Théâtre : Le Bel indifférent, de Jean Cocteau - MES Christophe Perton - Avec Romane Bohringer et Tristan Sagon - Théâtre de l'Atelier - Jusqu'au 12 novembre 2023

Crédit Ludo Leuleu 

Une rock star entame la dernière chanson d'un concert. En tournée internationale, elle se produit en Asie. Loin de tout, elle se sent terriblement seule. Dernier rappel et elle rejoint les loges où elle pense retrouver Émile, son jeune amant. Mais il est introuvable. Elle allume une cigarette, s'engouffre dans un taxi pour regagner une chambre d'hôtel impersonnelle, à peine éclairée par les néons publicitaires. Son amant est absent. L'attente interminable débute. Supplice. La chanteuse se sert un verre, tourne en rond, se lamente, s'interroge dévorée par une jalousie maladive. Ses ruminations la plongent dans des abimes de désespoir, compilation d'angoisses où surnagent la peur du vieillissement, la dépendance amoureuse, la terrible désinvolture de l'homme qu'elle aime, sa violence aussi. Peu à peu, elle trace les grandes lignes d'une relation toxique, sans réciprocité, nouée par intérêt. Émile, "magnifique gigolo", se manifeste enfin. Il ne prononce pas un mot sur ses frasques, insensible aux récriminations de la maîtresse à cran. Face à ces emportements de femme trompée, il refuse de s'expliquer, oppose un silence rageur. C'est l'humiliation de trop.

Après "Les parents terribles" au théâtre de l'Hébertot en début d'année, Christophe Perton poursuit son exploration de l'oeuvre de Jean Cocteau. Au Théâtre de l'Atelier, il adapte "Le bel indifférent" dont il transpose la dramaturgie originelle en un huis clos musical porté par Romane Bohringer et Tristan Sagon. Il existe deux versions de cette oeuvre. La première, une pièce écrite pour Edith Piaf, a été créée en 1940 au théâtre des Bouffes du Nord. Ce court monologue, un peu daté, se trouve ici revivifié par Christophe Perton qui lui associe la seconde version peu connue du texte, un long poème, chant d'amour blessé, mis ici en musique par Maurice Marius et Emmanuel Essua. L'agrégation des textes souligne, en filigrane, des thématiques modernes, la différence d'âge dans un couple, les violences conjugales. Objet scénique original, spectacle pluridisciplinaire, "Le bel indifférent" associe le théâtre, la musique, la danse. Le dispositif s'appuie sur les allers-retours entre l'action sur le plateau et les vidéos projetées sur les murs tandis qu'en surplomb, les musiciens jouent en direct. 




Incarnation vibrante, Romane Bohringer met son talent de grande comédienne au service d'un personnage de femme soumise et révoltée. Éprise d'un homme qui a la moitié de son âge et abuse de la situation, elle avait tout pour être heureuse, le succès, l'argent, le dévouement du public. Désormais abandonnée, méprisée, elle vit le naufrage de l'amour fou, l'humiliation des sentiments à sens unique. Romane Bohringer chante, danse l'émancipation devenue nécessaire pour sa survie. La comédienne d'une grande justesse, fait vivre les sentiments, tandis que son personnage désemparé et pathétique retrouve sa combativité. Le bel indifférent, dédain fait homme, séducteur infidèle, refusera jusqu'à la fin de se justifier. Face à Romane Bohringer, bouleversante d'humanité, Tristan Sagon danseur issu de la scène hip hop, joue une partition muette, présence en scène magnétique, inquiétante, brutale et gracieuse. Chorégraphie sensuelle, passionnée, la danse fatale entre ces deux êtres s'emballe jusqu'à la violence d'une transe. 

Le Bel indifférent, de Jean Cocteau
Jusqu’au 12 novembre 2023
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h

Adaptation, mise en scène et scénographie de Christophe Perton
Avec Romane Bohringer et Tristan Sagon
Composition musicale originale de Maurice Marius et Emmanuel Jessua
Avec Emmanuel Jessua à la lead guitare et claviers, Maurice Marius au chant et claviers, Jonathan Maurois à la guitare, Pierre Rettien à la batterie & Charles Villanueva à la basse
Collaborateur artistique et 1er assistant – Maurice Marius
Vidéaste – Baptiste Klein
Créateur lumières – Jean-Pierre Michel
Répétiteur de chant – Mark Marian
Chorégraphe – Glyslein Lefever
Costumes de Christophe Perton et Céline Guignard-Rajot
Assistante chorégraphe et mise en scène – Victoria Rose Roy
Assistante costumes – Lucie Guillemet
Assistant vidéo et captation – Léolo Pujebet
Régie générale – Pablo Simonet
Régie son – Geoffrey Bonnifet

Théâtre de l’Atelier 
1 place Charles Dullin - Paris 18
Tél : +33 1 53 41 85 60



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.