Paris : Bouquet of Tulips de Jeff Koons, controverse artistique sur les Champs Elysées, entre le Petit Palais et la Concorde - VIIIème



"Bouquet of tulips" de Jeff Koons, oeuvre monumentale commémorative, réaffirme l’amitié franco-américaine en rendant hommage aux victimes des attentats de 2015. Inaugurée officiellement le 4 octobre 2019 en préambule à la Nuit Blanche, elle a été installée de façon pérenne dans les jardins des Champs-Elysées, derrière le Petit Palais, après de nombreuses polémiques au sujet notamment de son emplacement. A deux pas du Pavillon Ledoyen, cette étrange attraction n’incite pas exactement au recueillement tant la controverse a été vive. A la suite des attaques terroristes, Jane Hartley, alors ambassadrice des Etats-Unis en France, sollicite le plasticien américain le plus coté au monde, Jeff Koons, afin qu’il se penche sur un projet dédié aux victimes. Symbole d’amitié entre les deux peuples, la réalisation se veut emblématique. Mais si l’artiste fait don des plans à la Ville de Paris, les frais de réalisation et d’installation sont alors estimés à 3,5 millions d’euros qu’il reste à financer.  Ce sera donc le mécénat privé. Cadeau empoisonné, les tulipes dédiées à Paris sont qualifiées de fleurs de la discorde. La taille gigantesque de l’oeuvre ainsi que son poids, son esthétique trop pop, les coûts de production, le choix de l’emplacement, les soupçons de coup médiatique vis à vis de l’artiste star, trois ans de polémiques s’ensuivent. Mais l’espace public parisien est coutumier du fait. Il suffirait de se rappeler de la grogne générée par la création de la Tour Eiffel, des colonnes de Buren jusqu’à la pyramide du Louvre











Jeff Koons, qui détient le record pour une oeuvre en vente publique - en mai 2019 l’une de ses lapins ballon à atteint aux enchères la somme de 91 millions de dollars - est souvent pointé du doigt comme l’un des symboles de la financiarisation de l’art. Plasticien qualifié de kitsch et mercantiliste, il a connu des attaques pour plagiat qu’il qualifie pour sa part d’art de l’appropriation. Le mode de conception des œuvres est également l’objet de critiques tant son processus créatif tend vers une forme industrialisation de la production. Koons n’intervient jamais directement dans la réalisation. Les centaines de petites mains transforment les ateliers en véritables usines à produire des œuvres. C’est dire s’il n’est pas en odeur de sainteté, sulfureux même.

Pour "Bouquet of Tulips", le plasticien reprend le motif universel de la main tenant une fleur, tendant un bouquet. Pour la première fois dans une oeuvre, Jeff Koons introduit un élément hyper-réaliste, la main qui évoque par texture de la peau et les grains de beauté, la main d’une jeune assistante travaillant dans l’un de ses ateliers américains. Le format et la position s’inspirent de la main tenant le flambeau de la Statue de la Liberté, symbole de l’amitié entre la France et les Etats-Unis. Personnellement, cette main coupée surgissant du sol me paraît un chouïa morbide. 










Les onze tulipes façon baudruche à la Jeff Koons forment un bouquet acidulé dans lequel la douzième manquante évoquant le souvenir des victimes, les pertes irréparables engendrées par les attaques terroristes. Les tulipes, fleurs de printemps convoquent les notions de renouveau, d’espoir, de vitalité de la nature, le cycle de la vie. Certains passant leur reprochent de ressembler plutôt à des pénis flaccides ou à des anus… Faut voir…. L’oeuvre a été réalisée en bronze, acier et aluminium dans les ateliers Arnold près de Francfort-sur-le-Main puis transportée par morceaux en convois exceptionnels jusqu’à Paris. Avec le socle en calcaire d’Ile de France, elle mesure 12,62 mètres de haut. Seule elle pèse près de 34 tonnes et avec le socle lorgne vers les 61 tonnes. 

Alors qu’il été initialement prévu d’implanter cette sculpture monumentale entre le Palais de Tokyo et le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, son esthétique pop a été vivement questionnée au sein d’une esplanade aussi classique. Le poids de l’oeuvre aura définitivement repoussé le projet ailleurs, les sous-sols ayant été jugés trop fragiles pour supporter sans travaux importants de fondation pareille masse. L’emplacement entre le Petit Palais et la place de la Concorde a été agréé le 11 octobre 2018 après concertation avec le Ministère de la Culture et l’artiste. La Commission des Sites émet un avis favorable le 21 mars 2019 et le permis d’aménager est délivré le 29 mai 2019.











Jeff Koons a fait don des plans à la Ville de Paris. Le projet de fabrication et d’installation a été financé par le mécénat privé et coordonné par Noirmont art production en collaboration avec Fonds pour Paris, le fonds de dotation de la Ville de Paris. La somme correspondant au budget initial d’un montant de 3,5 millions d’euros a été réunie grâce à de riches philanthropes américains, des milliardaires français, souvent collectionneurs de Koons, comme Bernard Arnault et Xavier Niel, des grands groupes tels qu’Accor, la banque Natixis, le cofondateur de Vente privée Michaël Benabou, les financiers Didier Le Menestrel et Christian Gueugnier par le biais de leur holding commune, Weber Investiss. Les dons défiscalisés seront donc finalement financés par le contribuable à hauteur d’au moins 1 million d’euros. 

Les coûts supplémentaires générés durant le développement du projet - 1 million de dollars - ont été intégralement pris en charge par Jeff Koons. Dès le début du projet, l’artiste avait émis l’idée de céder ses droits d’auteur, volonté entérinée par un accord avec la Ville de Paris. Les revenus d’exploitation visuelle de cette oeuvre - par exemple le merchandising tels que cartes postales posters, t-shirts - seront versés à 80% à des associations d’aide aux familles des victimes dont Life for Paris et 20% à la Ville de Paris pour en assurer l’entretien. 

Bouquet of Tulips de Jeff Koons
Jardin des Champs-Elysées - Arrière du Petit Palais - Paris 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

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