Expo Ailleurs : Philippe Cognée. L'oeuvre du temps - Musée Paul Valéry de Sète - Jusqu'au 2 novembre 2025


L'exposition "Philippe Cognée. L'œuvre du temps" au Musée Paul Valéry de Sète, panorama non-exhaustif en une centaine de pièces, revient sur plus de quarante années de création marquées par un fil rouge : la réflexion sur le temps. Sa technique singulière pose un voile fantomatique sur les motifs, les silhouettes familières. Philippe Cognée peint avec de l'encaustique, cire sur laquelle il place un film rhodoïd pour passer ensuite dessus un fer chaud qui délite les lignes, plonge les formes dans des brumes par phénomène de distorsion. Peintures, dessins, gravures, livres d'artistes, la rétrospective rend compte de la diversité des séries et des médiums. Ses explorations plastiques invoquent des apparitions familières mélancoliques, puissantes présences fantomatiques. Philippe Cognée s'attache à saisir dans la matière même le temps qui passe. Démarche introspective, il fixe le souvenir du quotidien, souvent banal. Les détails minuscules de la réalité la plus prosaïque se délitent, se dissolvent sous nos yeux, acquièrent une qualité onirique de spectre.

Les commissaires d'exposition, Stéphane Tarroux, ancien directeur du musée Paul Valéry, Olivier Weil, commissaire scientifique associé ont développé l'exposition en quatre segments, scénographie fluide, traduction de la perception du temps. Philippe Cognée explore la mémoire entre réminiscences et oubli. Le processus artistique s'oppose à la disparition des souvenirs. Par ses dénonciations des dérives de la société capitaliste, l'artiste s'engage, charge ses oeuvres d'une dimension critique et sociétale à l'épreuve du temps. Il fait matière de la mémoire collective, questionne les responsabilités de tous. 


Vésuve (1992) - Minotaure (1982) - Labyrinthe 1 (1982)

Alice (1991)

Sandrine allongée sur la plage (1996) - Guillaume et Thomas (1996)

Sans titre (1997)

Table fin de repas (2012) - Chambre d'hôtel à Atlantic City (2003)

L'exposition "Philippe Cognée. L'oeuvre du temps" se tient au Musée Paul Valéry jusqu'au 2 novembre 2025. En archéologue de l'intime, le peintre se penche sur le défilée des années, le quotidien, les paysages, les objets, les images de son enfance africaine. La course du temps s'inscrit dans un cycle naissance, érosion, destruction, renaissance. Les oeuvres endossent le rôle d'empreintes paradoxales, témoins de l'effacement des êtres et des choses. Elles arrachent les images aux limbes de l'oubli. Une sensation de sinistre imminent se mêle au sentiment de déjà-vu, de familiarité. Goût de l'étrange, du malaisant, Philippe Cognée nous confronte à l'expression d'une inquiétude troublante parfois jusqu'au glaçant, parfois jusqu'à l'apaisement. Vertige existentiel. Face au destin inéluctable, aux promesses de ruines, il place la beauté comme une évidence, une fulgurance déchirante, le monde éclairé sous un jour singulier. 

Né en 1957 à Sautron, dans l'agglomération nantaise, Philippe Cognée passe une grande partie de son enfance en Afrique. Son père instituteur emmène sa famille au Bénin, où ils vivent de 1962 à 1974. De retour en France à dix-sept ans, après une année de terminale, Philippe Cognée intègre les Beaux-Arts de Nantes où il étudie durant sept ans. Diplômé en 1982, il participe dans la foulée à une exposition collective "Figure du temps" aux côtés notamment de Gerhard Richter et Georg Baselitz. Peinture acrylique et gouache, il se penche sur la mythologie grecque, le labyrinthe et le minotaure. Au début des années 1990, ses "Chevaux dans un pré" (1991) évoquent l'art pariétal. 

