Paris : Église Saint Thomas d'Aquin, mémoire du faubourg Saint Germain, souvenir du noviciat des Dominicains et du collège des Jacobins - VIIème

 


L’église Saint Thomas d’Aquin actuelle est édifiée à partir de 1682 à l’emplacement d’une ancienne chapelle. L’architecte Pierre Bullet (1639-1716) conçoit un lieu de style classique, dont l’élégance doit être rehaussée par des œuvres à venir. Les défis du financement relevés par la congrégation des Dominicains réformés, dits aussi Jacobins, imposent une construction en plusieurs étapes. Le chantier s’arrête en 1686 faute d’argent pour poursuivre. La chapelle Saint-Louis, chœur des religieux, ne sera ajoutée qu’en 1722. Plus étonnant, la façade d’inspiration italienne est élevée tardivement en 1765 sur des dessins du frère Claude Navar. A l’origine chapelle privée des Jacobins dont le monastère se trouve dans le voisinage direct, elle devient paroisse Saint Thomas d’Aquin à la Révolution avec d’être réquisitionnée, nationalisée, pillée. Elle est rendue au culte catholique par le Concordat de 1801. 








Les Dominicains réformés fondent leur couvent principal au XIIIème siècle rue Saint Jacques, situation géographique qui leur confère le nom de Jacobins. Un deuxième monastère voit le jour au début du XVIIème rue Saint Honoré. En 1632, la congrégation obtient l’aval du souverain pour établir un noviciat généralice au faubourg Saint Germain. Les religieux enseignent au sein du collège des Jacobins, lié à l’ancienne Université de Paris. Sur les vestiges d’un ancien oratoire, les Dominicains font construire, à proximité de l’ancien « Chemin herbu », future rue Saint Dominique, une nouvelle chapelle dédiée à leur saint patron. En attente de financement, ils adaptent des bâtiments préexistants aux besoins de leur monastère. 

La construction de l’église actuelle débute en 1682 sur les plans de l’architecte Pierre Bullet. Afin de payer le chantier, les religieux lotissent les terrains autour du couvent. Avec pour objectif l’investissement locatif, ils font édifier maisons et immeubles de rapport sur les rues Saint Dominique et de l’Université, autant de biens susceptibles d’être loués et de générer une rente importante. 

La première pierre de l’église est posée par la duchesse de Luynes, Anne de Rohan Montbazon, propriétaire de l’Hôtel de Luynes situé entre le monastère et la rue Saint Dominique. Dédiée à saint Dominique, l’église est consacrée l’année suivante par Monseigneur François Harlay de Champvallon. Le lieu de culte est alors réservé aux religieux du monastère. L’édifice en croix latine est construit autour d’une nef pourvue de collatéraux. L’abside semi-circulaire termine le transept. En absence de chapelles latérales, de simples autels rythment les bas-côtés. En 1722, l’ajout d’une chapelle rectangulaire dite chapelle Saint-Louis, le chœur des religieux, ouvre l’église au public, tout du moins aux dames de la bonne société, souvent également mécènes. L’artiste François Lemoyne intervient en 1723 sur le décor du plafond, sur lequel il peint une Transfiguration. 









De 1735 à 1739, les nouveaux bâtiments du noviciat des Dominicains sont édifiés dans le voisinage direct de l’église. La façade conçue en 1769-70 sur les dessins du frère Claude Navar est animée par programme décoratif sculpté. François-Charles Buteux (circa 1724/32-1797), sculpteur ordinaire de la chambre du comte d’Artois puis maître sculpteur des Bâtiments du Roi, réalise la scène du fronton, qui représente la Religion appuyée sur la Vérité faisant face aux tables de la Loi.

En 1791, en pleine Révolution, la chapelle du couvent est édifiée en paroisse et placée sous le patronage de saint Thomas d’Aquin. En 1792, lors de la nationalisation des biens du clergé les religieux sont chassés, les bâtiments réaffectés. L’église saint Thomas d’Aquin concédée aux Théophilanthropes et au Club des Jacobins en 1793 devient temple de la Paix en 1797. Elle est rendue au culte catholique en 1802, à la suite du Concordat traité entre la République française et le Saint-Siège en 1801. Le pape Pie VII, de passage à Paris pour le sacre de Napoléon, y célèbre la messe le 26 décembre 1804.

Le couvent des Dominicains réquisitionné à la Révolution par le Ministère de la Guerre devient un dépôt d’armes anciennes, rapidement élevé au rang de Musée de l’artillerie. Les bâtiments de l’ancien monastère demeurent la propriété de l’Armée quand ces collections sont transférées aux Invalides malgré les demandes de restitution émises par les religieux. Les Dominicains du couvent Saint-Jacques sont rétablis en 1849 par le père Lacordaire. Ils s’établissement au 20 de la rue des Tanneries, dans le XIIIème arrondissement de Paris. Lors du percement du boulevard Saint Germain entre 1855 et 1877, une partie des bâtiments disparait ainsi que l’Hôtel de Luynes. Longtemps siège de la Direction du personnel de l’Armée de Terre, les derniers locaux patrimoniaux abritent depuis 2022 le nouveau campus de Sciences Po. 








Au XIXème siècle, l’église Saint Thomas d’Aquin retrouve un certain faste. De nouvelles œuvres viennent remplacer celles pillées à la Révolution, une belle sculpture de la « Vierge à l’enfant » de Gilles Guérin, des peintures, « l’Apparition de la Vierge à saint Jérôme » du Guerchin, « Saint Germain l’Auxerrois donnant la Médaille à sainte Geneviève » de Louis Lagrénée (1771), « L’Éducation de l’Enfant Jésus » école de Simon Vouet au XVIIème siècle, « L’Assomption » du peintre italien Salvator Rosa XVIIème siècle, « Lapidation de saint Etienne » d’Abel de Pujol (1815), « La Transfiguration » de Jean Restout. 

Entre 1841 et 1845, Merry Joseph Blondel (1781-1853) réalise les peintures murales de la coupole au-dessus du transept, celles des écoinçons, des bras du transept, puis du chœur des religieux. L’autel Saint Vincent de Paul est installé en 1848. Le portrait de Saint Louis par Luc-Olivier Merson prend place dans la chapelle Saint-Louis en 1887. Les verrières posées en 1902 sont l’œuvre d’Édouard Didron et Langlade. 

Église Saint Thomas d’Aquin 
Place Saint Thomas d’Aquin – Paris 7
Métro rue du Bac ligne 12



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur du 7è arrondissement - Françoise Colin-Bertin - Parigramme
Saint-Germain des Prés et son faubourg, évolution d’un paysage urbain - Dominique Leborgne - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages