Cinéma : Les derniers Parisiens, de Hamé Bourokba et Ekoué Labitey - Avec Reda Kateb, Slimane Dazi, Mélanie Laurent - Par Prune



Nas, incarné par Reda Kateb, tout juste sorti de prison, espère se faire un nom dans le monde de la nuit. Il souhaiterait que Le Prestige, un bar en plein Pigalle que tient son frère, Arezki (Slimane Dazi), lui serve de tremplin. C’est sans compter avec la force d’inertie de Arezki, qui aime sa vie de simple cafetier telle qu’elle est, et qui entretient une histoire d’amour avec l’agent de probation de Nas (Mélanie Laurent). Malgré les réticences d'Arezki, le danger que cette entreprise peut représenter au vu des fréquentations de Nas, ce dernier veut à tout prix organiser une fête mémorable dans le bar de son frère.







Hamé Bourokba et Ekoué Labitey, colonne vertébrale du groupe de hip-hop La Rumeur, nous livrent leur première œuvre, un film au sujet d'un Pigalle qui tend à disparaître, un long-métrage sur la relation entre deux frères que tout oppose ou presque. Traversée naturaliste dans l'atmosphère urbaine de ce quartier, "Les derniers Parisiens" nous plonge dans un Paris populaire et cosmopolite repoussé vers les extérieurs par la gentrification. Commerces historiques, bars, coiffeurs africains, épiceries de proximité laissent peu à peu la place aux grandes enseignes internationales. Toutes les grandes capitales de l’Europe en viennent à se ressembler, grands malls à ciel ouvert pour touristes en mal de repères. 

Le face-à-face entre les deux frères forme le noyau dur d'une intrigue minimaliste. Nas, jeune chien fou avec des rêves plein la tête, refuse de voir qu’il n’est plus en accord avec ce que la ville est devenue. Son frère plus réaliste et plus intégré, qui aime le bien vivre, le terroir et le bon vin, ne rêve que de stabilité et du sud de la France pour y fonder une famille. Les deux visions contradictoires s'incarnent avec force à travers les personnages et leur affrontement fratricide.




"Les derniers Parisiens" est un film qui se mérite. Hamé Bourokba et Ekoué Labitey ne nous livrent rien. La première scène est d’ailleurs emblématique de ce parti pris. En effet, nous sommes de facto plongés immédiatement dans le bar, avec des inconnus qui parlent un argot âpre, qui s’invectivent, bouteille de whisky à portée de main, tout en regardant un match de foot. La scène qui peut être répulsive (après tout, nous sommes spectateurs d’un monde qui nous laisse à la marge) est réalisée à dessein. Portraiturés sans complaisance, les protagonistes ne sont de prime abord ni aimables ni attachants. Nous sommes obligés d’aller les chercher, de nous intéresser à leur parcours de vie pour les aimer dans toute leur singularité. Nous ne sommes plus seulement spectateurs de leurs histoires mais acteurs nous-mêmes.

Tourné à hauteur d'homme, sans artifice, ce film réaliste sur la complexité d'un quotidien agit comme une prise de conscience. Une façon de nous interroger sur la pesanteur des déterminismes, des idéologies, de nous engager aussi.

Les derniers Parisiens de Hamé Bourokba et Ekoué Labitey
Avec Reda Kateb, Slimane Dazi, Mélanie Laurent
Sortie le 22 février 2017


Prune a deux passions : le monde de la beauté et le cinéma. Bon, les livres aussi. Ce qui fait donc trois. De salles obscures à Netflix, sa dose quotidienne de Septième art doit avoisiner celle d'un critique de Télérama. Cinéphile dans l'âme, elle est trop modeste pour accepter le titre d'experte que nous lui accordons tous. Belle plume énergique et gouailleuse, je rêve qu'elle reprenne le chemin de son blog La Femme Idéale n'Existe Pas parce qu'elle arrivait à me faire rire au sujet des cosmétiques. Vous pouvez la retrouver sur son fil Twitter