Plus petit arrondissement de Paris, le IIème est créé à l'occasion du décret de 1860 qui annexe les communes limitrophes au territoire de la ville de Paris et modifie le découpage administratif de la Capitale. D'Ouest en Est, il se compose de quatre quartiers, Gaillon, Vivienne, Mail et Bonne Nouvelle. De la prestigieuse rue de la Paix, en passant par les expérimentations architecturales de la rue Réaumur, jusqu’aux passages couverts, et à la pittoresque rue Saint Denis, le IIème arrondissement contraste dans les genres et les histoires. Arrondissement historique de l’imprimerie et de la presse au XIXème siècle puis de la confection à partir du XXème, désormais il est principalement occupé par des bureaux du sectaire tertiaire, particulièrement des organismes financiers, des assurances.
Basilique Notre Dame des Victoires - place des Petits Pères - Paris 2 |
Place des Victoires - Paris 2 |
Les fouilles archéologiques menées en 1975 rue Saint Denis mettent à jour cinq voies romaines successives. La plus ancienne remonte au Haut Empire, entre le Ier et le IIIème siècle. Ses dimensions confirment l’importance de cet axe aussi considérable que la grande artère de Lutèce, entre le Nord et le Sud, le cardo maximus sur le tracé de la rue Saint Jacques et la rue Saint Martin. Dans le prolongement du pont romain qui traverse la Seine, à hauteur de l’actuel pont Notre Dame, la rue Saint Denis trace un axe commercial vers Saint Denis nécropole royal et et Rouen. En 1137, le marché des Champeaux, nouvelles halles maraîchères, est établi à la convergence des voies empruntées par les producteurs, notamment le chemin des Poissonniers qui contourne vers l’Est la colline de Montmartre, reprend la route vers la Bretagne et la Normandie.
A la fin du XIIème siècle, les fortifications défensives héritées de la muraille gallo-romaine sont agrandies. L’enceinte Philippe Auguste voit le jour entre 1190 et 1208. Longue de 2800 mètres, elle englobe des pâtures, des vergers, des terres agricoles afin de pourvoir la population en denrées alimentaires.La première porte se trouve près du Louvre. Le fossé longe la rue Saint Honoré. Les rues Montmartre, Montorgueil, Saint Denis se trouvent dans le prolongement des portes. Le canevas primitif du XIIIème siècle comporte un réseau de rues en parallèle du rempart tandis qu’entre la rue Saint Denis et la rue Saint Honoré, elles empruntent un tracé en arc de cercle. L'accroissement des espaces permet la construction de demeures bourgeoises, de maisons artisanales plus rarement aristocratiques. Des congrégations charitables s’installent sur les rives de la rue saint Denis, hospices, la confrérie de Saint Jacques au numéro 135 vers 1315, hôpital de la Trinité au 142 vers 1201, plus tard les Filles Dieu ou Filles de Saint Chaumont entre les 224 et 226 vers 1673.
Au cours de la Guerre de Cent ans, la muraille défensive de Philippe Auguste insuffisante est remplacée par l’enceinte dite Charles V, longue de 4875 mètres, dont la construction se prolonge sous le règne de Charles VI et s’achève vers la fin du XIVème siècle. Bastides et portes rythment le chemin de ronde. Au pied de la muraille, se trouvent deux fossés dont un en eau plus un talus. Le long de la courtine, de nombreuses parcelles constructibles sont ouvertes par François Ier (1494-1547), notamment rue des Petits Champs, terrains sur lesquels sont édifiées des demeures royales, propriétés du monarque tel que le palais des Ducs de Bourgogne.
Palais Brongniart - place de la Bourse - Paris 2 |
144 rue Montmartre, ancien siège du journal L'Aurore - Paris 2 |
Au début du XVIème siècle, au pied des remparts, la Butte Montorgueil, urbanisée, devient la Villeneuve-sur-Gravois. Ce nouveau bourg joue un rôle militaire stratégique. L’emplacement correspond aujourd’hui à la Butte Bonne Nouvelle. Au siècle suivant, les congrégations religieuses se multiplient dans tout l’arrondissement, le couvent des Filles de Saint Thomas fondé en 1626 à l’emplacement de l’actuel Palais Brongniart, à partir de 1628 les Augustins Déchaussés ou Petits Pères sur l’actuelle rue des Petits-Pères, la communauté des Nouvelles Catholiques en 1672 rue Neuve Sainte Anne, actuelle rue Sainte Anne. Malgré l’interdiction promulguée au XVIIème siècle, de bâtir sur les terrains du faubourg, la densité de la ville fait déborder les habitations de l’enceinte Charles V. Au Nord du rempart des égouts à ciel ouvert présent depuis le XIVème siècle sont couverts en 1605. Le nom des rues, rue du Ponceau, rue des Égouts aujourd’hui tronçon de la rue Saint Martin, en conserve la mémoire.
