Cinéma : How to talk to girls at parties, de John Cameron Mitchell - Avec Elle Fanning, Alex Sharp, Nicole Kidman



En 1977, dans la banlieue de Londres, trois adolescents fan de punk rock rêvent de fonder un groupe à l’instar de leurs idoles les Damned et les Sex Pistols. Le soir, ils hantent les pubs enfumés du quartier de Brixton où se produisent des musiciens énervés devant une jeunesse locale amatrice de pogos et de bière. Boadicea, grande prêtresse punk clone de Vivienne Westwood, règne sur ces nuits survoltées avec sa garde rapprochée. Les trois acolytes, tout à leur rébellion adolescente, ont bien du mal avec les filles. Lors d’une soirée particulière, ils échouent dans une grande maison isolée où est censée se dérouler une fête. Là, ils découvrent une étrange communauté new age aux principes rigoristes qui ressemble fortement à une secte. Enn l’un des trois garçons s’éprend de Zan une curieuse jeune fille appartenant à cette congrégation qui choisit de se rebeller contre sa famille et lui demande de lui faire découvrir l’esprit punk. Mais rapidement, Enn découvre que le comportement décalé de Zan est lié à un grand secret : elle vient d’une autre planète.






Comédie de science-fiction aussi déconcertante que jubilatoire, How to talk to girls at parties est inspiré d’une nouvelle de jeunesse de Neil Gaiman, futur auteur culte de American Gods, qui fait écho à son adolescente à Croydon. Dans cette fable initiatique déjantée portée par une sens de l’absurde réjouissant, le réalisateur John Cameron Mitchell, chantre du cinéma indépendant libre et subversif à qui l’on doit notamment Hedwig and the Angry Inch, Shortbus ou encore Rabbit hole, fait appel à ses propres souvenirs sensoriels pour donner à cet ovni vitaminé une belle couleur nostalgique. 

Excentricité et musiques alternatives, les années punks s’affirment en sujet riche aussi bien dans le domaine de la culture et particulièrement de la musique mais également sur le plan politique, les forts contrastes générés par le contexte de crise économique et la situation sociale difficile. Tandis que la mouvance rock anarchiste possède en elle une fibre contestataire propre à l’adolescence, la communauté extra-terrestre en visite sur Terre, colonie rigoriste aux mœurs étranges, apparaît comme une sorte de reflet distordu du conservatisme contre lesquels se révoltent les punks. 






Plus sage néanmoins dans son propos que dans ses opus précédents, John Cameron Mitchell compense par une flamboyance visuelle soutenue par une bande originale particulièrement réussie qui évite l’écueil de la compilation des plus grands hits pour dégoter des pépites méconnues ou révéler des compositions écrites pour le film. 

Animations numériques, visions de l’espace, pop culture, le cinéaste donne aux différentes communautés des esthétiques fortement divergentes imposant au film une dualité plastique radieuse qui doit beaucoup au travail de la costumière Sandy Powell. Les images punks des humains, patine rétro-brute un peu cradingue contrastent avec l’ambiance psychédélique très colorée, hypra-léchée, des extra-terrestres tout de latex vêtus. 

L’interprétation est au cordeau, les femmes volant la vedette avec Elle Fanning, dans le rôle d'une jeune alien éthérée, qui explore une palette loufoque épatante et Nicole Kidman à contre-emploi en diva punk survoltée.




How to talk to girls at parties, comment parler aux filles en soirée, est un teen-movie aussi énergique que foutraque dans lequel John Cameron Mitchell souligne avec malice que l’autre, l’objet du désir est toujours un alien pour soi. Le rock, l’amour, la sexualité, les premiers émois, cette rom-com intergalactique ponctuée de quiproquos burlesques, enchaîne les situations loufoques avec bonheur sur le thème des rencontres qui permettent de dépasser les frontières, le fossé entre filles et garçons comblé par l’amour de la musique.

Culture pop et folklore britannique, ce film barré et improbable est la pépite de la semaine. Imparfait mais tellement réjouissant !

How to talk to girls at parties, de John Cameron Mitchell
Avec Elle Fanning, Alex Sharp, Nicole Kidman
Sortie le 20 juin 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.