Théâtre : Les Diaboliques, de Christophe Barbier - D'après Jules Barbey d'Aurevilly - MES Nicolas Briançon - Théâtre de Poche Montparnasse - Jusqu'au 10 mars 2024

 


Déféré devant un juge d'instruction, pour "outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs", l'écrivain et journaliste Jules Barbey d'Aurevilly défend son recueil de nouvelles "Les Diaboliques" que les censeurs jugent amoral. Il fait face à ses accusateurs et décrypte quatre des contes condamnés. Il s'agirait par l'exemple de dénoncer les agissements défiants les bonnes moeurs, d'inciter les lecteurs à renoncer à la dépravation. En aucun cas de faire l'apologie de la passion, de l'adultère ou du meurtre. Il choisit quatre de ses écrits pour illustrer son propos : "Le Rideau Cramoisi". Un jeune lieutenant s'éprend d'une beauté aussi froide qu'impavide. La liaison se noue dans des circonstances étranges sans intervention des parents pourtant témoins. "Le bonheur dans le crime". Un couple adultère vit son amour au plein jour après s'être débarrassé de l'épouse encombrante. "À un dîner d'athées" lors d'une réunion entre anciens révolutionnaires et militaires, l'assemblée s'étonne de la présence de l'un d'entre eux au sein d'une église. Le cœur embaumé d'un enfant illégitime est la clé de l'énigme. "La vengeance d'une femme". Une duchesse choisit de se prostituer dans les conditions les plus abominables afin de déshonorer l'époux qui a assassiné l'homme qu'elle aimait chastement, et ensuite jeté son cœur aux chiens.




En 1874, paraît "Les Diaboliques", un recueil de six nouvelles signées Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889). Menacé d'un procès par le Parquet de Paris - les exemplaires en cours d'impression sont saisis - l'auteur retire son ouvrage de la vente en 1875. Seule l'intervention de Léon Gambetta (1838-1882) permet de le sauver d'une action en justice. Barbey d'Aurevilly attendra 1882 pour se risquer à une nouvelle édition. Christophe Barbier adapte les textes originaux pour la scène et imagine que le procès a eu lieu. La pièce aborde la question de la censure littéraire au XIXème siècle. Barbey d'Aurevilly, par ailleurs fervent catholique, y pose en moraliste, défenseur des bonnes mœurs, dénonciateur des vices et infortunes. 

Sur les planches du Petit Théâtre de Poche Montparnasse, "Les Diaboliques" prend la forme sous la direction à la mise en scène de Nicolas Briançon d'une pièce alerte où les récits alternent dans un mouvement fluide. Les nouvelles vénéneuses d'un romantisme noir mêlent intimement Éros et Thanatos. Ces contes cruels des amours interdites se nimbent de mystère, atmosphère de passions mortifères. Le parfum de scandale semble s'être évaporé mais l'ambivalence et la complexité des caractères conservent une aura sulfureuse. Barbey d'Aurevilly, maître du non-dit, sonde l'âme humaine, perfide, fébrile. Les personnages dangereux sont promis à des destins tourmentés, femmes fatales, dont l'amour conduit à la mort, séducteurs aux intentions troubles, ambiguïtés dangereuses.

Dans une belle synergie de troupe, quatre comédiens investis, Gabriel Le Doze, Magali Lange, Krystoff Fluder, Reynold de Guenyveau interprètent tous les rôles. Alternant les registres, Ils incarnent avec précision, énergie et nuance la verve du poète, son style unique, sa liberté. Passions interdites, décadence, frissons. 

Les Diaboliques
Jusqu'au 10 mars 2024
Du mardi au samedi 21h - Dimanche 17h

Texte Christophe Barbier d'après Jules Barbey d'Aurevilly
Mise en scène Nicolas Briançon 
Avec Gabriel Le Doze, Magali Lange, Krystoff Fluder, Reynold de Guenyveau
Lumières Jean-Pascal Pracht
Décor Bastien Forestier
Costumes Michel Dussarat
Son Émeric Renard
Assistante à la mise en scène Elena Terenteva

Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse - Paris 6
Tél location : 01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com
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Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.