Lundi Librairie : La vie automatique - Christian Oster



La vie automatique - Christian Oster : Un jour, alors que sa compagne vient de le quitter, Jean Enguerrand oublie des courgettes sur le feu et sur la casserole, un torchon qui s'enflamme. La maison s'embrase. C'est la sidération. Au lieu d'appeler les pompiers, il fait rapidement une valise et part en train pour Paris où il prend une chambre d'hôtel pour trois jours. Jean-Enguerrand, la cinquantaine bien tassée, acteur de séries B spécialiste des seconds rôles, choisit de fuir sa propre vie. Il change de numéro de téléphone mais demeure préoccupé par le règlement de ses impôts et se rend malgré tout sur le tournage où il est attendu. Résigné, il croise par hasard la route de France Rivière, ancienne gloire du cinéma. Elle l'invite à venir vivre chez elle. Il fait la connaissance de son fils, Charles, un artiste-peintre qui sort de l'hôpital psychiatrique. Se laissant porter par le mouvement, il suit celui-ci jusqu'au Japon pour aller voir des bambous.

Objet littéraire d'une imperturbable loufoquerie, La vie automatique règle son pas sur la mesure d'un burlesque qui s'annonce avec le plus grand sérieux. Christian Oster nous donne à voir l'existence à travers un filtre qui dépassionne tout, met à distance les sentiments et flirte avec l'absurde. L'auteur construit une mécanique virtuose et follingue de l'indétermination, du détachement. Films, pièces, auteurs, comédiens qui n'existent pas, fiction dans la fiction et personnages décalés instillent une sensation de flottement entre réalité et imaginaire.

Etranger au monde, le héros lunaire de cette fable moderne, par son dépouillement volontaire devient un personnage errant dont les contours se font de plus en plus flous. Ses choix de route vont systématiquement à l'encontre des comportements attendus. Observateur passif d'un quotidien qui se poursuit sans lui, il se trouve malgré tout entraîner dans le flux. Pourtant, son désir de disparaître n'est pas non plus un désir de mort. S'il se volatilise, c'est pour mieux se réinventer, avide qu'il est de fiction. Libre de toute attache, la vie redevient cette page blanche à écrire. En se délestant de lui-même, Jean ouvre la voie des possibles, des rencontres, des coups de tête. Sa fugue extravagante est une grande embardée qui fait dévier la trajectoire d'un destin tout tracé.

Porté par une douce ironie et la fluidité d'un style élégant, ce roman possède le charme mélancolique d'une fantaisie fataliste. A contrepied, l'extravagance du désenchantement fonctionne à merveille. Situations invraisemblables et incongruités trouvent leur contrepoint dans une solennité du lâcher-prise réjouissante. Laisser faire le hasard, s'absenter à soi-même, déserter sa propre existence, Christian Oster interroge avec malice le renoncement, l'impassibilité face aux propositions que nous fait la vie. Un très beau livre, d'une grande finesse.

La vie automatique - Christian Oster - Editions de l'Olivier



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.