Nos Adresses : La Ferrandaise, ambassade du terroir auvergnat à Paris, bistrot traditionnel hommage à une ancienne race bovine


Le restaurateur Gilles Lamiot a placé La Ferrandaise sous les auspices de l'Auvergne. Depuis dix-huit ans, cette institution du quartier de l'Odéon, ambassade de la gastronomie du Puy-de-Dôme à Paris, convoque dans l'assiette un registre terroir teinté de nostalgie. Les recettes de la cuisine bistrotière version bougnat se déclinent généreuses, sincères. Originaire de Montferrand, installé depuis quarante ans à Paris, le patron entretient au sein de ce joli bistrot traditionnel sa passion pour la préservation du goût. Les nourritures affables y content une histoire d'engagement, celle d'un ardent défenseur de la bonne chère à la mode auvergnate. Ici, il est question de résister à la standardisation, de rendre hommage à une certaine tradition culinaire. Les solides appétits s'y régalent de plats mitonnés faits maison avec des produits frais, sourcés et de saison. Une adresse aussi authentique que généreuse.








La Ferrandaise a rouvert fin 2023, après huit mois de fermeture, le temps de débarbouiller la salle noircie par un incident en cuisine. Banquettes, chaises bistrots, pierres et poutres apparentes, mini comptoir en zinc où prendre l'apéro avec le patron, le cadre déploie des charmes propices à séduire les amateurs d'authenticité. Auxquels s'ajoutent une intéressante cave voutée du XVIIème siècle, un petit salon privatisable jusqu'à seize couverts et aux beaux jours la désormais incontournable petite terrasse en bois démontable. Aux murs, s'affichent des photographies, des souvenirs régionaux : la vache ferrandaise omniprésente traverse tranquillement les paysages d'Auvergne. Menacée de disparition dans les années 1970, cette race bovine du Puy de Dôme a été sauvée par la mobilisation des éleveurs indépendants réunis sous la bannière de l'Association la Ferrandaise. La mission de sauvegarde a permis de reconstituer le cheptel déclinant à un ensemble actuel d'environ trois-mille bêtes. La Ferrandaise est désormais l'une des vedettes du salon de l'agriculture. 

Gilles Lamiot, natif de Montferrand, poursuit des études de dessin industriel avant de bifurquer vers la restauration. Il trouve une place dans un bistrot par l'intermédiaire de son beau-frère et prend goût à la profession. Après une première expérience en gérance d'un établissement sur Montferrand, il vient travailler à Paris. Durant cinq années, il change souvent de poste, s'initie aux différents métiers de la restauration avant de se poser quelques temps chez un brasseur, la Taverne de Nesle. 

En 2005, Gilles Lamiot concrétise son envie de monter sa propre affaire. Le nom de l'établissement rend hommage à la Ferrandaise, race ancienne de vache auquel il associe un souvenir d'enfance, celui d'une ferme près d'Olby. Jusqu'en 1880, la Ferrandaise s'appelait la clermonde ou l'auvergnate. Les marchands du foirail de Montferrand en ont fait leur mascotte en la rebaptisant. La rusticité de la Ferrandaise, adaptée aux conditions auvergnates, fait des merveilles, à la fois pour le lait et la viande. Elle a failli disparaître mais perdure aujourd'hui grâce à des passionnés déterminés à sauvegarder ce patrimoine. 

Gilles Lamiot fait partie de ceux-ci. Terroir ancré au coeur. Deux fois par semaine, il se rend à Rungis, et multiplie les allers-retours réguliers à Clermont-Ferrand à la rencontre des producteurs locaux, artisans, éleveurs, les viandes, les beaux fromages au lait cru, la charcuterie. Proche du boucher clermontois Gaby Gauthier, également ardent défenseur de la Ferrandaise, il est le seul restaurateur parisien à proposer de la viande de cette vache. En absence de filière de la viande ferrandaise, Gilles Lamiot est confronté à certaines difficultés d'approvisionnement. Il n'hésite pas à payer l'abattage sur place et le transport vers Paris. 







