique plus méconnue, avec de nombreux dessins et peintures prêtées par le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, illustrent la singularité du processus créatif. 










A douze ans, il découvre par hasard un bloc de terre glaise qu'il travaille instinctivement. Ossip Zadkine répond déjà à une impérieuse vocation de sculpteur. Lorsqu’il passe des vacances chez son oncle qui construit des bateaux dans les monts de Valoraï, dans la grande tradition de la branche maternelle de la famille, descendants d’Ecossais établis en Russie au XVIIème siècle, il fait connaissance avec le travail du bois. 

Le père d’Ossip Zadkine, professeur de langues à Smolensk, voit d’un mauvais œil ce qu’il considère tout d’abord comme une lubie. Il envoie son fils en Angleterre afin qu’il étudie la langue de Shakespeare et les belles manières britanniques. Lors de ce premier séjour, Ossip Zadkine, rapidement à court d’argent, s’improvise sculpteur sur bois et se fait engager dans des ateliers où il grave des détails de devantures de magasins. De retour en Russie, il parvient à convaincre son père de sa fibre artistique et repart étudier à l’Arts and Crafts School de Londres. 










Lorsqu’Ossip Zadkine arrive à Paris en 1909, il suit tout d’abord les cours des Beaux-Arts. Mais son admiration pour Rodin semble incompatible avec l’enseignement académique et six mois plus tard il quitte l’école. Explorant la technique de la taille directe sur pierre ou sur bois qui répond à l’impulsivité de l’élan créatif, il forme peu à peu son style. Rapidement, il rencontre l’avant-garde parisienne, Apollinaire, Picasso, Archipenko, Cendrars, Brancusi, Delaunay, Giacometti. 

Vers 1914, sous l’influence de Lipchitz et Laurens, il s’oriente vers le cubisme, un mouvement. Il expérimente à travers ce mouvement les possibilités de la matière, les creux et les reliefs. Néanmoins, il s’émancipe rapidement rebuté par l’austérité formelle du cubisme. La dimension plastique de la sculpture et l’expressivité sensible seront ses guides. Ossip Zadkine puise son inspiration dans un modelé plus souple, n’hésitant pas à déformer le modèle pour rendre la puissance d’émotion.  Il se passionne pour la statuaire grecque, romane, gothique, les arts africains, où s’exerce la synthèse des volumes, alternance de creux et de pleins, de courbes et de contre-courbes. 












"C’est l’instinct qui prime d’abord ; c’est le plus important ; tout le reste vient plus tard ; alors on s’arme d’une logique qui pénètre chaque geste." Les formes induites par la matière répondent à son désir baroque d’expressionnisme. Cherchant la forme dans la forme, il étudie le principe d’emboîtement. Sous les mains d’Ossip Zadkine, le bois garde ses nœuds, les longues lignes de la fibre, et conserve aussi la trace de l’outil. Goûtant une certaine sobriété, il confronte la rigueur classique des lignes à la fantaisie foisonnante de l’émotion exprimée, la vitalité d’un esprit baroque. 

Dans une transcription libre et expressionniste, où les formes procèdent d’une construction inattendue, les femmes, les oiseaux, les personnages mythologiques, les autoportraits se rassemblent en un panthéon de figures récurrentes. La matière transformée, Zadkine fait le lien avec les arts décoratifs employant des techniques d’incrustation, d’assemblage, d’incorporation, ponctuant ses oeuvres de touches de couleurs en écho à la sculpture antique et médiévale souvent polychromes. 










Pour Zadkine, le bois comme la pierre possèdent en eux la trame d’une forme originelle que le travail du sculpteur consistera à révéler. En faisant entrer le principe de la taille directe, technique ancestrale, dans la modernité, l’artiste prolonge une réflexion sur l’expression des matériaux. Sous ses outils, il laisse s’exprimer lignes et formes qui seront à l’origine des émotions, de la sensualité. Il exalte le mouvement du bois, la légèreté intrinsèque de la pierre. Par le biais de son art, Ossip Zadkine célèbre le lien vital qui relie l’homme à la nature, dialogue intime et instinctif, miroir de son approche de la matière. 

Ossip Zadkine, l’instinct de la matière
Jusqu’au 10 février 2019

100 rue d’Assas - Paris 6
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi
Tél : 01 55 42 77 20



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.