Paris : Jardin Denys Bühler, le square de l'Église Protestante Luthérienne Saint-Jean, mémoire des frères Bühler architectes paysagistes du XIXème siècle - VIIème


Le Jardin Denys Bühler, enclave verdoyante de l'Église Protestante Luthérienne Saint-Jean, entretient le souvenir d'un quartier de Paris urbanisé tardivement. Le cossu Gros-Caillou, entre l'École Militaire et les Invalides, conserve à l'abri des regards quelques pépites discrètes propices aux rêveries bucoliques. L'église Saint Jean, lieu de culte protestant, se trouve au coeur d'une propriété séculière léguée au Consistoire de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine par Denis Bühler (1811-1880) et son frère Eugène Bühler (1922-1907), architectes paysagistes réputés et paroissiens généreux, à la fin du XIXème siècle. Plan en croix latin, nef unique, voûte en bois, elle a été construite entre 1910 et 1911 sur les plans des architectes Achille Henri Chauquet (1872-1957) et Jean Naville (1871-1958) dans un style néogothique. Quelques beaux vitraux datés de 1912 et des années 1960 sont à noter. 

Le presbytère et ses dépendances occupent les anciens domiciles de la famille Bühler. Aux deux bicoques édifiées dans un style alsacien, une maison à colombages et un pavillon plus suisse, s'ajoutent une curieuse extension, structure de métal et baie vitrée à lamelles, ainsi qu'une petite serre. Cette dernière perpétue la mémoire des frères Bühler et de leur vocation paysagère.

Le square aménagé en 1987, ponctué d'arbre d'essences variées, séquoia, bouleau, érable, sycomore, tilleul, a été doté d'une une aire de jeux destinée aux plus jeune,s sur le flanc de l'église. En fond de parcelle, se trouve la résidence étudiante Grenelle de l'American University of Paris, bâtiment d'une modernité redoutable. 








À la suite de la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, les Bühler, famille française protestante, émigrent à Lahr, en Suisse, dans le duché de Bade. Au lendemain de la Révolution, ils envisagent sereinement leur retour dans l'Hexagone. Les frères Jean-Daniel et Charles-Frédéric Bühler s'établissent à Clamart en région parisienne et fréquentent la communauté luthérienne de la Confession d'Augsbourg. Pépiniéristes, ils connaissent un certain succès. Jean-Daniel Bühler, né en Suisse en 1784, a quatre enfants : Denis, Émilie, Eugénie et Eugène. 

À son décès en 1827, son fils aîné, Denis, prend la tête de l'entreprise familiale. Eugène, le benjamin, étudie au collège Sainte Barbe puis à l'École royale d'horticulture de Versailles. Diplômé, désormais architecte paysagiste, il rejoint Denis au sein de la maison Bühler qui ouvre son agence parisienne en 1840. En 1843, les deux frères, ainsi que les deux sœurs, s'installent au 147 rue de Grenelle, propriété sur laquelle sont construits deux pavillons, une serre, une pépinière et un jardin. 







La renommée des frères Bühler en leur domaine prend de l'ampleur. Ils travaillent auprès des familles les plus influentes du Second Empire, œuvrant dans les parcs et jardins des La Rochefoucauld, Villeneuve, Puyvallée, Lassus, Mallet. Ils obtiennent des commandes publiques prestigieuses, de grands parcs tels que le parc de la Tête d'Or à Lyon en 1857, le Plateau des Poètes à Béziers en 1867, le parc du Thabor à Rennes en 1868, le parc Bordelais à Bordeaux en 1888. Ils collaborent avec la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest et d'Orléans pour laquelle ils interviennent sur les espaces verts amputés par le tracé des nouvelles lignes ferroviaires. Les frères Bühler aménagent ainsi une trentaine de parcs en Aquitaine.  

Hommes d'affaires avisés, ils accumulent une fortune importante grâce au succès de leurs placements, spéculations immobilières, actions dans des entreprises novatrices comme les chemins de fer. Denis et Eugène Bühler meurent sans descendance. Ils lèguent chacun à leur tour une grande partie de leur bien au Consistoire de la Confession d'Augsbourg à Paris. 








Tout au long de leur vie, les frères ont multiplié les donations à la congrégation luthérienne fréquentée par la communauté originaire d'Alsace-Lorraine. Lorsque le pasteur Eugène Berger ouvre une école en 1862 au 85 avenue Bosquet, Denis Bühler intervient. Ses dons permettent de faire construire un bâtiment destiné à accueillir ce cours au 19 rue Amélie. Il est inauguré en 1867. Le culte hebdomadaire de la paroisse se tient alors dans l'une des salles d'étude. Une chapelle, aujourd'hui désaffectée, est édifiée en 1909 grâce au legs des frères Bühler. En 1911, l'église Saint Jean au 147 rue de Grenelle est consacrée. 

Jardin de l'Église Protestante Luthérienne Saint-Jean Denys Bühler
147 rue de Grenelle - Paris 7
Horaires : Du lundi au vendredi de 8h à 17h - Samedi et dimanche de 9h à 17h
Métro La Tour Maubourg ligne 8




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur du 7è arrondissement - Françoise Colin-Bertin - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Les Jardins publics en province : Espaces et politique au XIXe siècle - Louis Michel Nourry, historien - Presses Universitaires de Rennes
Les frères Bühler, illustres paysagistes du Thabor - Louis-Michel Nourry - Revue Place Publique Nantes / Saint-Nazaire - Juillet-août 2012