Théâtre : Scènes de la vie conjugale d'après Ingmar Bergman - Avec Laetitia Casta et Raphaël Personnaz - Théâtre de l'Oeuvre



Johan, enseignant-chercheur, et Marianne, avocate spécialisée en droit de la famille, sont mariés depuis dix ans. Il est macho, emporté, égoïste, volage, immature aussi. Elle est douce, faussement docile, elle vit dans le regard de son mari mais se révèle incapable de comprendre ses désirs. Ensemble, ils ont deux petites filles. Des amis, une résidence secondaire, des projets, leur réussite sociale et professionnelle se pose comme une évidence. Mais sous le vernis de ce mariage apparemment parfait, sorte d'idéal ennuyeux à force d'être lisse, couve l'insatisfaction et le malaise. L'érosion de la routine et les faux semblants comme autant de trahison sont à l'oeuvre. Johan annonce un soir qu'il quitte Marianne. Il s'est épris de Paula une très jeune femme et a décidé de partir vivre à Paris avec elle. Marianne détruite essaie de comprendre comment ils en sont arrivés là. Sur les ruines de leur bonheur, entre renoncement et prise de conscience, elle va se redécouvrir elle-même. Ils se recroisent, se déchirent à nouveau, s'aiment encore, refont leur vie et se retrouvent.






Adapté de la mini-série et du film éponymes réalisés par le cinéaste suédois Ingmar Bergman, ce huis clos glacé trace la chronique de vingt ans d'amour et de désamour. A travers ce thème à la fois intime, singulier et universel, Scènes de la vie conjugale explore les tourments d'un couple qui n'arrive pas à s'aimer sans pour autant parvenir à se quitter tout à fait. Evitant l'écueil du naturalisme et du pathos, Jacques Fieschi et Safy Nebbou ont adapté le propos dans une version volontairement épurée. Découpée en six scènes, cercle vicieux des disputes, ruptures, retrouvailles, la pièce préserve les distances sans pour autant affaiblir le souffle amer de l'originale.






La mise en scène minimaliste, volontiers austère, imaginée par Safy Nebbou se concentre sur le jeu des comédiens, la confrontation dans une sorte de corps à corps entre haine et passion. Raphaël Personnaz qui incarne Johan est très juste dans sa composition d'homme tenté par l'aventure, les envies de liberté et de vie loin de sa famille, nuancé lorsque le personnage se met à regretter. Dans son rôle de la sage Marianne qui se révèle à elle-même et laisse enfin exploser sa sensualité, Laetitia Casta est lumineuse, habitée, femme conquérante et révoltée.




Emotions sur le fil du rasoir chaos et paradoxes de l'intimité, la modernité cinglante du propos est frappante. La vie conjugale disséquée au scalpel, les relations observées au plus près révèlent malgré l'évidente complicité, la solitude ultime des personnages, les ravages de l'incompréhension entre vérités qui font mal et mensonges qui blessent. Sous la lassitude et la haine, il existe toujours une véritable tendresse. Les désaccords sont tout en dissonances, en malentendus, en rendez-vous manqués. Alors que la sexualité semble être au cœur des conflits, les rapports de Johan et Marianne sont violents, sincères, théâtraux mais ils ne parviennent à se retrouver qu'une fois délivrés du carcan des rôles imposés par le lien conjugal. 

Scènes de la vie conjugale d’après Ingmar Bergman - Prolongé jusqu'au 28 mai 2017
Adaptation de Jacques Fieschi et Safy Nebbou 
Mise en scène Safy Nebbou
Avec Laetitia Casta et Raphaël Personnaz 

Théâtre de l'Oeuvre
55 rue de Clichy - Paris 9
Tél : 01 44 53 88 88



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.