La transformation des fortifications sous l’effet de la pression urbanistique est envisagée dès 1566. L’enceinte des Fossés Jaunes, appelée également enceinte Louis XIII, se développe à l’avant de l’ancienne enceinte Charles V à partir de 1630. La construction de la nouvelle muraille, longue de 6200 mètres sous la houlette de l’architecte Jacques Lemercier, entraîne la destruction en 1633 de la partie ouest de l'enceinte de Charles V, obsolète, entre la Seine le pont du Carrousel et la porte Saint-Denis. La libération de terrains, facilite le lotissement du quartier Richelieu.
Entre 1624 et 1632, le cardinal de Richelieu (1585-1642) fait acquisition de parcelles en face du Louvre. Pour édifier sa nouvelle propriété, il fait fi des interdits et enjambe le fossé ainsi que le rempart défensif. A partir de 1633, il confie à Lemercier un grand chantier pour modifier l’ancien Hôtel de Rambouillet et le transformer en Palais Cardinal. Il est finalement offert au roi Louis XIII en 1636. Veuve, Anne d’Autriche y réside avec son fils le jeune Louis XIV à partir de 1642. Le Palais Cardinal devient le Palais Royal.
Ce prestigieux voisinage engendre une spéculation immobilière importante. Le Barbier en charge des lotissements joue un rôle important dans l’attractivité des nouveaux quartiers du Palais Royal, de la rue Montmartre, de la rue Sainte Anne et de la place des Victoires, auprès des Fermiers Généraux. Sous Louis XIV, les hôtels particuliers édifiés sur les plans de prestigieux architectes, Mansart, Lemercier, Le Vau, Le Muet, se multiplient : hôtel Mazarin rue des Petits Champs, Hôtel Colbert rue Vivienne, Hôtel de Louvois rue de Richelieu,
Lors de la création de la place des Victoires en 1685, la majeure partie de l’enceinte des Fossés Jaunes est rasée pour créer les boulevards Saint Denis, Bonne Nouvelle au niveau des anciens remparts, les boulevards Poissonnière, Montmartre, des Italiens sur les fossés comblés. En 1685 également, le couvent des Capucines au nord de la rue Saint Honoré est déplacé afin d’édifier la place Vendôme. Le domaine des religieuses se reconstruit au nord de la nouvelle place en 1688.
Rue Réaumur - Paris 2 |
Galerie Vivienne - Paris 2 |
Au début du XVIIIème siècle, l’ouverture de nouvelles rues entraîne une effervescence spéculative. Entre les rues des Petits Champs, Vivienne, Saint Augustin, et la place des Victoires, les parcelles sont acquises par les grandes familles de la finance, les banquiers de la cour, Law et Pâris de Montmartel, ainsi que les administrations. Durant la seconde moitié du XVIIIème siècle, le marché immobilier connait un fort essor à la suite du démantèlement des domaines attachés aux grands hôtels particuliers qui sont rasés pour tracer de nouvelles rues, des terrains rapidement lotis. Les architectes Mazières, Le Camus, Pierre-Jules Delespine et Louis-Jules Delespine interviennent dans ce cadre. En 1765 l’ancien Hôtel de Gramont est rasé pour faire place à la rue de Gramont qui se trouve entre la rue Saint-Augustin et le boulevard des Italiens. En 1776, la propriété du comte de Choiseul-Gouffier, morcelée, l’hôtel particulier démoli, les terrains font l’objet d’un lotissement entre 1780 et 1785 qui donne notamment naissance à la rue de Choiseul. Hôtel de Lorges en 1778, Hôtel Louvois, Chabanais, de Jars entre 1784 et 1797 connaissent le même sort tandis que l’Hôtel de Montmorency fait place en 1798 au passage des Panoramas. Dans le quartier du Palais royal, s’ancre une tradition littéraire entre cabinets de lecture, éditeurs, imprimeurs et clubs révolutionnaires.
En 1792, les biens du Clergé sont nationalisés et leurs vastes propriétés confisquées. Le couvent des Filles-Dieu en 1798 fait place à la rue et au passage du Caire. Sous Napoléon Ier, l’ancien couvent des Capucines disparaît lors de la percée de la rue de la Paix en 1806. La rue des Filles de Saint Thomas, tracée en 1650 sur des terrains, propriétés des congrégations de Saint Augustin et des Filles de Saint Thomas. Ce couvent, considéré comme un foyer de contestation, est détruit au cours première moitié du XVIIIème siècle libérant ainsi des espaces. A son emplacement, est créé entre 1808 et 1830 le Palais de la Bourse, actuel Palais Brongniart. En 1830, Hôtel du Timbre de l’enregistrement et des domaines voit le jour à proximité. En 1840, le IIè arrondissement s’impose comme le cœur de la finance et des affaires. La place de la Bourse est inaugurée en 1844, sur la parcelle de l’ancien couvent comprise entre les rues Notre-Dame-des-Victoires et Vivienne.
