Expo Ailleurs : Jean Hugo. Le regard magique - Musée Fabre de Montpellier - Jusqu'au 13 octobre 2024


Jean Hugo (1894-1984), peintre, illustrateur, décorateur, costumier, écrivain, poète, fait l'objet d'une saison-hommage en Hérault à l'occasion des quarante ans de sa disparition. Durant l'été 2024, trois expositions honorent cet artiste pluridisciplinaire, trois volets au Musée Fabre de Montpellier, au Musée Paul Valéry de Sète, au Musée Médard de Lunel, collaboration initiée dans le cadre de la candidature de la ville Montpellier au label Capitale européenne de la culture 2028. Héritier d'une longue lignée d'artistes et d'intellectuels, arrière-petit-fils de Victor Hugo - qu'il n'a pas connu - Jean Hugo traverse le XXème siècle à la fois observateur et acteur de la vie culturelle de son temps, figure importante de l'entre-deux-guerres. Louise de Villemorin note, spirituelle : "Il est très difficile d’être descendant de Victor Hugo ; aussi, il ne s’agit plus de descendre, il faut remonter. "

L'oeuvre de cet autodidacte est marquée par ses échanges avec les avant-gardes. Sa pratique se nourrit de ses rencontres, ses amitiés avec Pablo Picasso, Francis Picabia, Jean Cocteau, Marie Laurencin, Fernand Léger. Il invente une forme de primitivisme cubiste, juxtaposition des plans colorés, traitement des volumes, perspectives bousculées. Tout au long de sa carrière d'artiste, il produit un important corpus, plus de 1000 peintures, 3000 dessins, collabore aux décors, costumes et mise en scène d'une cinquantaine de pièces de théâtre et ballets. Il publie également deux volumes de Mémoires "Avant d'oublier" (Fayard, 1976) et "Le Regard de la Mémoire (1914-1945)" (Actes Sud 1983).

Au Musée Fabre, l'exposition "Jean Hugo. Le regard magique" prend le relai des dernières grandes rétrospectives consacrées à l'artiste, Toronto en 1973, Paris en 1976, Montpellier en 1995. Trois années ont été nécessaire pour développer cet évènement, réunir les 330 oeuvres présentées, tableaux, dessins, esquisses, éléments de décor de théâtre, costumes, livres illustrés ainsi que des oeuvres de ses proches, Valentine Gross sa première épouse, Pablo Picasso, Francis Picabia. Aux prêts exceptionnels consentis par la famille, s'ajoutent ceux des collectionneurs privés, des institutions nationales et internationales. L'exposition orchestrée par les co-commissaires Michel Hilaire, directeur du Musée Fabre, et Florence Hudowicz, Conservatrice en chef Arts graphiques / Arts décoratifs du Musée Fabre, prend le parti d'un double propos chronologique et thématique. Dans une scénographie inventive signée Maud Martinot, le parcours illustre la diversité de son art, sa poésie, la cohérence de son évolution des prémices durant la Première Guerre Mondiale à la plénitude des paysages de la maturité.









Jean Hugo, arrière-petit-fils de Victor Hugo et de Pierre-Frédéric Dorian, maître de forges et ministre des Travaux publics du gouvernement de la Défense nationale, est également le petit-fils du journaliste Charles Hugo et d'Aline Ménard-Dorian, salonnière, dreyfusarde proche de Jaurès, Kerensky, Proust ou encore Anatole France, vice-présidente de la Ligue des droits de l'Homme, secrétaire générale de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Fils du peintre Georges Hugo dit Georges Victor-Hugo et de Pauline Ménard-Dorian, il grandit avec pour décor la maison familiale de sa grand-mère. Aux murs, les toiles d'Édouard Manet, Auguste Renoir, Jean-Louis Forain initient son regard. Et il y a la fréquentation assidue enfant des musées où sa sensibilité le pousse vers les Primitifs italiens, Nicolas Poussin, Jean-Auguste-Dominique Ingres. Jean Hugo est également le demi-frère de François Hugo, orfèvre, spécialiste des bijoux d’artistes, réputé pour ses collaborations avec Pablo Picasso, Max Ernst, Coco Chanel, Jean Cocteau. 

Mobilisé en 1914, blessé à Arras, Jean Hugo fait l'expérience des tranchés à Verdun où il réalise ses premiers croquis. Au coeur de l'horreur nait une vocation. Jean Hugo invente d'un vocabulaire plastique, un style influencé par Pablo Picasso, le Douanier Rousseau ou Robert de la Fresnaye. Autodidacte et de prestigieuse ascendance, il entretient toute sa vie une humilité résumée par une formule de Maurice Sachs (1906-1945) qui le qualifie avec tendresse de "célèbre méconnu". Jean Hugo fait le choix de la modernité cubiste, perspective repensée, plans chromatiques juxtaposés, dynamique de l'espace et fragmentation des formes. 









En 1919, il épouse, Valentine Gross (1887-1968), elle-même peintre et illustratrice, qui l'introduit auprès des surréalistes vers 1926. Il fréquente les cercles artistiques des Années folles, ami de Pablo Picasso, Raymond Radiguet, Erik Satie, Marie Laurencin, Paul Éluard, Max Jacob, Marie Bell, Francis Poulenc, Marie-Laure de Noailles, Louise de Villemorin. 

Proche de Jean Cocteau, il débute une carrière de décorateur et costumier de théâtre. À l'occasion de la production du ballet collectif "Les mariés de la Tour Eiffel" en 1921, de Georges Auric, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, cinq des membres du groupe des Six, le sixième étant Louis Durey, sur un livret de Jean Cocteau, avec une chorégraphie de Jean Börlin, des décors d'Irène Lagut, il réalise les costumes. 

En 1924, pour "Roméo et Juliette" de Cocteau, puis "Orphée" en 1926, il signe décors et costumes. Costumes encore pour "La Passion de Jeanne d'Arc", film réalisé par Carl Theodor Dreyer en 1927. Les mondains font appel à lui pour leurs grands bals costumés, à l'instar des Soirées de Paris. À la même époque, Jean Hugo illustre les livres des plus grands auteurs de son temps, notamment "Les amis nouveaux" de Paul Morand. Il entretient une relation privilégiée avec l'éditeur d'art Pierre André Benoît.









En 1929, Jean Hugo hérite de sa grand-mère le Mas de Fourques près de Lunel. Il se retire la vie parisienne. Dans ce refuge loin du monde, il mène une existence simple presque monacale, distanciation vis à vis du monde tel qu'il va. Il reçoit ses amis parisiens dont les séjours donnent lieu à des périodes de création artistique intense. Jean Hugo se convertit au catholicisme en 1931 et dès lors se rend à la messe tous les matins. Par cette vie spirituelle renouvelée, il atteint une forme de plénitude artistique. Son approche mystique de la nature se traduit dans une modernité de la représentation des paysages de l'Hérault.

Au milieu des années 1930, Jean Hugo fait l'objet d'expositions personnelles à la galerie Pierre Colle. Au cours de la décennie suivante, sa pratique évolue. Il abandonne la gouache pour l'huile, le papier pour la toile. En 1931, Valentine et Jean divorcent. En 1948, Jean Hugo convole en secondes noces avec Lauretta Hope-Nicholson (1919-2005), artiste-peintre anglaise. Le couple aura sept enfants. 

Jean Hugo. Le regard magique
Jusqu'au 13 octobre 2024

39 boulevard Bonne Nouvelle - 34000 Montpellier 
Tél : +33 (0)4 67 14 83 00
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé le lundi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.