Au menu du bistrot, la qualité de la sélection s'inscrit tout d'abord dans le choix des ingrédients. Le patron privilégie les légumes bio et les producteurs locaux, les maraîchers d'Île de France. Une attention particulière est portée à la maturation des viandes, belles pièces de boeuf, veau de lait. Les compositions brasserie, classiques droits dans leurs bottes, revendiquent l'authenticité. Les déclinaisons carnées, blanquette, côte de boeuf bio, entrecôte bio, quasi de veau de lait, s'associent à un tropisme particulier pour les abats, foie de veau de lait bio, ris, queue pressée, oreille de cochon. À l'intention des récalcitrants, les propositions alternatives se déclinent végétarienne ou piscivore, risotto de petit épeautre bio, potimarron rôti au miel, poisson sauvage et légumes du moment avec sa sauce. La carte des vins, sélection de flacons inspirants, fait la part belle aux petits producteurs et au bio. 

À l'apéritif, le kir se décline au Birlou en version auvergnate, délicieusement acidulée. Créée par Henri Monier dans les années 1990, au cœur du Veinazès, micro-région du Cantal, cette liqueur associe crème de châtaignes et de sirop de pommes. "Bir" fait référence à la bière boisson avec laquelle Monier marie volontiers sa création et "Lou", clin d'œil au "pelou" la bogue de la châtaigne dans le dans le Massif Central.

En ce moment à la carte de la Ferrandaise, les huîtres bio de l'île d'Oléron nées en pleine mer, produites par les Huîtres du Cayens, sous la vigilance de Michaël et Nathalie Poirier, invitent au voyage. Ce couple d'ostréiculteurs à Dolus travaille selon une méthode ancestrale. Leurs huîtres naissent et se développent naturellement, prennent le temps et acquièrent ainsi le goût du terroir. 

Pour accompagner les demoiselles iodées, un Côtes-du-Rhône Blanc Madame Loch Ness Les Coteaux de Légende 2020 du Domaine Barge à Ampuis, affirme qu'"il faut le boire pour le voir".  Assemblage des trois cépages blancs emblématiques du nord de la vallée du Rhône, Marsanne, Roussanne et Viognier, ce vin d'une grande fraîcheur, robe pâle, se caractérise par un nez floral aux notes fruitées, une bouche élégante et équilibré. En entrée amuse-bouche, le foie gras mi-cuit, chutney de poires, fait maison au Jurançon et Porto, arômes délicats, fond de plaisir sur un pain, parfumé, signé Thierry Breton.







Pour la suite, un Bourgogne Côtes du Couchois Numéro 9 2022 du Domaine de Montmerot à Dracy-les-Couches rejoint la table. Déclinaison monocépage de Pinot noir, variété indissociable des grands bourgognes, ce vin gourmand développe une robe rubis intense. Au nez, il affirme des accents marqués de fruits rouges, framboise, cerise, de fruits noirs, cassis, mûre ainsi que des nuances florales de violette. Souple, soyeux en bouche, il se distingue par sa finesse. 

En entrée, l'Oreille de cochon sur lit de pissenlit au vinaigre de Banyuls, oeuf bio dur, chargé d'émotions convoque des souvenirs d'antan que prolonge la Pressée de queue de boeuf grand-mère, joliment tournée. Les invocations terroir se poursuivent dans une partition de plats très tradition bistrot, un Ris de veau, sauce morilles, riz basmati, tout en finesse élégante, tendresse désarmante, et une Tête de veau sauce du chef, taquine, avec en contre-chant une marmite de légumes de saison au lard. 







Le plateau de fromages au lait cru des fermes du Puy-de-Dôme, Saint-Nectaire, fourme d'Ambert, fourme de roquefort montagne, bleu d 'Auvergne compte un intrus, on lui pardonne, un crottin pur chèvre du Maine et Loire. En dessert, impeccable Profiterole maison sauce chocolat de notre enfance. "What else ?" comme dirait Georges.  

Au déjeuner, la Ferrandaise propose un menu à prix clément - 20 euros - incontournable. 

La Ferrandaise 
8 rue de Vaugirard - Paris 6
Tél : 01 43 26 36 36
Horaires : Déjeuner du mardi au samedi de 12h à 14h30 - Dîner du lundi au samedi de 19h à 22h30

À la carte : entrées 13 euros / plats 25 euros / fromages ou desserts 11 euros
Menu entrée - plat - dessert 42 euros
Menu déjeuner 20 euros




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.