Cinéma : Takara. La nuit où j'ai nagé, de Damien Manivel et Kohei Igarashi - Avec Takara Kogawa, Keiki Kogawa



En pleine nuit, un père de famille quitte son foyer pour aller travailler en ville, au marché où il est poissonnier. Réveillé par ce départ, Takara, son petit garçon de six ans, est seul dans la maison silencieuse, tandis que sa mère et sa grande sœur dorment encore. Il regarde tomber la neige, s'installe quelques instants devant la télévision, prend en photo ses figurines de dinosaures puis dessine sur une feuille de papier une flopée de poissons multicolores. Le lendemain, sur la route de l'école, Takara sème sa sœur qui l'accompagne et prend la clé des champs pour aller offrir le dessin à son père sur son lieu de travail. 







Ecole buissonnière d'un petit bonhomme émouvant, périple poétique à travers la ville, cette traversée contemplative entraîne le spectateur dans des aventures à hauteur d'enfant. Né de la collaboration entre Damien Manivel et Kohei Igarashi réalisateur japonais, qui se sont rencontrés au festival de Locarno, Takara. La nuit où j'ai nagé explore la poésie des situations du quotidien, révèle leur mystère. 

Captant le rapport au monde du petit fugueur, la caméra intime évoque avec tendresse la sensibilité de l'enfant, l'émerveillement de cette promenade. Regarder les oiseaux, jouer avec les chiens, s'endormir sur un banc en attendant le train, jeter des boules de neige, la fragile silhouette évolue dans des paysages de neige, menée par une détermination toute enfantine, ce désir de retrouver un père qui travaille trop tôt pour que ses enfants puissent le voir le matin. Le ressenti du gamin, la frontière ténue entre réalité et imaginaire du monde de l'enfance donne une dimension tout autre aux bifurcations et petits accidents qui ponctuent cette aventure.




Porté par la grâce, ce film quasiment muet, conte sans paroles, récit sans dialogues, revêt une forme de minimalisme dans lequel le temps semble se dilater. L'épure rend sensible l'évocation de la flânerie comme source de rêverie. Les sons, le silence mat des paysages d'hiver, le crissement de la neige, le chant d'une rivière, évoque la naissance des imaginaires dans cette innocence des jeunes années. Escapade méditative, Takara. La nuit où j'ai nagé est une ode à l'enfance, à ses audaces, ses craintes, ses résolutions hardies, à sa liberté. 

Takara. La nuit où j'ai nagé, de Damien Manivel et Kohei Igarashi
Avec Takara Kogawa, Keiki Kogawa, Takashi Kogawa
Sortie le 2 mai 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.