L'exposition "Rick Owens. Temple of love", la première en France consacrée au créateur américain, adepte du beau bizarre, du brut sophistiqué, célèbre une figure incontournable de la mode contemporaine. La transgression visionnaire de Rick Owens provoque la réflexion, interpelle sur le monde tel qu'il va. Son esthétique queer dénonce l'intolérance de la société, la domination patriarcale, libère les individus des normes genrées. La singularité s'exprime dans la quête de sens. Oeuvre totale, sa mode subversive, politique et esthétique se lit tel le manifeste d'un engagement radical caractérisé par le refus des concessions. Elle s'incarne dans l'audace des défilés performatifs, scénarisés, monumentaux.
Une centaine de créations sculpturales, vestales post-apocalyptiques, traduisent en silhouettes les expérimentations expressionnistes de Rick Owens. Il prône l'inclusivité, marque son souci d'accessibilité notamment dans l'emploi de matières premières de récupération domptées dans la sophistication des structures. À ses débuts, il se fournit beaucoup, par souci d'économie, dans les surplus militaires, dont les matériaux déterminent une palette chromatique devenue signature, teintes neutres, noir, brun, le gris "dust" iconique.
L'exposition au Palais Galliera met en scène pièces d'archives, vidéos, photographies, livres, installations, souligne l'importance de la musique, comme autant de clés de compréhension. La commissaire de l'exposition, Miren Arzalluz, directrice du Palais Galliera, orchestre cette grand messe. Directeur artistique de l'évènement, Rick Owens signe la scénographie de cette rétrospective. D'une ampleur inédite, l'évènement éclaire les origines et les références d'une mode érudite : le romantisme noir et les décadents français, à l'instar de Joris-Karl Huysmans (1848-1907), le symbolisme de Gustave Doré (1832-1883), la contemporanéité de Joseph Beuys (1921-1986), la radicalité de Steven Parrino (1958-2005), Donald Judd (1928-1994), le glamour hollywoodien des années 1920-30 et la culture alternative, le spirituel, les rituels religieux, l'androgynie.
Rick Owens considère sa mode au minimalisme gothique, baignée de contre-culture, comme une autobiographie textile. L'époque est malade. Le malaise s'exprime dans les phénomènes sociaux, la violence symbolique perpétuée par l'industrie. Insurgé, Rick Owens bouscule les mécanismes de domination, dénonce les manipulations et revendique la conscience du choix. Les mantras visuels du libre-arbitre montrent, revendiquent les marges, les communautés rejetées, invisibilisées. L'élégance performance associe rage, dignité, inclusivité dans le chaos d'une rébellion textile qui invoque les esprits, interroge la mode, la fracasse.
La première salle de l'exposition "Rick Owens. Temple of love" revient sur les origines. Né en 1962, à Porterville en Californie, Rick Owens traverse la jeunesse en adolescent marginal, qui s'oublie dans la drogue, la vie nocturne. Sa mère l'encourage à suivre des cours de peinture, l'initie à la couture, lui transmet les premières notions de patronage.
Au milieu des années 1980, il intègre l’Otis College of Art and Design de Los Angeles où il étudie le modélisme et les techniques tailleur. Son "apprentissage par la copie" se poursuit alors qu'il réalise des patrons pour des entreprises spécialistes des copies de pièces de créateurs sportwear.
En 1991, il rencontre Michèle Lamy, artiste et mannequin française, chamane en transe, charisme pur, aura mystique. Il l'aide à redévelopper sa marque, lancée en 1981. Elle devient sa muse, son mentor, sa compagne. La vocation de Rick Owens, la création de modèles, se concrétise, en 1994, avec le lancement de sa propre maison. Diffusion confidentielle, les vêtements sont vendus en exclusivité chez Charles Gallay, boutique multi-marques d'avant-garde.
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