Expo : Will Ryman à la Villette, la troisième édition du Festival 100% - Jusqu'au 16 septembre 2018



Will Ryman, plasticien newyorkais né en 1969, est l’invité d’honneur à La Villette de la troisième édition du Festival 100% instigué par Didier Fusillier. Cette manifestation artistique pluridisciplinaire, grand rendez-vous de la création et de l’innovation est l’occasion pour une cinquantaine de jeunes artistes de présenter leurs œuvres à travers un panorama inédit de la création française des dix dernières années. Afin de rendre hommage au festival, ainsi que de célébrer le 35ème anniversaire de La Villette, Will Ryman a réalisé trois œuvres in sitù monumentales qui cherchent à poétiser l’espace urbain et végétal sous un ange inattendu. Plus grande exposition en extérieur de l’histoire du parc, mise en oeuvre par le commissaire d’exposition Jérôme Neutres et la Paul Kasmin Gallery, cet événement est également le plus important auquel ait participé l’artiste américain en Europe à ce jour. 










Le travail de Will Ryman est inspiré par le surréalisme, la littérature, la philosophie. Il y explore l’absurdité de notre monde, les angoisses contemporaines et les tourments perpétuels de la condition humaines. Son oeuvre monumentale, ludique et théâtrale modifie le paysage sensible, plastique et mental des lieux qu’elle traverse. Tout d’abord dramaturge incompris, Will Ryman a longtemps écrit des pièces dans l’idée de se débarrasser du metteur en scène, puis du texte et finalement des comédiens. En 2001, il créé dans ce processus de dépouillement sa première sculpture. 

Depuis, il suit cette voie plastique tout en ayant gardé le goût des mots et de l’écriture. Evoquant le voyage à travers l’espace, à travers la vie, il questionne les paysages urbains en perpétuelle mutation, soulignant l’évolution constante de notre perception du monde, la ligne fine entre réel et virtuel qui peu à peu disparaît engendrant une grande confusion. Avec humour et fantaisie, cet iconoclaste pousse la réflexion sur l’histoire et la notion de progrès dans la société, leur influence sur l’oeuvre de l’artiste et son évolution.










L’écosystème de la Villette, parc imaginé par l’architecte Bernard Tschumi, est chargé d’une forte charge culturelle. La Cité des Sciences, la Géode, la Philharmonie, la Grande Halle, lieux d’intenses échanges, côtoient les nombreuses œuvres d’art contemporain disséminées à travers le parc. Les trois propositions monumentales réalisées par Will Ryman se proposent de modifier le paysage géographique en transformant la perception sensorielle, par les formes et la couleur. L’artiste cherche à représenter de manière abstraite et métaphysiques les grandes interrogations humaines. Ses intentions plastiques incarnent notre quête de sens. 

Les trois œuvres autonomes forment un ensemble visuel homogène par la manifestation très forte de la main humaine, outil de conception. Heads, place de la Fontaine aux Lions de Nubie, se compose de sept sculptures, sept têtes jaune soufre, façonnées dans l’argile puis moulées dans la résine. Leurs titres renvoient à des répliques de la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot, écrite en français en 1948 et traduite en anglais par l’auteur en 1953, dont les thèmes universels écho avec l’expérience personnelle de chacun.

Sisyphus, perché sur une  pierre, monolithe en bronze noble qui renvoie au travail des sculpteurs classiques, est installée Prairie Nord. Cette statue fait référence au mythe grec, à l’absurdité de la punition éternelle de Sisyphe qui doit faire rouler un rocher en haut d’une colline, rocher qui une fois arrivé au sommet redescendra perpétuellement. Mais elle a surtout été inspirée par l’essai d’Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe publié en 1942. Introduction à la philosophie de l’absurde, ce texte évoque la vaine quête de sens, la recherche d’unité et de clarté dans un monde inintelligible, exempte de vérité, dépourvu de valeurs éternelles, privé de Dieu.










Pac Lab, que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de voir, assume avec panache l’allusion directe au jeu vidéo Pac Man. Ce labyrinthe coloré placé face à la Géode se reflète dans la sphère de métal, forme inattendue visiblement conçue de la main de l’homme. Pac Lab évoque à la fois les œuvres primitives, les monuments comme Stonehenge et les créations en terre ou en pâte à modeler des petits enfants. Véritable invitation au jeu, le labyrinthe entre en écho avec l’histoire de l’art par l’utilisation de couleurs primaires employées par Mondrian.

Inspiré par la philosophie, la littérature, le théâtre de l’absurde, Will Ryman lance des passerelles entre les univers. Le plasticien revendique une approche expérimentale directe et sensorielle de la sculpture. Le contact avec la matière est pour lui primordial, la marque indélébile de la main humaine sur l’oeuvre essentielle. Il envisage la création comme un processus méditatif proche de la transe, suggérant l’idée d’une sculpture automatique comme les surréalistes pratiquaient l’écriture automatique. A travers l’exploration de l’inconscient, il touche à toutes les dimensions de l’esprit humain du burlesque au grotesque, du troublant au grave, interrogeant inlassablement les choix qui déterminent nos existences.

Festival 100%
Invité d’honneur Will Ryman
Oeuvre in sitù exposées jusqu’au 16 septembre 2018
Parc de la Villette - Paris 19


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.