Durant la première moitié du XIXème siècle, galeries et passages couverts rivalisent de luxe, lieux de promenade et de commerce : la galerie Vivienne en 1823, la galerie Colbert en 1827, le passage du Grand-Cerf en 1825 et le passage du Bourg-l’Abbé en 1828. En 1834 le passage des Panoramas se dote de nouvelles galeries. Le IIème arrondissement change radicalement au cours du Second Empire (1852-1870) sous l’effet des grands travaux du baron Haussmann. Le préfet transforme le centre populaire de Paris en quartiers bourgeois. Les vastes avenues remplacent les ruelles médiévales. Échaudé par la mémoire des insurrections populaires et des révolutions de 1830 et 1848, le pouvoir central articule la ville autour de grands axes susceptibles de faciliter l’intervention des troupes armées. Les dimensions des boulevards rendent désormais les barricades impossibles. Le boulevard Sébastopol en 1854, les rues Etienne Marcel et de Turbigo entre 1855 et 1859, forme un quadrillage est-ouest renforcé par la création de la rue du Quatre Septembre 1864, l’avenue de l’Opéra 1873.
La rue Etienne Marcel est prolongée en 1880 entre le quartier de l’Opéra et le Marais. En 1894-95, la rue Réaumur, fraîchement inaugurée, devient le nouveau fief des imprimeurs grâce à ces immeubles innovants, capables d'accueillir par leurs volumes et leur résistance aux charges lourdes, infrastructures et matériels de l'industrie.
Rue Beauregard - Paris 2 |
Station Quatre Septembre - Paris 2 |
Au milieu du XIXème siècle, la presse s’installent rue Montmartre et dans les abords immédiats, jusqu’à l’avenue de l’Opéra. En parallèle à proximité de la Bourse, s’implantent les agences de presse, la Société des annonces, l’agence Havas, l’agence France Presse ainsi que les Messageries de la presse en charge de la distribution dont les services sont complétés par la Poste principale du Louvre à proximité.
Peu à peu la finance écarte la presse. En 1939, la Paierie générale du Trésor s’installe rue Notre Dame des Victoires. Entre la place des Victoires et l’avenue de l’Opéra, se trouvent désormais les sièges des grandes banques, la Chambre de Commerce, la Compagnie des agents de change, la Société de prévoyance d’assurance. Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, les grands titres de la presse peu à peu cèdent leurs sièges sociaux à des groupes financiers, s’installent en banlieue
Entre Mail et Bonne Nouvelle, le Sentier est l’un des symboles de l’industrie de la confection. Son histoire remonte à près de deux siècles. Vers 1840, les ouvrières couturière, population féminine misérable, travaillent en « chambre », pour fournir les échoppes des marchands de nouveautés. Le Second Empire marque l’essor des grands magasins. Il s’y développe une forme originelle de prêt-à-porter. Dans le IIème arrondissement, les vastes ensembles « À Réaumur » rue Réaumur, « La Ville de Paris » rue Montmartre attirent les classes sociales moyennes et les initient à la société de consommation. A la fin du XIXème siècle, les cousettes ou les midinettes oeuvrent dans les ateliers de couture plus formels qui fournissent les grossistes du Sentier en lien avec ces grands magasins.
Au début du XXème, les Juifs de Europe de l’Est fuyant les pogroms arrivent à Paris par vagues successives de migration. Rue Vivienne, ils implantent des échoppes de numismatique. Puis développent des commerces de pierres précieuses. Orfèvres, sertisseurs, leurs ateliers des rues Richelieu, Sainte Anne, travaillent avec les joailliers de la place Vendôme, de la rue de la Paix. Dans le périmètre du Sentier, se regroupent les tailleurs qui forment une communauté active importante.
Station de Métro Sentier - Paris 2 |
Dès les années 1960, le phénomène de la mode éphémère s’ancre dans le paysage commercial. Les dépôts de tissus se multiplient. Les grossistes prennent de l’ampleur. Dans le quartier du Sentier, de modestes ateliers parfois clandestins produisent dans des temps record des petites collections, qualité médiocre mais à la pointe tendance. La concurrence asiatique marquera le déclin de cette industrie. En parallèle, à partir de la fin des années 1970, la place des Victoires attire les créateurs haut de gamme, Kenzo, Mugler.
A la fin des années 1990, alors que les abords de la rue saint Denis se gentrifient, Vénus mercenaires, peep show et sex shop sont remplacés par des commerces de bouche, crèmeries, cavistes, bars à vin, maraîchers bio, traiteurs. Une zone piétonne réglementée est créée sur une superficie de vingt hectares, entre les rues Etienne Marcel, d’Aboukir, du Louvre, Réaumur et le boulevard Sébastopol. La circulation des voitures limitée diminue le trafic. Entre la rue Montorgueil et Les Halles une expérience de piétonnisation similaire est menée. Le IIème arrondissement comporte près de trois-cents maisons anciennes recensées comme étant d’intérêt patrimonial, architectural ou historique.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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