Théâtre : La Note, d'Audrey Schebat - Avec Sophie Marceau et François Berléand - Théâtre des Bouffes Parisiens - Jusqu'au 31 décembre 2023


Psychanalyste réputé, Julien se trouve seul chez lui. Il a décidé d'en finir avec la vie. Adossé au piano de son épouse concertiste, la corde au cou, il tente d'écrire un mot d'adieu. Sans y parvenir. À défaut, il prend quelques mesures et prévient la femme de ménage de passer tôt le lendemain pour mettre de l'ordre dans l'appartement. C'est alors que Maud, sa femme, rentre à l'improviste. Elle a abrégé son séjour à Berlin où elle a reçu lors d'un gala le prix de la meilleure pianiste de l'année. Valises encore à la main, elle découvre Julien en plein préparatifs fatals. Désemparée, elle ne peut s'empêcher d'éprouver de la colère devant le manque de considération que signifie l'absence de mot, d'explication après trente ans de vie commune et deux fils, désormais adultes. Jusqu'au bout de la nuit, ils se lancent dans une longue conversation en quête de sens, véritable bilan de leur couple. Face à face lucide, ils dressent le constat d'une vie aisée sans fantaisie, lestée par un quotidien banal, la monotonie des obligations familiales, la patientèle aussi angoissée qu'envahissante de l'un, la carrière prenante de l'autre. Ils ne se regardent plus. Ne rêvent plus. Pire, ne se font plus rêver l'un l'autre.

Écrite et mise en scène par Audrey Schebat, "La Note" emprunte les accents familiers de la tragi-comédie qu'est l'existence. Le point de départ dramatique, une tentative de suicide sujet qui évoque en trame de fond le sujet douloureux de la santé mentale, est rapidement désamorcé par l'humour et la profondeur du texte. Huis-clos sensible, comédie douce-amère de la vie conjugale, la dramaturge convoque les situations ordinaires qui font écho en chacun de nous pour traiter de l'usure du couple. Avec finesse et intelligence, elle distille le rire et la mélancolie dans un même mouvement. Entre gravité et sourire, Maud et Julien remettent en question leurs existences trop bien installées, terreau fertile des grandes interrogations métaphysiques. Ils auscultent leurs symptômes, et tentent de renouer le dialogue. Peut-être est-il déjà trop tard.




Suggestion nuancée d'un intérieur cossu, le décor symbolique signé Jacques Gabel, marque les territoires, le divan du psy, le beau piano de la concertiste, ensemble souligné par les lumières de Laurent Béal, assisté de Didier Brun. La mise en en scène d'une grande sobriété fait la part belle au jeu des comédiens. Rare sur les planches qu'elle foule ici pour une quatrième expérience, Sophie Marceau s'engage aux côtés de François Berléand, douze ans après "Une affaire d'âme" de Bergman, dans une mise en scène de Bénédicte Acolas au Rond-Point. Dialogues ciselés au service de la rencontre, de l'authenticité, partition sensible pour deux comédiens aimés du public, "La Note" libère la parole dans un couple empêché par les pesanteurs de l'habitude. 

Subtil équilibre entre deux caractères, alchimie entre l'ombre et la lumière, Sophie Marceau solaire dans le rôle de Maud, drôle, vibrante, donne la réplique à François Berléand, un Julien plus morose, tout de lassitude blasée, d'agacement à peine contenu et de névroses mal dissimulées. L'angoissante situation de départ ranime la colère et l'incompréhension pour glisser vers la profondeur des réflexions existentielles, universelles, qui éveillent l'empathie du public. Échange touchant doublé d'une salvatrice dose d'humour, l'énergie de ce tandem délicieux est un bonheur. Note de musique ou bien addition à régler, à vous de décider. Ne boudons pas notre plaisir.

La Note, d'Audrey Schebat
Jusqu'au 31 décembre 2023

Texte et mise en scène Audrey Schebat
Assistante mise en scène Stéphanie Froeliger
Scénographie Jacques Gabel
Lumières Laurent Béal, assisté de Didier Brun
Costumes Ariane Viallet
Musique Ayten Inan
Son Florent Livet 

Théâtre des Bouffes Parisiens 
4 rue Monsigny - Paris 2
Tél : 01 86 47 72 43



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.