Cinéma : Champions, de Javier Fesser - Avec Javier Gutiérrez, Athenea Mata, Luisa Gavasa - Par Didier Flori



Il y a des soirées où rien ne va, comme celle qu’est en train de vivre Marco. Entraîneur adjoint d’une équipe de basket de haut niveau, il en vient aux mains avec son supérieur durant un match. Hué par le public, il va noyer sa frustration dans l’alcool, avant de prendre le volant. Une altercation avec des forces de l’ordre plus tard, il se retrouve en cellule. Le lendemain, son réveil est des plus rudes. Il est renvoyé de son poste et se voit ordonné comme travail d’intérêt public d’entraîner une équipe de basket composée de joueurs déficients mentaux.






Champions est le premier film de Javier Fesser qui nous arrive en France. Dans on pays, le réalisateur s’était fait remarqué il y a dix ans avec Camino, mélodrame inspiré d’une histoire vraie et récompensé de six Goyas dont ceux du meilleur film, meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleure actrice. Il semble avoir touché le cœur du public espagnol à nouveau avec son dernier film qui se classe dans les hauteurs du box-office avec déjà plus de 15 millions d’euros de recettes depuis sa sortie début avril. On comprend aisément cet engouement, tant le long métrage possède tous les éléments qui font le succès des feel good movies. Et ce même si Fesser applique la recette de façon un peu scolaire.

Malgré une introduction riche en événements, Champions met du temps à se lancer. Javier Gutiérrez, qu’on avait pu voir dans la peau d’un des deux policiers de La Isla Minima, nous vend pourtant très bien son personnage d’égoïste médiocre. La faute de cette première partie assez molle tient davantage à une réalisation sans relief et à une mise en place approximative. La relation entre Marco et sa femme est ainsi présentée assez curieusement, une scène décrochant des déboires du héros pour nous présenter sa compagne - ou du moins celle que l’on devine comme telle - au travail dans sa boutique. On se questionne sur l’intérêt de cet intermède, jusqu’à ce que la mise en scène nous révèle de façon appuyée, avec musique mélancolique de circonstance, le problème qui mine leur couple.





La conduite du récit laisse donc un peu à désirer, mais heureusement les choses s’arrangent avec l’arrivée de nos « champions ». On arrive alors à l’essence de ce qui a motivé Fesser à se lancer dans le projet, à la lecture du scénario de David Marqués. Les déficients intellectuels protagonistes du film sont ses vraies stars, présélectionnées avec le soutien d’associations pour des auditions puis choisies parmi 500 candidats. 

Le réalisateur a beaucoup discuté avec ces acteurs pour la plupart débutants, et leurs personnalités ont influencé des réécritures du scénario. Le charme authentique de ces interprètes opère, et leurs interactions avec Gutiérrez frappent juste. Champions nous permet de considérer le handicap sous un jour différent, en évoquant par exemple leur vie au sein de la société. Et la relation d’apprentissage mutuel entre l’entraîneur et les membres de son équipe, si elle est attendue, est assez convaincante.




La trame de cette comédie sportive contiendra peu de surprises pour les familiers du genre, et on pourra regretter que les scènes de basket souffrent d’une mise en scène encore une fois sommaire. L’absence de cynisme et les bons sentiments du film sont évidemment à la fois ses qualités et ses défauts. Au final, Champions ne révolutionne pas le genre du film antidépresseur, mais on y rit et on peut se surprendre à y écraser une larme, ce qui n’est déjà pas si mal.

Champions, de Javier Fesser
Avec Javier Gutiérrez, Athenea Mata, Luisa Gavasa
Sortie le 6 juin 2018




Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent avec énergie toute la passion pour le 7ème art qui l'anime.