Expo : Doze Green, Transmissions (Future, Recollections) - Galerie Openspace - Jusqu'au 28 juillet 2018



Les racines de la culture hip hop née dans le Bronx s’inscrivent au croisement des arts, là où se rencontrent musique, danse, graphisme et finalement muralisme. Graffeur historique de la scène new-yorkaise des années 1970-80, membre fondateur du Rock Steady Crew, Doze Green assume ce riche héritage avec panache. Artiste-citoyen dont la vision est portée par un sentiment altermondialiste profond, il est passé de la rue à la toile tout en développant une intense réflexion sociale. Ses oeuvres empreintes d’une forte dimension politique prolonge son engagement - comme son soutien auprès des Amérindiens dans leur lutte contre le pipeline du Dakota du Nord, ou plus généralement la protection de la nature. La troisième exposition de Doze Green à la galerie Openspace, Transmissions (Future, Recollections), ausculte le monde contemporain ultra-connecté tel qu’il est pour mieux dénoncer ses dysfonctionnements.








Peintre de la ligne et du mouvement, Doze Green traverse les cycles artistiques armé de références nombreuses comme autant d’éléments d’un nouveau langage plastique au symbolisme fort. Masques africains, figures aztèques, influences sumériennes, serpent du bestiaire grec antique, il procède à la fusion des cultures graphiques dans la richesse d’un amalgame qui s’affirme d’une rare modernité esthétique. Les symboles occultes s’inscrivent dans des motifs géométriques sacrés. Les mythes des sociétés premières deviennent sources vitales de l’expérimentation picturale.

Cubisme, art japonais de la période Edo, héritage caribéen, Mirò, Picasso, Jean-Michel Basquiat, Doze Green joue les alchimistes. Dans la richesse de ses compositions, un dialogue magique s’établit entre les éléments formels. L’importance des détails s’exprime dans l’énergie des motifs répétitifs. Il recrée les totems d’un univers mystique réinventé, représente les infinies possibilités des temps de l’homme, passé, présent, futur. Combinant les influences, ce contemporain de Keith Haring et de Rammellzee, son ami et mentor, retrouve dans le graphisme du graffiti, et plus particulièrement du lettrisme, les origines de la calligraphie asiatique. 










Style graphique très reconnaissable, Doze Green expérimente les techniques, acrylique, posca, encre, ainsi que les supports, toile, papier, bois. Ses figures complexes en pleine évolution sont définies par la souplesse du trait, cette ligne claire qui guide l’œil dans un flux impétueux, et relie en sinuant tous les personnages. Les fluctuations du souvenir suivent les involutions du pinceau, l’essor d’une posture abstraite que la multiplication des plans superposés vient renforcer. 

Opposition des impulsions, complémentarité des lignes de force, simultanéité du mouvement, la contorsion des corps évoque puissamment la virtuosité chorégraphique. Dans les postures de ses figures, Doze Green retrouve tout à la fois la grâce du théâtre kabuki et la maîtrise du buto, l’art du guerrier. Couchées sur la toile par la puissance de l’imaginaire, les silhouettes enchevêtrées dans les lettres se font lignes élémentaires typographiques, entrelacement fluide et légèreté des formes.








Dans la flamboyance des nuances, les variations chromatiques, Doze Green évoque la terre nourricière. Cette connexion avec les cycles de la nature, loin des paysages urbains, Doze Green l’a vécu notamment dans la ferme bio autosuffisante, cultivée en permaculture, de Gold Country en Californie qu’il a tenu pendant six ans avec son ex compagne. 

Alors que son évolution artistique actuelle le mène vers l’épure plastique des aplats de couleurs, la complexité du sous-texte prend un nouvel essor. La science-fiction de Lovecraft, son pessimisme, son désenchantement, croise le sentiment existentialiste d’un univers kafkaïen. 









Les toiles s’ouvrent aux introspections métaphysiques, questionnant le devenir de l’être. La fascination de Doze Green pour l’ésotérisme et les expériences irrationnelles trouve une forme de plénitude dans l’étude comparative des religions et des mythes de la création du monde. En quête de spiritualité, la narration fantasmagorique bouscule une cosmogonie tribale à travers une représentation chamanique de l’univers. L’art de Doze Green, miroir de la condition humaine et reflet de l’intériorité individuelle de l’artiste, permet d’expérimenter les émotions universelles d’une humanité en déshérence. Troublant, puissant.

Doze Green - Transmissions (Future, Recollections)
Jusqu’au 28 juillet 2018

Galerie Openspace
116 boulevard Richard Lenoir - Paris 11
Tél : 09 80 66 63 94
Horaires : Du mercredi au samedi 14h-19h et sur rdv en dehors de ces horaires
www.openspace-paris.fr
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.