En 1720, quatre-vingt-dix femmes enfermées à la Salpêtrière, centre de détention des prisonnières de droit commun, des prostituées ou des indésirables de toute sorte, sont sélectionnées afin de partir vers les Amériques. En âge de se marier et d'enfanter, elles deviendront les épouses des colons français installés en Louisiane, territoire de la Nouvelle France. Parmi elles, Geneviève, faiseuse d'anges, condamnée pour avoir pratiqué des avortements. Pétronille, jeune aristocrate reniée par sa famille qui pour s'en débarrasser l'a fait interner. Et puis, Charlotte, douze ans, abandonnée à la naissance. Elle a choisi de rejoindre cette triste cohorte afin de ne pas être séparée de son amie Étiennette. Les "désignées volontaires" embarquent sur "La Baleine", navire marchand qui les emmène de l'autre côté de l'Atlantique. Durant la traversée, ces femmes auxquelles le choix de leur destin a été confisqué nouent des liens indéfectibles. Espoir d'un avenir meilleur chevillé au corps, promises à un inconnu, la découverte de la Louisiane sera un choc.
"La Louisiane", quatrième roman de Julia Malye, déjà promis à la traduction dans vingt pays, sera bientôt adapté en série ou film aux États-Unis. Écrivain précoce, révélée à l'âge de quinze ans avec un premier ouvrage "La fiancé de Tocqueville" en 2010 aux éditions Balland, Julia Malye dispense désormais des cours d'écriture fictionnelle à Sciences Po et exerce comme traductrice aux éditions Les Belles Lettres. Elle a d'ailleurs elle-même traduit son roman en anglais qui paraîtra en mars sous le titre de "Pelican girls".
Porté par un souffle épique, "La Louisiane" embrasse les faits historiques, se nourrit de huit années de recherche et de documentation. Julia Malye revient sur le destin méconnu de ces femmes exilées en Nouvelle France, contraintes et forcées. Le récit polyphonique, au plus près de leurs combats, rend hommage au courage de ces figures oubliées de la colonisation française en Amérique. Trois femmes - trois personnages de fiction, incarnation de toutes celles qui ont été - font tour à tour entendre leurs voix. Julia Malye se penche sur leur destin avec empathie et sensibilité pour mieux leur redonner la parole. Par ses portraits intimes, pas exemptes d'une dimension sociale, elle redonne chair à l'Histoire, incarnation complexe rendue possible grâce à la psychologie fouillée des personnages
Beauté des paysages, espaces grandioses d'une Louisiane inhospitalière, nature triomphante, à la dévastation des ouragans s'ajoute les ravages des épidémies qui déciment toutes les populations, la violence des conflits sanglants entre autochtones et colons. Entre renoncement et dépassement de soi, la romancière capture les instants de basculement, trace un tableau vibrant de la sororité et de la force qu'elle confère pour faire face à l'adversité et à une société suffocante. Les héroïnes, en proie aux difficultés d'adaptation dans un milieu hostile, se révèlent à elles-mêmes. "La Louisiane" témoigne de la condition des femmes au XVIIIème siècle, la soumission au patriarcat, le poids de la religion, les mariages successifs, la maternité. Elles ne renoncent pourtant jamais, portées par l'espoir d'une forme d'émancipation, de reprendre les rênes de sa vie, le contrôle de sa destinée, leurs aspirations personnelles.
Julia Mayle décrit avec sensibilité le sort des autochtones, les Indiens Natchez ainsi que celui des esclaves africains arrachés à leur terre natale et réduits au statut de marchandise. Elle trace des parallèles intéressants entre ses existences bouleversées, ses êtres opprimés. Un roman puissant, incarné, sensible.
La Louisiane - Julia Malye - Éditions Stock
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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