Nos Adresses : UMA, la cuisine Nikkei du chef Lucas Felzine, le restaurant parisien entre Japon et Pérou - Paris 1



A un saut de puce de la boutique Colette, UMA nous entraîne dans un voyage des papilles, du Pérou au Japon. Entre deux rives du Pacifique, le chef Lucas Felzine réinvente la cuisine Nikkei. Compositions affûtées, parfums originaux, produits méconnus, il décline une tradition culinaire sud-américaine mâtinée de notes françaises. Dans sa quête de l'umami japonais, la cinquième saveur, et du sazòn péruvien, l'équilibre parfait des arômes, le jeune chef donne naissance à des harmonies raffinées, des assiettes surprenantes d'une belle sincérité dans lesquelles se révèlent toute la maîtrise technique d'une fusion inspirée. UMA, le coup de cœur gourmet !









Deux étages, deux atmosphères, l'élégant restaurant aux accents zen sait également se faire bar à cocktails chicissime. La maison est discrète, le lieu feutré, l'éclairage tamisé. Béton, bois blond, papier japonais tissé, touches de folklore péruvien, la décoration signée Randa Kamel de l'agence Peinture Fraîche mise sur une sobriété joliment ponctuée de notes colorées.

Au rez-de-chaussée, les créations de Théo, mixologiste de talent, se dégustent autour d'un grand bar en U, tandis qu'à l'étage, les convives s'attablent au comptoir ouvert sur les cuisines. Prendre place devant le chef et voir les plats virevolter jusqu'aux tables est un spectacle qui comblera les curiosités. A moins de ne préférer plus de quiétude en salle. Ajoutez à cela un service accueillant, jeune et dynamique, nous sommes déjà comblées !









Le chef Lucas Felzine, qui a fait ses classes chez Alain Ducasse à l'Arpège et chez William Ledeuil à Ze Kitchen Galerie, propose une vision très personnelle, véritable expérience culinaire au confluent de trois cultures gastronomiques. A l'origine de son inspiration, la cuisine Nikkei, celle des migrants japonais arrivés au Pérou au début du XIXème siècle, croise de Tokyo à Lima, l'héritage de la tradition française. 

De ce métissage sous influences heureuses, naissent des audaces dépaysantes, des saveurs inédites, des équilibres aux qualités oniriques. Une cuisine des sens, pétrie de bienveillance où jeu des textures, couleurs au diapason, explosion de saveurs et techniques tendues illustrent une sincérité enthousiasmante. Comme une invitation au voyage, les assiettes composent un tableau qui nous transporte ailleurs. Herbes aromatiques, piments, épices, chaque élément fait sens, chaque note sonne juste dans la révélation des intentions ciselées. Le beau, le bon et l'originalité se réconcilient dans un pécher de gourmandise assumé avec sentiment.










Pour débuter en beauté, Théo, l'expert en mixologie maison nous concocte des cocktails épatants. Ce sera Bahianese caïpi - liqueur de framboise homemade, fleur de sureau, citron, cachaça, surop de sucre - 13 euros - tout de tendresse ensoleillée pour moi et Imperiale vodka - liqueur mandarine Napoléon, liqueur de jasmin, vodka Golovkine, champagne - 18 euros - pour la bonapartiste et très corse Isabelle qui m'accompagne. Un joli bol d'houmous, huile d'épazote, tuiles de blé escorte, sémillant, ces divins breuvages. 

Un vin rouge sud-africain, Bosstok Pinotage Coastal Region, domaine MAN Family Wines, s'invite à notre table tout au long du dîner. Robe rubis, accents colorés, ce vin charnu, fruité, très aromatique, développe des notes de baies rouges et une touche de cannelle ultra-gourmande.









