Ailleurs : Hôtel d'Ebersmunster, emblématique patrimoine Renaissance de Sélestat

 

L'Hôtel d'Ebersmunster, dit Cour des Prélats, bâtiment emblématique du centre-ville historique de Sélestat, témoigne de la Renaissance architecturale alsacienne. La bâtisse, à la fois logis des abbés d'Ebersmunster et espace de stockage des produits en nature de la dîme, comporte deux étages d’habitation, trois niveaux de grenier ainsi que des caves. Une tourelle dans laquelle court un escalier à limon hélicoïdal, caractéristique de la période, anime la façade Sud. Façade Nord, se trouve l'entrée principale originelle, au numéro 8 de l'actuelle rue de l'Église. Elle se distingue par un portail monumental, dont l'esthétique traduit l'influence du Quattrocento et Renaissance italienne. Les médaillons à l'antique, pour la plupart buchés à la Révolution, représentaient les fondateurs de l’abbaye, Adalric et son épouse Bereswinde, des consuls romains, des empereurs germaniques parmi lesquels Othon et Charles Quint. L'entablement porte la mention 1541 et les noms des abbés commanditaires, Georges de Richenbach et Jean Sengelbach. Le décor sculpté - coquilles, médaillons, chapiteaux - s'inscrit dans un lexique esthétique Renaissance. Propriété de la commune depuis 1963, l'Hôtel d'Ebersmunster abrite aujourd'hui la Direction de la Promotion Culturelle et Touristique et ses services. 







L’abbaye d'Ebersmunster, communauté religieuse régit par la règle bénédictine, est fondée au milieu du VIIème sur les vestiges d'un camp fortifiée romain, alors propriété d'Etichon-Adalric (vers 635-690), duc d’Alsace et père de sainte Odile, sainte patronne de l'Alsace. Financée par ce riche protecteur et la noblesse locale, elle se développe grâce aux dons de nombreuses terres sur près de quatre-vingts villages, dont l'aire s'étend au Sud, jusqu’à Mulhouse, au Nord, jusqu’à Strasbourg. Dès les origines, l'abbaye dispose d'une grange à Sélestat, protégée par les fortifications.

En 1525, la guerre des paysans - conflit politique, social et religieux à travers le Saint-Empire romain germanique de 1524 à 1526 - menace les biens de la communauté religieuse. À Ebersmunster, l'abbaye et l'église sont pillées et saccagées. Afin de créer une solution de repli sous la protection d'une enceinte défensive, l'abbé envisage la construction d'un hôtel en lieu et place de la grange sélestadienne. L’abbé Georges de Richenbach supervise le début des travaux à partir de 1538. L'abbé Jean Sengelbach prend le relais en 1541. Le chantier se poursuit jusqu'en 1560.

Dans son ouvrage "Histoire architecturale et anecdotique de Sélestat (Schlestadt) - les transformations d'une place forte alsacienne des origines à nos jours", Alexandre Dorlan cite pour architectes Werner Brunner de Sélestat, Jost de Saint-Maurice et Jean Sschindolffe de Bischoffzell. Le nouveau bâtiment se compose d'un logis prestigieux doublé de greniers et de caves afin d'y conserver en sécurité les produits de la dîme, impôt sur les revenus agricoles collectés en faveur du Clergé, principalement vins et céréales. 






En 1632, au cours de la guerre de Trente ans (1618-1648), les troupes suédoises du maréchal Gustav Horn incendient l’abbaye d'Ebersmunster et son église romane du XIIe siècle. La communauté religieuse s'installe à Sélestat jusqu'à la signature des Traités de Westphalie en 1648, date à laquelle elle réintègre l'abbaye.

À la Révolution, les biens du Clergé sont nationalisés. L'hôtel d'Ebersmunster, désormais propriété de l'État, est vendu aux enchères à des particuliers. Maître André Kubler, notaire, s'en porte acquéreur et procède à des transformations. Sur la façade Nord, il fait notamment percer des fenêtres en arc segmentaire. 

En 1825, Joseph Benoît Hurstel, marchand de vin, rachète le bâtiment aux héritiers. Mademoiselle Émilie Fackler loue deux étages supérieurs où elle tient un pensionnat de jeunes filles, jusqu’en 1883. Au début du XXème siècle, le nouveau maître de maison, Monsieur Biehlmann, tanneur, entreprend des aménagements. Par la démolition des anciens communs et d'une maison rue du Sel, il dégage la cour Sud. Une grille est posée devant l’escalier de la cave et des vitraux à la porte du mur Sud. 







La Ville de Sélestat achète l'Hôtel d'Ebersmunster en 1963 afin d'y établir des services administratifs. L'édifice fait l'objet d'une inscription partielle aux Monuments historiques par arrêté du 9 septembre 1965. La protection patrimoniale concerne tourelle d'escalier, façades, toitures, vestibule d'entrée. 

La municipalité mène des campagnes de restauration successives à partir des années 1990. 

Hôtel d'Ebersmunster, dit Cour des Prélats
Place du Docteur Maurice Kubler - 67600 Sélestat




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.