Théâtre : Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable) - Théâtre de l'Atelier - Jusqu'au 10 mars 2024

Crédit Wilfried Lamotte 


Un couple s'échauffe au sujet des galets de la plage du Tilleul qui seraient plus agréables que ceux des plages du Havre. Petits, plus petits que ceux de la plage d'à côté, pas si petits que ça, au fil des considérations ridicules, le ton monte. Lors d'un dîner un mari humilie son épouse sous le regard aussi navré que gêné des autres invités. Un convive confisque la parole et se lance dans une logorrhée assommante, palabres sans fin et histoires assommantes. Une conversation oiseuse sur la différence entre assiette creuse et assiette à soupe tourne à l'absurde. Un homme dos au public raconte sa phobie des rats. Dans une file d'attente un type prend à partie des inconnus. Un slow anachronique sur l'air de "J'aime les filles" de Jacques Dutronc fait naître le malaise. Un couple impose le récit insignifiant d'une panne de scooter lors de leurs dernières vacances. 




Claire Laureau et Nicolas Chaigneau signent une farce de la vie ordinaire, autant théâtrale que chorégraphique. Ils s'emparent de la conversation superficielle, celle nourrit dans le cadre des relations sociales élémentaires et sans importance pour mieux rire des échanges creux qui meublent les silences et permettent de surmonter les situations de malaise. Succession de saynètes et situations burlesques, ils mettent en scène le "small talk" de la politesse feinte qui se fait catalogue de banalités, bréviaires de poncifs. L'insignifiance des propos révèlent la vacuité des rapports humains. Ces dialogues, ces monologues viennent souligner la dimension absurde de l'ordinaire, partition familière. La comédie des répliques prononcées sans y penser tourne au verbiage qui consiste à parler pour ne rien dire, typiquement les échanges autour de la météo. Aux lieux communs succèdent les expressions toutes faites et les insupportables tics de langage. Les fragments du quotidien prennent des proportions existentielles.  

Quatre comédiens Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau, Marie Rual, du collectif PJPP, incarnent cet échantillon de caractères, personnages touchants, pathétiques, ridicules et profondément humains. Le spectacle dit la parole et l'écoute, avec tendresse et empathie. Claire Laureau et Nicolas Chaigneau porte regard bienveillant et lucide sur leurs personnages entre autodérision, supplices vécus et situations fortuites. Ils s'amusent à glisser le grain sable dans le mécanisme bien huilé de l'anodin, facteur de rupture. L'inattendu, l'impromptu donne naissance à la poésie. De la gêne, à l'agacement, les victimes adoptent des stratégies de survie, défense dérisoire pour tenter d'entretenir les apparences d'une entente cordiale. 

Claire Laureau et Nicolas Chaigneau ponctuent le spectacle d'interludes musicaux et d'intermèdes chorégraphiés. Un gong annonce les changements de tableaux. Les corps prennent le relais de la voix, dans un langage alternatif qui traduit tout aussi bien les sentiments par les postures. Les gestes de la danse éclairent les mots qui mentent.

La conversation s'enlise quand elle ne vire pas à la querelle la plus absurde. Les protagonistes s'engluent dans un non-sens déroutant qui alimente le désaccord, les mesquineries. La vacuité horripilante des échanges sans intérêt, les apartés interminables, les échanges abscons du quotidien, le spectacle joue sur les malaises dans un enchaînement de saynètes cocasses et familières, d'une grande banalité. "Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable)" s'amuse de la condition humaine, sa médiocrité intrinsèque. Grinçant, loufoque délicieux.

Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable)
Jusqu'au 10 mars 2024
Vendredi et samedi à 19h, dimanche 15h

De Claire Laureau, Nicolas Chaigneau
Avec Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau, Marie Rual
Régie générale Benjamin Lebrun
Création lumière Valérie Sigward
Administration Élise Laboulais
Musique Johann Sebastian Bach, Guiseppe Verdi, Jacques Dutronc, Alain Lefèvre, Francis Scott Key
Production PJPP

Théâtre de l’Atelier 
1 place Charles Dullin - Paris 18
Tél : +33 1 53 41 85 60



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.