Malgré un lexique fort utile, un peu perdues dans un menu plein de promesses, nous laissons le chef choisir pour nous. Les entrées à partager se déploient dans un ballet d'assiettes troussées avec esprit. Les Tacos de veau confit à la chirimoya (fruit d'Amérique du Sud au goût prononcé de pomme-cannelle), guacamole nikkei et laquage terriyaki, emballent dans l'irruption de saveurs insoupçonnées. Le Tiradito (sorte de ceviche mais sans oignon ni citron plutôt pesto parmesan) de saumon avec crème de tarama et vierge japonaise (aromates cuites dans le sésame) est désarmant d'intention, provocant et joueur dans ses embardées habiles, le luisant d'un légume, la douceur de la crème. 

Le Ceviche de thon rouge mariné au cabossu, leche de tigre à l'aji amarillo (un piment jaune doux) huacatay (une menthe noire typiquement péruvienne) choclo (maïs péruvien, également) avocat et patate douce, ronronne de félicité dans l'allégresse de ses juxtapositions insolentes. Les Gyoza (petits raviolis pékinois) de bœuf confit avec umeboshi (prune japonaise marinée) et bouillon de bœuf maturi agitent vélocement leurs sortilèges de fraternité gourmande. Révélation subsidiaire, parce que je les ai guettés avec de grands yeux écarquillés, les bolas de pomme de terre et boutargue, tobiko wasabi (œufs de poisson volant au wasabi) caracolent croustillantes.










Nacre du poisson, cuisson limpide, notes fumées, le Skrei (cabillaud norvégien, la pêche du jour) cuit en feuille de bananier, crème de patate douce au café et bisque péruvienne (citronnelle galanga, feuille de lan, safran, condiment) et son Risotto de quinoa avec émulsion de parmesan au raifort et artichaut, exprime l'apaisement du tourbillon des produits touchés avec sentiment, caressés avec allégresse.

L'Agneau de lait confit et grillé au koji et à l'aji panca (pâte de piment rouge doux), laquage à l'ananas, crème d'avocat et haricot coco accompagné de sa Polenta de maïs avec émulsion aux herbes, condiment miso et olive, joueur de haute volée, fait dans la mutation des genres. Bien envoyé, il tourneboule les papilles dans ses références mutines entre trois cultures, l'exquise vivacité de parfums persistants. 







Les desserts mirifiques prolongent l'enchantement sensuel alors qu'Isabelle vient de demander le chef en mariage. Véridique. La Sphère à la pomme, miel et saké est une promesse exquise. En forme de pomme d'amour, une sphère de chocolat blanc, mousse de pomme et saké, cœur saké et miel, bulle benoîtement dans un espuma au saké saupoudré de pollen de saule frais, récolte 2017. Le Millefeuille au chocolat et yuzu, crème de betterave confite s'étonne dans les jeux de textures, délicieuse gourmandise où la caresse du chocolat rencontre le parfum acidulé du yuzu tandis que la betterave piaffe sous le capot.

La cuisine Nikkei par Lucas Felzine, c'est un petit peu comme disait Sacha Guitry au sujet de la musique, "Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui." On sort de chez UMA la bouche encore toute parfumée, les papilles déboussolées mais comblées par tant de générosité et d'inventivité. Bonheur évident. Drôle, vif, osé, en un mot épatant !

7 rue du 29 juillet - Paris 1
Tél :  01 40 15 08 15
Horaires 
- Restaurant : du lundi au samedi de 12h30 à 14h30 et de 19h30 à 22h30
- Bar à Cocktails : du lundi au samedi de 19h00 à 1h30

Les menus déjeuner, du lundi au vendredi
- Menu 2 entrées, 1 plat, 1 dessert : 29 euros
- Menu 2 entrées et 1 plat ou 1 plat et 1 dessert : 25 euros
- Plat du jour : 19 euros

Les menus du soir
- Menu découverte pour 2 personnes : 55 euros par personne
3 entrées à partager, poisson, viande, dessert
- Menu dégustation pour 2 personnes : 72 euros par personne
5 entrées à partager, poisson, viande, deux desserts
- Accords mets vin cocktails en supplément 40 euros par personne



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.