Lundi Librairie : Reviens - Samuel Benchetrit



Reviens - Samuel Benchetrit : Ecrivain qui n’arrive pas à se remettre au travail, le narrateur procrastine autour d’un projet fumeux qui a pour sujet Pline l’Ancien. Frappé d’insomnies depuis que son fils est parti faire le tour du monde sac au dos, il passe ses nuits à fumer des clopes et écluse des whiskys en proie à de curieuses obsessions. Il se passionne pour une émission de télé-réalité particulièrement gratinée, 4 Mariages pour 1 lune de miel. Son éditeur lui a versé une confortable avance qui lui a servi à régler ses démêlés avec les impôts. Un producteur de télévision, appâter par le thème à la mode des banlieues, le contacte car il souhaiterait adapter son dernier roman Béton armé sans pourtant l’avoir jamais lu. Mais notre écrivain se trouve dans l’impossibilité de mettre la main sur un exemplaire encore en circulation. Absent des librairies, pilonné par sa maison d’édition, le livre rare se trouve encore d’occasion sur Amazon à 54 euros mais des problèmes improbables de livraison l’empêchent de mettre la main dessus. A la recherche de la dernière copie, il part à la rencontre de Raymonde dans une maison de retraite tandis que son contrôleur fiscal lui laisse un étrange mail d’appel au secours depuis Abidjan. 

Romancier, dramaturge, scénariste, réalisateur, Samuel Benchetrit, plume sensible et humour incisif, ouvre les portes d’un univers tendre et poétique où le désespoir sait se faire joyeux, où la gravité n’éclipse pas les instants de lumière. Justesse des émotions, délicatesse des sentiments, il réenchante le quotidien malgré les désillusions, composant sa petite musique de vie entre ombres et légèreté. Ce texte doux-amer possède le charme singulier d’une véritable voix d’écrivain. Le ton particulier, le sens de la cocasserie, l’autodérision pratiquée avec jubilation font de ce court roman un moment délicieux. 

Jouant avec l’idée d’autofiction, Samuel Benchetrit construit un personnage de loser magnifique, sympathique neurasthénique en permanence sur le fil. Entre spleen et fantaisie, celui-ci traîne son mal de vivre en quête d’inspiration, en quête d’amour. Ce narrateur sclérosé, aussi casanier que son fils est baroudeur, s’entoure d’une solitude rêveuse car il a le sentiment d’être un escroc dans sa propre vie, submergé par les attentes des autres. Pour se protéger, il choisit la naïveté, celle de croire aux mystifications des autres dans l’espoir que la sienne ne soit pas démasquée. 

Le récit emprunte volontiers la voie burlesque alors que le narrateur se trouve empêtré dans des situations ubuesques. L’auteur fait preuve d’un sens de l’absurde réjouissant qui prend sa pleine ampleur dans des dialogues savoureux. Au bestiaire surréaliste, chien suicidaire, chat kidnappé, canard affectueux, se mêle une galerie de personnages attachants, doux-dingues gentiment perchés. Il y a tout d’abord l’ex-femme qui reproche au narrateur d’avoir laissé partir leur fils et fustige son apathie et puis cet étrange contrôleur fiscal qui vit des existences parallèles à Abidjan. D’autres protagonistes, personnalités hautes en couleur, caractères tragiques ou cocasses, se mêlent à la ronde, la concierge revêche, le fermier sans hanche, une assemblée de retraitées amatrices de romans populaires qui préfèrent un prolifique condisciple dont le narrateur est jaloux et une délicieuse infirmière bègue. 

Avec bienveillance, Samuel Benchetrit emprunte les chemins des déchirements universels, trouve des excentricités à la mélancolie. L’amour, la mort, la filiation, l’écriture, la dépression, il imprime à ses mots le mouvement de la vie elle-même.

Reviens - Samuel Benchetrit - Editions Grasset



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.