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Crédit Jean-Louis Fernandez |
Finistère. Martial Kermeur déféré devant le juge d'instruction pour le meurtre d'Antoine Lazenec. Au cours de la déposition, il confesse avoir jeté à l'eau le promoteur immobilier lors d'une partie de pêche. Homme brisé par la vie, Kermeur s'est affranchi de l'injustice et des humiliations par un geste irréversible. Dans le bureau du magistrat, ce taiseux s'exprime enfin et revient sur l'enchaînement des événements. Quinquagénaire divorcé, Martial Kermeur a obtenu la garde de son fils Erwan à l'occasion de la séparation. Un plan social suivi d'une vague de licenciement au sein de l'arsenal de Brest a laissé Kermeur sur le carreau, une prime de 510 000 francs en lot de consolation. Une somme modeste mais assez pour acheter une petite maison. En attendant, le maire du bourg lui a trouvé un logement en échange d'un travail de gardiennage, une ancienne maison bourgeoise abandonnée entourée d'un grand terrain surnommée "le château". Ce dernier attire la convoitise d'un promoteur véreux qui monte un projet de complexe immobilier. Il manipule la municipalité avec de belles promesses d'investissement, la création d'une station balnéaire qui apporterait des emplois et une nouvelle prospérité à la bourgade. Les habitants lui confient les économies de toute une vie. Et l'entreprise se révèle château de sable emportant rêves et espoirs de la communauté.
Emmanuel Noblet adapte pour les planches le roman de Tanguy Viel, publié en 2017 aux Éditions de Minuit, oeuvre politique. Le titre fait référence à l'article 353 code de procédure pénale qui fait référence à l'intime conviction du juge et des jurés en cour d'assises. Violence sociale, mépris de classe, déterminisme et assignations, le texte originel âpre et imagé trouve sur scène une variation sensible. Ce huis clos, quasi monologue parcouru de fulgurances douloureuses, nous parle de l'impuissance face aux injustices, de l'humiliation des sans-grades méprisés, investisseurs candides. Emmanuel Noblet, également dans le rôle du juge d'instruction, en retrait, signe une direction d'acteur précise. Elle souligne avec intelligence les ressorts psychologiques et nourrit la réflexion sur la dignité, les ressorts de la manipulation.
Vincent Garanger prête ses traits à Martial Kermeur, homme ordinaire poussé au désespoir, incapable de se reconstruire après l'enfermement en prison de son fils de dix-sept ans et le suicide du maire, son ami. Il dit la rage, les larmes, le déshonneur et l'humiliation, les réalités de son extraction, la cruauté de la vérité crue. La justesse d'incarnation, performance puissante, souligne les facettes du personnage l'intime, l'émotion, la honte de n'avoir pas su se défendre, la colère contenue, la rage et la bascule. Par le flux de paroles, il raconte la fatalité des origines sociales, les complexes de classe.
Article 353 du Code pénal
Jusqu'au 15 février 2025
Du mardi au vendredi, 19h30 - samedi, 18h30 - dimanche, 15h30 - Relâche : les lundis et le dimanche 26 janvier
Roman de : Tanguy Viel
Adaptation et mise en scène : Emmanuel Noblet
Avec : Vincent Garanger, Emmanuel Noblet
Scénographie : Alain Lagarde
Création lumière : Vyara Stefanova
Création sonore : Sébastien Trouvé
Vidéo : Pierre Martin-Oriol
Costumes : Noé Quilichini
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin Delano Roosevelt - Paris 8
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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