Paris : Tour Saint Jacques, beffroi gothique du XVIème siècle, unique vestige de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie - IVème

 

La Tour Saint Jacques, ancien beffroi de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie démolie à la Révolution, dresse son élégante silhouette au coeur d'un square du Second Empire bordé par la rue de Rivoli et la place du Châtelet. Dernier vestige de l'édifice du XVIème siècle, construit entre 1508 et 1522, le clocher-tour haut de cinquante-deux mètres témoigne d'une architecture gothique, au style marqué par la profusion ornementale. Arcatures, moulures prismatiques, festons, dentelles et feuillages animent les façades avec opulence. La Tour Saint Jacques, restaurée en 1853 par l'architecte Théodore Ballu (1817-1885), puis au début XXème siècle par Jean Camille Formigé (1845-1926) a fait l'objet d'une nouvelle campagne en 2006-2007.

"La Chronique du Pseudo-Turpin", l'un des livres médiévaux du "Codex Calixtinus", attribue la fondation de l'église Saint-Jacques à Charlemagne, suggérant qu'elle serait donc éligible à devenir une étape du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. L'authenticité de ces textes est contestée au XVIIIème siècle. Néanmoins, en 1965, à "l’initiative de la Société des Amis de Saint Jacques" une plaque offerte par l'Espagne à la Ville de Paris, fait de la Tour Saint-Jacques l'un des points de départ parisien du pèlerinage. Cette distinction sans fondement historique lui vaut une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1998 avec soixante-dix autres étapes. 








Mémoire du Paris médiéval et de la paroisse de Saint-Jacques-la-Boucherie, la Tour Saint Jacques entretient le souvenir de la confrérie des bouchers. La puissante corporation parisienne finance la construction d'une chapelle au XIIème siècle au sein de l'église originelle du XIème siècle. Celle-ci édifiée vers 1060 et dédiée à saint Jacques le Majeur conserve une relique. Le sanctuaire devient un lieu de pèlerinage réputé au coeur d'un quartier très commerçant. 

Le célèbre Nicolas Flamel (vers 1330/40 - 1418), écrivain public, libraire-juré, enlumineur et supposé alchimiste, finance le portail de l'église latéral, au tympan duquel un bas-relief le représente avec son épouse Dame Pernelle. À la suite de son mariage avec la veuve au pécule confortable, Flamel fait preuve d'un sens des affaires remarquable. L'homme fait fortune. Le bruit court qu'il aurait découvert le secret de la pierre philosophale qui transforme le plomb en or. 

Nicolas Flamel et Dame Pernelle engagent leur générosité au service d'oeuvres de bienfaisance et de mécénat. En 1407, ils font construire la maison de la rue de Montmorency désormais la plus ancienne de Paris, où ils logent des personnes démunies. Ils apportent également leur soutien financier à la paroisse de Saint-Jean-la-Boucherie. Le couple, séparé à vingt d'ans d'intervalle par la mort, sera d'ailleurs réuni dans un caveau au sein de l'église. 








L'église Saint-Jean-la-Boucherie est reconstruite sur les fondations du XIème siècle, de 1508 à 1522. Jehan de Félin (actif de 1488 à 1522) secondé par Julien Ménart et Jean de Revier conçoivent un lieu de culte flanqué d'une tour unique. Rault "tailleur d'images" est chargé des sculptures destinées au sommet du beffroi. Il réalise, en 1523, une statue monumentale de saint Jacques le Majeur, haute de dix mètres. Il exécute également trois des quatre symboles des Évangélistes, le lion de saint Marc, le taureau de saint Luc, l'aigle de saint Jean auxquels s'ajoute l'ange de saint Mathieu. La partie inférieure du clocher englobée dans la nef la base de la tour se trouve dépourvue d'ornements. 

À la suite de la Révolution, les biens du Clergé sont nationalisés en 1792. L'église, achetée par un particulier, est démolie. Carrière de pierres, elle a entièrement disparu dès 1797. La tour clocher est cependant épargnée car Blaise Pascal (1623-1662) y aurait mené, en 1648, des expériences barométriques menant à sa "théorie de l'équilibre des liqueurs". Les sources divergentes indiquent plutôt l'église Saint Jacques du Haut Pas, dans le Vème arrondissement. Sur l'ancien parvis, s'installe le marché Saint Jacques où chiffonniers et ferrailleurs proposent leurs marchandises. En 1824, la tour est transformée en fabrique de plomb de chasse par un entrepreneur astucieux qui met à profit la verticalité de la construction pour fondre des billes en faisant pleuvoir le métal en fusion.

La Ville de Paris acquiert en 1836 la parcelle où se trouvait l'église, son parvis et les rues attenantes. En 1852, le prolongement de la rue de Rivoli, les grands travaux d'Haussmann, le nivellement de la place du Châtelet modifient la géographie de la ville. La Tour Saint Jacques, juchée sur la butte des Arcis, désormais déchaussée, ne se trouve plus à niveau par rapport à la rue. Une intervention devient nécessaire pour conserver la Tour Saint Jacques.








L’architecte Victor Baltard (1805-1874) confie le chantier à l'architecte archéologue Théodore Vacquer, futur inventeur des arènes de Lutèce en 1869, et l’ingénieur Roussel. L'assise en sous-oeuvre est entièrement reprise. Les travaux sont considérables mais la structure est préservée. Théodore Ballu remanie et restaure la Tour Saint Jacques de 1854 à 1858. À cette occasion, le sculpteur Paul Chenillon, collaborateur récurrent de Viollet-le-Duc, réinvente les statues détruites à la Révolution, les gargouilles, la statue de saint Jacques et des dix-huit saints, les emblèmes des Évangélistes en haut de la tour, les originaux conservés dans les jardins du musée de Cluny.

La Tour Saint Jacques est dotée de quatorze marches afin d'accéder à l'arc sous lequel se trouve la statue de Blaise Pascal, réalisée en 1857 par Jules Cavelier (1814-1894). Sur le terrain entourant l'ancien beffroi, Adolphe Alphand (1817-1891) aménage, en 1856, le tout premier square public parisien. La rue du Petit-Crucifix disparaît pour faire place au jardin. En 1891, une station météorologique, annexe de l'Observatoire Montsouris, est installée au sommet de la tour. Aujourd'hui, une balise y mesure de la pollution atmosphérique.

Tour Saint Jacques
39 rue de Rivoli - Paris 4
Métro Hôtel de Ville lignes 1, 11



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Editions Rivages
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Editions Parigramme
Le guide du promeneur 4è arrondissement - Isabelle Brassart et Yvonne Cuvillier - Editions Parigramme