Théâtre : Adieu Monsieur Haffmann, de Jean-Philippe Daguerre - Petit Montparnasse



En 1942, l'occupant et le régime de Vichy renforcent les dispositions administratives contre les Juifs. Confiscation des commerces et premières rafles s'organisent. Le bijoutier Joseph Haffmann dont la famille a fui à l'abri en Suisse, est resté à Paris. Il propose à son jeune orfèvre Pierre Vigneau avec qui il entretient des liens d'estime et d'amitié de lui confier la boutique s'il accepte de le cacher dans la cave le temps de la guerre. Pierre est marié à Isabelle. Le couple désire profondément avoir un enfant mais il est stérile. Il demande alors à Joseph de l'aider en retour en ayant des rapports sexuels avec Isabelle afin qu'elle tombe enceinte. Malgré les réticences de cette dernière, un étrange ménage à trois se met en place. Pierre à la tête de la bijouterie, prend des initiatives, dessinent de nouveaux modèles. Sa notoriété grandit au point qu'officiers et diplomates allemands se pressent pour acheter ses créations au risque que soit révélée la cache de Joseph. Otto Abetz ambassadeur du Reich proche d'Hitler devient un client important.







Inspiré d'une histoire vraie, la pièce écrite par Jean-Philippe Daguerre qui signe également la mise en scène aborde une page d'histoire sous un angle très singulier. Il traite le sujet des années noires de l'Occupation avec une originalité que vient souligner l'intelligence d'un texte d'une redoutable efficacité. Inattendu, humain, jamais manichéen ni même dans le pathos, l'auteur trouve un équilibre entre humour satirique, éléments romanesques et rappels historiques glaçants. La noirceur de l'époque, le tragique des circonstances transparaissent toujours sous le burlesque des situations. 

Jean-Philippe Daguerre apporte une dimension universelle à ce huis clos de la clandestinité où l'émotion ne cède en rien à la tension. Le devoir de mémoire, la fine ligne entre résistance et collaboration, la pièce toujours très juste interroge l'engagement et le courage sur fond d'étrange marché qui renvoie à la condition humaine.




Dans une atmosphère de secret et de silence, visuellement matérialisé par des décors gris, Jean-Philippe Daguerre, dans son rôle de metteur en scène, déploie une construction cinématographique au cordeau. Le rythme particulier de la pièce oscille entre la lenteur du temps de la cache et la vivacité des séquences flash. Sens de la fluidité et densité marquent cette comédie dramatique auxquels les comédiens magnifiques transmettent une rare intensité.

Bouleversant en Joseph, Alexandre Bostein compose brillamment avec les émotions, les sentiments. Grégori Bacquet, impeccable, interprète un Pierre, entier, humain. Dans le rôle d'Isabelle, Julie Cavanna porte l'évolution de son personnage tout en sobriété, en subtilité vivace tandis que Franck Desmedt qui joue Otto, Charlotte Matzneff sa femme forment un couple effarant, glaçant, captivant.

Comédie dramatique brillante, Adieu Monsieur Haffmann est un grand moment de théâtre. A voir absolument !

Adieu Monsieur Haffmann, de Jean-Philippe Daguerre. 
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre. 
Avec : Grégori Baquet ou Charles Lelaure, Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Franck Desmedt ou Jean-Philippe Daguerre, Charlotte Matzneff ou Salomé Villiers. 

Du 13 janvier au 18 mars 2018
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h

Petit Montparnasse
31 Rue de la Gaîté - Paris 14 
Tél : 01 43 22 77 74 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.