Paris : La Grisette de 1830, incarnation du vieux Paris populaire, statue de Jean-Bernard Descomps - XIème



La Grisette de 1830, figure anonyme du vieux Paris populaire, sourit aux passants au croisement du boulevard Jules Ferry et de la rue du Faubourg du Temple, là où le canal Saint Martin, souterrain depuis 1906 entre la Bastille et cet embranchement, réapparaît à la surface. Au bout du square Jules Ferry qui ferme la promenade plantée le long du boulevard, cette statue est l’oeuvre de Jean-Bernard Descomps (1872-1948), élève d’Alexandre Falguière (1831-1900), qui s’est illustré dans les styles Art nouveau et Art déco. L’installation de la Grisette en son square n’a pas été sans souci. En 1910, le terre-plein est réaménagé à la suite des travaux de recouvrement. Dans le square Jules Ferry tout neuf, un kiosque à musique est ajouté. La statue de la grisette, dont le modèle a été présenté par Jean-Bernard Descomps en 1909 au Salon, est réalisée en 1911 afin d’en orner l’extrémité. Placée exactement sur le tracé du désormais souterrain canal Saint Martin, son poids est tel qu’il risque d’entamer la solidité de la voûte. Il est alors nécessaire de renforcer les assises de la construction récente. Depuis, la Grisette de 1830 veille sur une circulation des véhicules qui a terriblement évolué.




Square Jules Ferry vers 1911






Sourire modeste, coiffure soignée, deux macarons sur les oreilles et un chignon haut perché, bras nus dans une robe aux manches ballon, elle retient une brassée de fleurs dans une sorte de besace. Cette grisette personnifie la jeune fille du peuple honnête, industrieuse mais au destin souvent malheureux telle qu’elle était représentée dans la littérature romantique dont elle fut une importante figure.

Paul de Kock (1793-1871) auteur dramatique et chansonnier est sans doute le créateur du mythe de la grisette tandis que Paul Gavarni (1804-1866) dessinateur et observateur des mœurs parisiennes en fit le portrait. La Mimi Pinson de Musset, l’Ida Gruget de Balzac dans Ferragus sont autant de représentations que Dumas ou Marivaux reprirent à leur tour.











Héroïne de vaudevilles, de romans, la grisette doit son nom à son vêtement, casaque coupée dans une mince étoffe à la couleur indéfinie, grisâtre pour tout dire, mélange des chutes de fils de soie, de laine, de coton. Cet uniforme des jeunes femmes de la classe ouvrière marque la modestie de leur milieu.

Modistes, couturières, teinturières, blanchisseuses ou vendeuses des quatre-saisons, les grisettes vivent dans des mansardes, des chambres de bonnes, petit peuple industrieux et honnête à ne pas confondre avec less lorette aux mœurs dissolues, dont la plus célèbre devenue courtisane est sans doute la Nana de Zola. La grisette n’a, quant à elle, recours à la prostitution que contrainte par la misère devenant alors le symbole de l’innocence bafouée dans un exercice littéraire ambigu et savoureux.

La Grisette de 1830 - Jean-Bernard Descomps
Square Jules Ferry - Paris 11



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Grammaire des jardins parisiens - Dominique Jarassé - Parigramme
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel, Dominique Renou - Parigramme

Sites référents