Au milieu des années 1990, rupture de style et de sujet, Philippe Cognée met au point la technique de la peinture à la cire sur toile, marouflée sur bois et passée au fer chaud. Ce processus signature, susceptible de rendre compte du passage du temps, de la course vers l'oubli, incarne dans la matière l'effacement des lignes et de la mémoire. Entre 1991 et 1997, Philippe Cognée capture avec son appareil photo le quotidien, étape préliminaire de ses compositions peintes, prolifération de petits formats. Les images banales de l'intimité se dissolvent sous la peinture appliquée par-dessus les tirages. Les formes se délitent, les objets perdent leur consistance familière pour devenir des ombres à peine reconnaissables. Il travaille la matière, matière du quotidien, matière plastique, malmène la texture, la ravine, la pétrit. Les vacances en famille deviennent "Sandrine et Philippe sur la plage à Albuféra" (1996), ses enfants jouant "Guillaume et Thomas" (1996).


TAJ Tour dans la nuit (2012) - Nuit magnétique à Miami (2015) - Beaubourg (2014)

Sans titre (1997-2024)

Châteaux de sable 3 (2012) - Amaryllis 1, 2, 3 (2022)

Cervelle (1996) - Tête de mouton écorchée (1995)
Cervelle (1195) - Cervelle (1998) - Coeur (1995)

Crânes (2013) - Crâne (2013) - Deux crânes volants (2012) - Personnages avec crâne (2007)
Deux crânes (2013) - Crâne (2013)
Vanité 5 (2006)

Peinture à l'huile et au fusain dont la matière est explorée au tournevis, avec des bâtons, Philippe Cognée capture le défilé des zones péri-urbaines, photographiées depuis un train en marche "Traverser la ville" (2024). Dans son pan sériel, il s'approprie les motifs classiques de l'histoire de l'art, les natures mortes, "Table de fin de repas" (2012), les fleurs "Amaryllis 1,2,3" (2022) et les vanités, "Deux crânes" (2012), allégories de la finitude de toute chose, fragilité de l'existence. La mort est la destinée commune, le temps passe, la vacuité des passions humaines se manifeste. 

Philippe Cognée peint des organes comme des pièces de boucher, cœur, cervelle, d'étranges têtes écorchées d'animaux bœufs, moutons, poulets. La série "Carcasses" (2003), installation de trente-six tableaux, interpellent Rembrandt, Soutine, tout en questionnant les pratiques de l'industrie agro-alimentaire. 

Les paysages de Philippe Cognée détournent les outils technologiques. L'artiste s'empare des images de Google earth "Vue du ciel. New York" (2011), "Vue du ciel. Tokyo" (2011). 


Carcasses (2023)

Google (2007) - Grand Théâtre (2005)

Savane en Naùibie, 1, 2, 3 (2021) - Portrait d'Andy (2001) - Portrait de Martin (2001)

La lumière vient des fleurs (2023) - Forêt enneigée 1 (2020)

La lune se lève sur la mer calme (2025)

La dimension critique des oeuvres éclaire la société, le capitalisme prédateur, la surexploitation des environnements et des ressources naturelles, la surconsommation et les dérives de la mondialisation, décharges à ciel ouvert amoncellement de déchets de "Grand théâtre" (2005). 

L'apaisement de la dernière section de l'exposition, "Temps suspendus", déploie les beautés des paysages de campagne "Champ de coquelicot" (2022), des paysages d'Afrique série "Savane en Namibie" (2021). "La lune se lève sur la mer" (2025), dernière toile réalisée par l'artiste, final expressif de l'évènement sétois, se nourrit d'un sentiment d'inachevé, une promesse suspendue. Dans de vastes vitrines, livres d'artistes, livres objets, oeuvres graphiques, dessins, estampes complètent le propos.

Philippe Cognée. L'œuvre du temps
Jusqu'au 2 novembre 2025

148 rue François Desnoyer - 34200 Sète
Tél : 04 99 04 70 00
Horaires : Du 1er avril au 31 octobre, ouvert tous les jours de 9h30 à 19h - Du 4 novembre au 31 mars, ouvert tous les jours, sauf le lundi de 10h à 18h
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.